Depuis l’annonce de l’accord entre les 5+1 (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Russie, Chine et Etats-Unis) et la théocratie iranienne à Vienne, tandis que des efforts se multiplient pour apaiser les esprits et rassurer les opposants au texte, le site de Parchine vient troubler la sérénité tant souhaitée par l’administration américaine.
Rappelons-nous qu’en juillet dernier, un accord a été conclu à Vienne pour garantir l’absence de débouchés militaires du programme nucléaire iranien, en échange d'une levée progressive des sanctions internationales.
A peine entériné par le Conseil de sécurité de l’ONU, voilà de nouveaux bâtons jetés dans les roues du processus : des travaux dans le site militaire de Parchine, au sud-est de Téhéran. Les autorités iraniennes auraient cherché à nettoyer ce secteur ultra sensible de toute trace de ses recherches sur les armes nucléaires avant les prochaines inspections internationales.
La théocratie s’est hâtée de diffuser des images de construction de voieries afin de calmer la tension sans vraiment convaincre les plus réticents, mais en rassurant au moins les plus indulgents. Le gouvernement iranien a expliqué la présence de bulldozers par de "vastes travaux de réfection d’une route" proche du site. On ne peut être plus clair.
Mais voilà qu’un énième rebondissement arrive avec le dernier rapport de l’Agence internationale de l’Energie Atomique (AIEA), qui confirme des modifications. Il semblerait, rapportent des dépêches d’agences, que « depuis le précédent rapport (en mai), à un endroit particulier sur le site de Parchine, l'agence a observé, grâce aux images satellites, la présence de véhicules, d'équipements et ce qui semblerait être des matériaux de construction. En outre, une petite extension d'un bâtiment existant semble avoir été construite, indiquent les inspecteurs de l'AIEA ».
Pourquoi tant s’inquiéter ?
Pourquoi autant d’intérêt ? L’AIEA fait valoir que toutes les activités menées à Parchine depuis la dernière visite des inspecteurs en 2005 compromettraient la capacité de vérifier les renseignements obtenus par les Occidentaux selon lesquels l'Iran y aurait mené des essais en lien avec des explosions nucléaires.
Le site de Parchine est en effet soupçonné d'avoir abrité des tests d'explosions conventionnelles susceptibles d'être appliquées au nucléaire. Selon les données fournies à l'AIEA par des Etats membres, Parchine aurait abrité des expériences hydrodynamiques pour évaluer la résistance de certains matériaux à de très fortes pressions du type de celles dégagées par une explosion nucléaire.
L’Iran des mollahs a jusqu’à l’accord refusé la visite des inspecteurs de l’AIEA désireux de clarifier ces soupçons, avançant pour prétexte que Parchine est un site militaire. L’inspection de Parchine est un des sujets les plus sérieux qui ont empoisonné les relations entre l’AIEA et l’Iran. L'agence onusienne n’a pu y conduire des inspections qu'en 2005 dans des conditions limitées et contraignantes. Le refus de Téhéran de laisser enquêter les inspecteurs de l’AIEA a sérieusement augmenté les soupçons sur une possible dimension militaire (PDM) du programme nucléaire iranien.
Les antécédents de tricherie ne manquent pas du côté iranien. A titre d’exemple, quand la Résistance iranienne a révélé en mai 2003 l’existence du site Shian-Lavisan, siège des recherches sur le projet d'armement nucléaire, le régime iranien s’est empressé de déplacer ce site avant de le raser, n’autorisant qu’un an plus tard l’AIEA à passer sur les ruines.
Accord secret parallèle
Maintenant que l’accord est conclu, que tout est en règle, qu’une nouvelle ère s’ouvre dans les relations entre le monde et l’Iran, il serait bon de clore ce chapitre. Il suffirait qu’une équipe d’experts de l’AIEA se rende en Iran, vérifie Parchine et mette ainsi fin aux rumeurs et à la « désinformation » des détracteurs de l’accord.
Mais c’est justement là où le bât blesse.
L'AIEA a signé en juillet avec Téhéran une "feuille de route" autorisant une enquête sur son programme nucléaire, dans le cadre de l'accord conclu avec les six grandes puissances. Cet accord gardé secret vise à régler la question empoisonnante de la PDM (possible dimension nucléaire). Cet aspect n’est pas sans importance puisque la levée des sanctions est conditionnée aux vérifications de l'AIEA.
