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Billet de blog 8 janvier 2024

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Solidarité des travailleurs, contre la loi immigration

Salariés de la restauration, mais aussi de tout autres secteurs qui pourront jouir de cette loi infâme; il est de notre devoir d’afficher notre solidarité avec nos collègues, qui n’auront pas accès aux mêmes droits et liberté que nous, et défendre les bases d’une humanité qui a depuis bien longtemps quittée notre gouvernement, en pleine dérive extrême droitière.

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La loi immigration est abjecte, et même si le gouvernement cherche à s’en défendre, cette loi vient répondre aux obsessions identitaires de l’extrême-droite. Que l’idée d’une préférence nationale puisse arriver au sein de l'hémicycle m’a amené à me questionner sérieusement sur l’état d’un gouvernement, qui au lieu de préserver le cordon sanitaire a préféré céder aux populismes et nationalismes véhiculant les idées les plus rances.

Tout au long des débats qui ont suivi la loi immigration, beaucoup ont rappelé l’apport de l'immigration via les métiers pénibles, mal payés (notamment François Ruffin). Qu’une partie de cette affirmation soit vrai (je pense aux ouvriers sans-papiers sur les chantiers des JO...) j’en ai quand même déploré l’usage. Dans un moment aussi grave; la lutte anti-raciste ne peut pas se limiter à un rappel sur l’utilité de l’immigration. D’ailleurs, certains à gauche se réjouissaient que cette loi puisse permettre la régularisation des sans-papiers dans les secteurs en tension, mais dans quelles conditions ?

Travaillant moi-même en restauration, j’ai suivi de près les débats sur la loi immigration, sur ce qu’elle permettrait notamment en terme de régularisation, et hormis la possibilité d’obtenir un titre séjour sous conditions (notamment la souscription à un contrat d’engagement aux valeurs de la République et à l’égalité hommes-femmes) je n’ai constaté aucun progrès social pour les travailleurs immigrés, au contraire.

D’ailleurs, il serait bon de rappeler l’hypocrisie et le racisme dans ce contrat d’engagement quand ont sait que la restauration est l’un des secteurs les plus touchés aussi bien par des faits de sexisme, de racisme et de violence en tout genre (preuve en est avec la récente démission d'un chef à Biarritz après une agression dite de “bizutage” d’un salarié). J’ai personnellement connu plusieurs cas d’agressions sexistes sur différents lieux de travail et j'ai été témoin de nombreux actes racistes et de violences tout au long de ma carrière. Utiliser à des fins racistes des causes humanistes telles que la lutte féministe pour stigmatiser une fois de plus “l’immigré” est à minima une manœuvre d’une rare bassesse de la part de notre gouvernement.

Qui plus est, comment se défendre pour une personne immigrée, qui voit son titre de séjour renouvelé à la condition d’un casier judiciaire vierge? Comment se défendre face à une agression quand on sait que la première réponse d’un agresseur est le dépôt d'une plainte pour diffamation, et que régulièrement, la condamnation pour diffamation est obtenue, surtout face à des personnes en condition de précarité? Cette condition d’un casier vierge est une nouvelle assignation au silence.

Cette loi immigration permettra aussi l’absence de revendications syndicales, et donnera encore plus de pouvoirs à des employeurs malhonnêtes face aux salariés soumis à cette loi. Nous avons l’une des conventions collectives les plus médiocres du monde du travail et un code du travail peu respecté.(pas de rémunérations des jours fériés la première année, pas d’heures payées double le dimanche, heures supplémentaires payées au bon vouloir de l’employeur, pas de primes pour travail pénible, un taux horaire extrêmement bas rapporté au nombre d’heures effectivement travaillées..)

J’ai beaucoup discuté lors des manifestations contre la loi retraite avec des représentants syndicaux, ainsi qu’avec mes collègues sur cette absence de vie syndicale au sein de la restauration, pourtant; ce que nous vivons au quotidien devrait nous pousser à exiger plus et à ne plus nous laisser faire. La vague de départ de travailleurs post-covid en est un parfait exemple, nous devrions être en position de force, et pourtant non, les patrons profitent d’une loi raciste pour faire perdurer tant que possible l’exploitation des salariés. Les scrupules se font rares face aux profits.

Salariés de la restauration, mais aussi de tout autres secteurs qui pourront jouir de cette loi infâme; il est de notre devoir d’afficher notre solidarité avec nos collègues, qui n’auront pas accès aux mêmes droits et liberté que nous, et défendre les bases d’une humanité qui a depuis bien longtemps quittée notre gouvernement, en pleine dérive extrême-droitière.

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