Je pense que c’est la rue des oubliés, des vrais oubliés de la République. Cette rue, elle défie quiconque de lui parler d’identité, de religion, d’appartenance, parce qu’elle vomira cette rhétorique, méprisera ces débats de salon où l’on s’écharpe pour savoir ce qui fait de nous un bon ou un mauvais français.
Dans cette rue, qui traverse 3 villes du 93, souvent citées comme étant des réservoirs à salafistes, la première chose qui frappe, c’est l’extrême pauvreté. Cette même pauvreté que l’on a tendance à ignorer, tendance à mépriser. Pourtant elle est là. Quand on part de Saint-Denis pour se rendre à Aubervilliers, c’est l’un des endroits les plus dénués de tout. Seule la pauvreté semble résister.
Un vide immense. Cette partie-là de la rue du Landy ne fait pas peur, en déplaise aux clichés tenaces, elle rend juste triste. Pourtant, au tout début, vers La Plaine, il y a quelques commerces, des habitations récentes, un quartier tout neuf qui sort de terre. Aussi pour satisfaire et rendre attractive cette partie de la ville pour les entreprises qui trouvent les loyers parisiens trop élevés.
On lit l’abattement sur le visage des gens dans cette rue. Celui d’habiter un endroit pareil en 2016. Celui de vivre dans un immeuble risquant de s’effondrer à tout moment et rongé par l’humidité. Cet endroit, entre Aubervilliers et Saint-Denis, est l’image même de ce qu’est la misère et l’abandon de l’état et des mairies face à l’accroissement continue de la pauvreté en France.
Vers Saint-Ouen, l’ambiance est différente. Un peu moins excentré, il y a le métro pas loin. Et beaucoup de parisiens qui viennent y acheter leur herbe. Ce qui me rend le plus triste, c’est l’âge des guetteurs. 14 ans parfois. Quand tu as compris que l’égalité des chances n’est pas la même selon ton code postal. Pourtant il y a un peu plus de vie dans ce coin-là. Des commerces, des bars, des immeubles mieux entretenus. Mais toujours, il y a quelque chose qui bloque. La mairie, par exemple, qui a abandonné depuis bien trop longtemps son rôle auprès des jeunes. A privilégier la paix sociale au détriment d’une vraie bataille qui pourrait garantir un semblant d’égalité en matière d’éducation.
Et puis cette rue est surtout victime des combats d’égo des politiciens. Qui pourra bien se fera élire en proposant un programme qui refuse la pauvreté, la misère sociale, et d’essayer tous ensemble de tendre vers une société qui soit plus égalitaire. Qui aura l’honnêteté de dénoncer ce qui est écrit dans le rapport du Secours Catholique sur l’état de la pauvreté en France et de l’augmentation de près de 3% du nombre de pauvres en France.
Et puis, la pauvreté ne fait pas vendre. Le pauvre, s’il est pauvre, c’est qu’il le veut bien aussi. Il ne fait pas grand-chose pour s’en sortir. C’est un assisté. C’est bien pour cela que l’on vote Fillon : Il a trouvé la solution pour qu’il n’y ait plus d’assistés. On lui supprimera ou réduira toutes ses aides. Comme ça plus de problèmes. On pourra enfin se sentir plus à son aise d’avoir stigmatisé les pauvres et ainsi, leur nier toute humanité.
Mais personne n’ira se battre pour les pauvres comme l’on peut se battre pour toutes autres causes. Ce n’est pas assez glamour de dire qu’il faut réduire les inégalités territoriales, que l’insalubrité ne devrait même plus exister en France en 2016. Non, cela ne fait pas partie des belles luttes, celle qui peuvent donner une place au soleil pour certains militants et qui font faire de l’audimat.
Qui vient parler des jeunes collégiens qui arrivent en 6ème en ne sachant ni lire, ni écrire ? Qui parle de l’abandon scolaire parce que la rue propose mieux, qui parle du mal-logement en région parisienne, qui parle de l’inégalité pour l’accès au soin, de réseaux de transports, qui se bat pour que l’éducation soit une priorité dans les milieux défavorisés ?
Parce que nous pouvons débattre des heures entières sur l’écriture ou non d’un roman national, parler des heures d’identité, de religion, de tout ce qui vient diviser encore plus notre société. Mais tous ces débats, qui concernent surement plus les habitants de la rue du Landy que les lettrés de Paris intra-muros, profitant de chaque bonne occasion pour se faire une place au soleil en utilisant certaines causes, n’aident en rien ceux qui voit la fracture grandir un peu plus chaque jour.
La rue du Landy, c’est cette France que l’on oublie, cette France que l’on a le droit de détester sans se voir assigner au tribunal pour propos dégradants. La rue du Landy montre qu’en 2016, on peut toujours haïr le pauvre, le mépriser et l’ignorer comme bon nous semble. En bon chrétien que nous sommes tous dès lors qu’il s’agit de défendre les valeurs de notre France face à l’envahisseur musulman. On le trouve en dessous du refugié, du migrant, du musulman, le Pauvre. Ne récoltant les faveurs d’aucun BHL de l’humanitaire qui serait prêt à mouiller sa chemise pour lui.