Un tabou répondant au nom de récession
S’en allait chemin faisant à la recherche d’un compagnon
Un protecteur, une bonne âme qui l’accueillerait à bras ouverts
Et lui offrirait sans chichis le gîte et le couvert
A l’orée d’un bourg il aperçoit un politique de sa connaissance
L’apostrophe aimablement, bien heureux de renouer une amitié en souffrance
Hé là mon bon ami, m’accepteriez-vous pour hôte
Ne serait-ce qu’une nuit, le temps d’ôter mes bottes ?
J’ai parcouru l’Europe en long, en large et en travers
Et cherche à m’établir au calme pour laisser passer l’hiver
Le politique d’abord recule, fait mine de n’avoir rien entendu
Voyant le tabou qui insiste, s’insurge, le traite de malotru
Vous n’y pensez pas, la récession dans ma maison ?
Ma table est accueillante mais n’est pas vaste à déraison !
Passez votre chemin, vous trouverez bien quelque inconscient
Pour vous donner crédit et causer son propre tourment
Le tabou, surpris, aussi déçu que décontenancé
Sitôt se remet en route quand les chiens sont lâchés
Il traverse le bourg détalant ventre à terre
Se perd dans la forêt jusqu’à une clairière
Alors qu’il récupère le souffle qui lui échappait
Une périphrase passant par-là s’enquit de ses méfaits
Ecoutant ses malheurs, encline à les comprendre
La périphrase au tabou propose de le défendre
Elle lui explique d’abord pourquoi le politique
De bon ami d’hier est devenu allergique
C’est qu’entretemps le sieur est devenu bourgmestre
Que des fréquentations douteuses pourraient le compromettre
Si la récession est des plus fréquentables
Quand dans l’opposition on la veut opposable
Au pouvoir en place et même lui attribuer
Lorsque les rôles s’inversent il n’est plus temps de jouer
Ce n’est que naturel de vouloir la bannir
De faire l’ignorant quand elle veut vous sourire
Cette mise au point faite la périphrase poursuit
Et promet au tabou rien moins qu’un sauf-conduit
Vous n’êtes pas le bienvenu, il faut changer de nom
Pour que la porte s’ouvre, oubliez récession
Préférez-lui un terme un peu moins provocant
Quelque chose de plus flou qui ne soit pas rebutant
Une formule toute faite, un peu académique
Pourquoi pas Alternative durable à la croissance économique
Le tabou circonspect mais de bonne composition
Accepte, pas très rassuré, la généreuse proposition
La périphrase, elle, est confiante, de son stratagème persuadée
L’encourage tout de go vers le bourg de retourner
Il rebrousse chemin sous ses nouveaux atours
Et s’en va trouver le politique pour lui jouer son tour
Celui-là tout changé l’accueille avec joie
Le reçoit en invité pour un festin de choix
Le banquet du politique est bien assez grand
Pour accueillir moult mots là où un est suffisant
Thomas Litou