Je me souviens de ce matin dans la ligne 13, lorsqu’un homme m’a attrapé la « covfefe » comme dirait l’autre. Passé l’instant de surprise, j’ai finalement réagi en assénant mon agresseur de remarques verbales, et en parlant suffisamment fort pour que mes voisins de rame puissent m’entendre. Pas une seule personne ne me soutiendra ce matin-là.
Je me souviens également, alors que je rentrais chez moi à vélo, d’un homme en voiture s’arrêtant à ma hauteur et me proposant « de me baiser le soir-même ». Je n'ai pas mieux trouvé que de pointer mon majeur dans sa direction. Il tentera alors de me cracher dessus après m’avoir copieusement insulté. Pas un seul passant ayant assisté à la scène ne viendra m’aider.
Je me souviens aussi d’un groupe d’hommes me lançant un florilège de remarques sexistes et dégradantes. M’arrêtant à leur hauteur pour demander des explications, ces derniers continuent dans le registre du misérabilisme jusqu’à l’irruption d’un autre homme, qui les obligera alors à s’excuser de ce comportement indigne.
Je me souviens d’une de mes amies, m’appelant pour me raconter qu’un homme venait de lui toucher les fesses, rue de Rivoli, un samedi après-midi. Son agresseur au lieu de s’excuser, rigole. Mon amie finira par lui donner un coup de sac. Les passants autour d’elle regarderont la scène mi- amusé et mi- interloqué. Personne ne lui portera assistance.
Je passerai les remarques « tu es bonne », « ta robe te moule bien les fesses », « suce-moi », « tu es une salope », « tu me passes ton numéro », « tu es charmante », les mains aux fesses dans les bars, des insultes lors de refus, des moments de solitudes profonds quand personne autour de soi ne vient réagir ou aider en cas de besoin.
Je passerai aussi l’histoire de l’homme qui un jour m’a suivi en voiture pendant plusieurs minutes alors que je faisais du roller en jupe. Ce pervers finira par me demander les raisons de mon agacement, car je cite « je devrais être flattée qu’il me suive ».
Essayons d’imaginer un seul instant, une femme se comporter de la sorte avec un homme, lui faire des remarques sur sa façon de s’habiller, sur son corps, le toucher de force, se masturber dans les lieux publics, l’agresser physiquement et verbalement. Essayons d’imaginer des femmes dire aux hommes que leurs tenues sont provocantes, qu’ils viennent habillés d’une telle façon dans l’unique but de les séduire, de se permettre des remarques sur une éventuelle prise de poids, sur les formes de leurs corps ou la façon d’être coiffé.
Cela est impensable.
Notre société autorise depuis toujours l’appropriation du corps de la femme par d’autres. Nous, femmes, devons être grande, mince ou non, élancée, cheveux courts ou longs, avec des courbes ou non, habillés de telles façon, accepter l’hyper-sexualisation de nos corps dans les publicités, être taxée de « lesbienne frustrée » si l’on ose affirmer notre désapprobation.
Notre société qui place les femmes dans des cases de respectabilité selon la longueur de nos jupes. Une société qui laisse le sexisme devenir quelque chose banal, en laissant le pire de la politique s'approprier la cause des femmes dans l'unique but de propager des discours de haine.
C’est pourquoi je suis terriblement choquée que l’on instrumentalise les violences et le harcèlement de rue à des fins racistes et xénophobes. Je suis profondément choquée que des propos aussi dangereux puissent s’installer de la sorte dans les médias.
Je suis terriblement agacée de voir que notre société préfère une fois de plus pointer du doigt les étrangers, les Noirs, les Arabes, les migrants, plutôt que de combattre le rapport maladif de l’homme au corps de la femme.
Je suis terriblement en colère, car une fois encore, aucune politique sérieuse ne sera menée pour combattre le harcèlement de rue et les propos sexistes au travail. Je suis terriblement en colère que des personnalités telles qu’Elisabeth Badinter utilisent des tribunes pour diffuser des propos xénophobes sous couvert de pseudo-féminisme.
Nous, femmes, devrions toutes témoigner de ce que nous subissons au quotidien, et exiger de notre gouvernement une vraie politique et de réelles mesures concernant ce fléau qu’est le harcèlement de rue et refuser l’instrumentalisation orchestré par des associations en quête de buzz et de sensationnalisme, se nourrissant uniquement de la haine de l’autre.