Le week-end dernier, le gouvernement éthiopien a inauguré le barrage le plus haut d’Afrique, financé à hauteur de 60% par une banque chinoise et de 40% par l’état éthiopien. Ce barrage qui en plus d’être soumis à de nombreuses controverses sur les dérives écologiques ainsi que les changements de modes de vies qu’il engendrerait auprès des populations locales, a soulevé un profond désaccord au sein de l’UNESCO et de l’ONG Human Right Watch qui avaient alors appelé à une cessation immédiate des travaux.
Selon ces 2 organisations, ce barrage servirait à irriguer de nombreuses plantations de canne à sucre et de coton détenues par des capitaux étrangers, et par conséquent viendrait aggraver la crise à laquelle sont confrontés de nombreux agriculteurs éthiopiens depuis des années. Des écologistes ont également alertés à plusieurs reprises sur les conséquences que la construction d’un tel barrage pourrait avoir sur le niveau d’eau du lac Turkana, situé au Kenya et classé au Patrimoine de l’Humanité par l’ UNESCO.
Cette inauguration intervient donc dans un contexte sombre en Ethiopie. En effet, depuis plusieurs mois, le peuple éthiopien a investi les rues du pays de Lucy pour y dénoncer justement l’accaparement des terres agricoles par les sociétés étrangères et par l’état sans que des solutions pérennes ne leurs soient proposées en retour. La Chine est l’un des principal investisseur en Ethiopie (Construction de chemin de fer, infrastructures diverses) et s’y implante de façon massive et au détriment du respect des droits de l’homme.
Afin de pouvoir de continuer les travaux de modernisation du pays et d’attirer continuellement de nouveaux investisseurs et capitaux étrangers, le gouvernement de Hailemariam Desalegn a donc décrété l’état d’urgence en Ethiopie, et ce pour une durée de 6 mois, dans le but d’amoindrir et d’affaiblir la résistance du peuple Ethiopien.
Le silence de la communauté internationale quant à la situation dans ce pays d’Afrique de l’est est affligeant. Depuis le 9 octobre 2016, date à laquelle l’Etat d’urgence a été déclaré, plusieurs droits ont été supprimés. Les réseaux sociaux sont coupés, les chaines de télévisions Esat et OMN, toutes 2 basées en dehors du pays et dénonçant régulièrement les dérives du gouvernement sont interdites de diffusion car considérées comme outils de propagande terroriste, les manifestations ainsi que le symbolique geste des 2 poings croisées au-dessus de la tête sont bannis ainsi que tout déplacement supérieurs à 40 kilomètres au départ d’Addis-Abeba pour tous les diplomates.
Cependant, après 2 mois de black-out total, Internet est revenu dans les foyers Ethiopiens, après que le gouvernement a demandé l’aide de firmes chinoises, ZTE et Huawei pour améliorer et développer des infrastructures pour un meilleur accès au réseau. Selon certains activistes, il s’agirait en réalité d’un moyen détourné pour accentuer la censure et la surveillance des citoyens par le gouvernement.
De plus, de nombreux résistants ont dû faire face à des arrestations sommaires, dont le leader de l’opposition Oromo, Merera Gudina. Selon les chiffres, plus de 12000 personnes seraient détenues depuis le début du soulèvement en Ethiopie, l’état d’urgence accentuant ces détentions arbitraires. Justifiant alors un retour au calme, le premier ministre a déclaré avoir pris conscience de la nécessité d’une ouverture démocratique en Ethiopie lors des prochaines élections. Felix Horne, spécialiste de l’Ethiopie dénonce quant à lui un discours du gouvernement comme étant en totale opposition avec les faits (arrestations de journalistes, d’opposants politiques, lois liberticides..).
Angela Merkel, qui s’est récemment rendue en Ethiopie, a timidement refusé l’invitation faite par le parlement éthiopien, arguant le fait qu’elle ne pouvait pas soutenir un parti au pouvoir depuis 25 ans, tout en saluant d’un autre côté le rôle positif joué par l’Ethiopie dans l’accueil de plus de 800 000 réfugiés. Angela Merkel a également proposé l’aide de l’Allemagne dans la formation de la police Ethiopienne pour éviter que les manifestations se terminent en bain de sang.
L’Ethiopie est donc en proie à une crise sans précèdent. Plusieurs centaines de morts depuis le début des manifestations, des lois liberticides, une couverture médiatique de ces récents évènements insignifiante, et un odieux silence de la communauté internationale laisse présager le pire. Ce qui n’a aucunement empêché la fille de Donald Trump de délocaliser son usine de Chine vers l’Ethiopie pour profiter d’une main d’œuvre toujours moins chère, et toujours plus méprisée.
Il n’est pas sans rappelé que l’Ethiopie est un allié principal du monde occidental contre le terrorisme et à ce titre perçoit de nombreuses aides financières, que ce pays lutte également contre les flux migratoires à destination de l’Europe. Flux migratoires étant le résultat d’un chômage massif de la population, d’une croissance profitant seulement aux élites, d’un exode rural du à l’accaparement des terres par l’état et d’un manque d’investissements dans les campagnes . Mais aussi le fait que les emplois dans les usines des multinationales offrent des salaires de misère ne permettant pas de faire face à l’inflation observée ces dernières années.
Il devient donc urgent de s’inquiéter de la situation en Ethiopie et de ne pas abandonner le peuple Ethiopien dans la quête d’un avenir plus lumineux.