La voix éclairée de la dirigeante de la Résistance iranienne au Congrès
« Les sunnites, dont se revendiquent la plupart des mouvements terroristes, acceptent que les autorités religieuses et politiques soient fondues dans la même personne, alors que les chiites prônent une séparation claire », ai-je lu avec effarement dans l’éditorial d’un magazine de droite, alors que dans un journal de gauche un ancien fonctionnaire du ministère de la Défense martelait qu’il faut pointer du doigt le « salafisme » et éviter de stigmatiser les « islamistes » ce qui pourrait nourrir des amalgames !
L’apparition de Daech dans le paysage géopolitique et la situation dramatique au Moyen-Orient n’a pas que des conséquences néfastes au niveau humanitaire. Elle a aussi fait émerger une catégorie d’experts autoproclamés qui se lancent dans des analyses les plus folles sur le chiisme, le sunnisme, les salafistes et les djihadistes étalant une ignorance totale non seulement sur l’islam mais aussi les sujets qu’ils traitent. Je ne vais pas les citer, mais il est vrai que l’auteur de ce journal de droite voulait conclure qu’il fallait renouer avec l’Iran des mollahs puis Bachar Assad en Syrie. Le soi-disant professeur d’université dans le journal de gauche n’est en fait qu’un lobbyiste de bas de gamme au service des fascistes religieux en Iran. On peut alors mieux saisir les arrières pensées de ces analyses cherchant absolument à diviser les extrémistes qui abusent de l’islam en bon et mauvais ennemis et du coup blanchir la théocratie des mollahs, ces « chiites » si passionnés de la séparation de la religion et de l’Etat !
Faut-il distinguer entre le califat de Daech et celui instauré par les mollahs en Iran il y a 36 ans ? Doit-on s’allier à ces derniers pour éradiquer l’autre ?
Ces questions ont été l’objet d’une audition récente à la commission des affaires étrangères du Congrès américain qui vient d’inviter Maryam Radjavi, la Présidente du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI). Il s’agit d’une coalition politique de cinq groupes d'opposition iraniens, notamment l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI). Fondée dans les années 1960 pour renverser la dictature du chah qui était soutenue par les Américains, l’OMPI a aussi combattu l'émergence des islamistes à Téhéran après la révolution. Elle a dû se battre farouchement sur le terrain juridique pour contraindre le Département d’Etat américain à retirer son nom en 2012 de la liste des organisations terroristes, qui l’y avait mis injustement. Inscription datant de 1997 quand le gouvernement américain lançait des fleurs aux mollahs de Téhéran à la recherche d’un mythique rapprochement.
Les lobbies de tout acabit aux Etats-Unis avaient bien essayé en vain d’empêcher l’opposante iranienne d’intervenir pour la première fois au Congrès.
Pourtant la démocrate Sheila Jackson Lee, membre de la Chambre des Représentants, a estimé à cette audition qu’il s’agissait d’un « des rares moments où la voix de l’opposition iranienne est entendue ».
Maryam Radjavi a consacré sa vie au combat contre les fondamentalistes qui agissent au nom de l’islam. Elle prône une république pluraliste, la séparation de la religion et de l’Etat et l’égalité entre les femmes et les hommes. Je conseille à chacun de prendre le temps de lire l’exposé de cette dirigeante musulmane sur son site.
S’exprimant devant la sous-commission de l’anti-terrorisme et de la non prolifération, elle a affirmé que pour contrer l'extrémisme islamiste, il est nécessaire de soutenir les tenants de l’islam démocratique et tolérant.
« C'est le régime des mollahs qui a aidé à la création de Daech (…) Et le massacre des sunnites en Irak a contribué à l'émergence de ce groupe », a-t-elle précisé aux Représentants démocrates et républicains venus l’interroger sur le groupe fanatique qui s'est emparé de pans entiers de territoires en Irak et en Syrie.
Qualifiant le régime iranien d’«épicentre de l'intégrisme islamiste » au Moyen-Orient, elle a enchainé : « Nous pouvons et nous devons vaincre le fondamentalisme islamiste, qu’il soit chiite ou sunnite. »
« Aujourd'hui, a-t-elle poursuivi, l’extrémisme et l’intégrisme islamistes, sous le nom de Daech ou de groupes paramilitaires chiites, ont lancé une attaque brutale sur les pays de la région et au-delà, y compris en Amérique et en Europe. L’intégrisme islamiste a émergé comme une menace pour la paix et la sécurité quand Khomeiny a usurpé la direction d'une révolution populaire en 1979 et établi une dictature religieuse en Iran. »
« Depuis 36 ans, nous résistons à la tyrannie religieuse et luttons pour la démocratie en Iran. Le régime iranien sert de principale source à ce phénomène inquiétant dans la région et à travers le monde. L'objectif principal des intégristes islamistes, comme Daech, est d'établir un califat islamique et d’y appliquer la charia. »
Déplorant l’échec de la politique occidentale, suite à la guerre en Irak, elle a ajouté : « Malheureusement, l’incapacité d'arrêter l’ingérence post-2003 du régime iranien en Irak, a permis à ce dernier d'occuper progressivement ce pays, entraînant la propagation sans précédent de l'intégrisme islamiste. De même, les crimes commis par la Force Qods ( des gardiens de la révolution iranien) et Bachar el-Assad en Syrie ainsi que le massacre et l'exclusion des sunnites en Irak par Maliki, auxquels s’ajoute le silence de l’Occident, ont renforcé Daech. »
Maryam Radjavi a également averti que le régime des mollahs ne pouvait faire partie de la solution à la crise actuelle dans la région, « il est en effet le cœur du problème ».
Elle a proposé les mesures suivantes comme autant d'étapes nécessaires pour vaincre le phénomène funeste de l'intégrisme islamiste :
« 1) Expulser la Force Qods d’Irak et mettre fin à l'influence du régime iranien dans ce pays ;
2) Permettre la pleine participation des sunnites dans le partage du pouvoir et armer les tribus sunnites pour assurer la sécurité de leurs communautés ;
3) Aider l'opposition modérée et le peuple en Syrie à mettre fin au régime d'Assad et à établir la démocratie dans ce pays ;
4) Reconnaître les aspirations du peuple iranien à renverser les mollahs et mettre fin à l'inaction vis-à-vis des graves violations des droits humains en Iran.
5) Assurer la protection et le respect des droits des membres de l'opposition iranienne organisée, l'OMPI, qui se trouvent au camp Liberty en Irak.
6) Promouvoir l’islam authentique, démocratique et tolérant pour contrer les interprétations intégristes de cette religion ;
7) bloquer toutes les voies menant le régime iranien à se doter de l’arme nucléaire. »
Au lieu de se laisser entrainer par des lobbies en quête de profits à cour terme et des contrats volatiles, il vaudrait mieux écouter des voix plus éclairées si l’on veut vraiment stopper le fléau de notre époque sans faire d’amalgame entre l’extrémisme et le milliard et demi de musulmans dans le monde.