Yukiya Amano, le directeur général de l’AIEA a expliqué que l'Iran a transmis le 15 août à l’agence des documents sur son activité nucléaire passée, qui devront être examinés d'ici le 15 septembre. M. Amano devra ensuite annoncer les résultats de l'enquête le 15 décembre.
Jusque-là tout est en règle. Les autorités américaines ont d’ailleurs laissé entendre que l'accord « historique » du 14 juillet avec l'Iran prévoit que l'AIEA pourra inspecter des sites militaires, notamment Parchine. Or il semble que ce ne soit pas tout à fait ça, les inspecteurs de l’AIEA ne pourront y aller. Alors comment l’AIEA pourra-t-elle vérifier ? Et, comment va-t-on assurer au monde que le régime n’est pas en train de tricher une énième fois ?
Méthode d’inspection hors du commun
Or voilà qu’un autre grain de sable vient encore gripper le mécanisme. L'agence Associated Press qui a obtenu un exemplaire d’un des arrangements secrets passés entre l’AIEA et l’Iran, dévoile que l'agence s'apprêterait à autoriser les propres experts du régime iranien à inspecter le site de Parchine ...
« Je suis troublé par les propos suggérant que l'AIEA aurait donné la responsabilité des inspections nucléaires à l'Iran », a affirmé Yukiya Amano dans un communiqué. En effet, c’est du jamais vu dans les annales de l’AIEA. Il n’a pourtant pas voulu dévoiler les termes de ces arrangements. « J'ai l'obligation légale de ne pas les rendre publics », a-t-il expliqué. »
Selon plusieurs sources, ces arrangements autoriseraient l’Iran à prélever ses propres échantillons de sol près des sites suspectés d’armement nucléaire, ce qui reviendrait à confier la garde du poulailler au renard, comme le dit un dicton persan.
Aucune norme, en aucun cas, ne permet de prélever ses propres échantillons. La norme de l’AIEA, c’est que des inspecteurs indépendants doivent se rendre sur place. Ils doivent être présents et s’assurer que l’endroit n’a pas été décontaminé auparavant. Ils doivent vérifier les facteurs environnementaux qui peuvent avoir un impact sur l’échantillon. Ils doivent maintenir le contrôle des échantillons avant que ceux-ci ne soient emmenés au laboratoire.
« Si vous ne savez pas exactement ce qu’a fait l’Iran auparavant pour construire une bombe et que vous n’essayez pas d’y remédier de la meilleure façon possible, comment pouvez-vous être sûr que l’Iran sera digne de confiance dans le futur ? S’ils continuent à cacher ce qu’ils ont caché avant, alors c’est clairement un signe qu’ils poursuivent toujours le même objectif, à savoir fabriquer la bombe », a affirmé Alireza Jafarzadeh, directeur adjoint du bureau du CNRI à Washington, qui avait révélé l’existence des sites de Natanz et d’Arak en 2002.
Un général des pasdaran va veiller à l’impartialité des inspections !
Le plus inquiétant reste que le signataire de l’accord secret avec l’AIEA du côté iranien est le général des pasdaran Ali Hosseini-Tash. C’est lui qui veillera à ce que les inspecteurs iraniens mènent une enquête impartiale à Parchine.
Or, il est lui-même un acteur majeur du programme d'armes nucléaires. Quand il était en charge de la recherche au ministère de la Défense, et vice-ministre de la Défense de février 2004 à septembre 2005, il dirigeait l’organe qui s’occupe de la militarisation du projet nucléaire. L'organe en question s’appelait à l’époque le « Centre pour le développement de la technologie avancée de défense (AMAD, son acronyme en persan). Durant la période où Parchine était utilisée pour ces tests d’explosions, AMAD était sous la responsabilité directe de Hosseini-Tash.
De quoi s’interroger sur l’impartialité du rapport qui devrait sortir sur la PDM. La complaisance des 5+1 et surtout de l’administration américaine, soucieuse de bâcler l’accord et la clarification de la PDM, pour des raisons électorales ou autres, ne permettra pas sans doute de savoir ce qui s’est fomenté et qui continue de se cacher à Parchine. Quoi qu’il en soit, cela ne présage rien de bon pour l’avenir de cet accord « historique » et sans doute « hors du commun ».