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Billet de blog 7 juillet 2023

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Sénégal : les tripatouillages d’un petit président

Macky Sall a finalement plié devant l’opposition et les instances internationales et ne briguera donc pas un troisième mandat, illicite. Au fond rien de plus normal et pas de quoi en être fier. Ses groupies considèrent toutefois que cette piteuse reculade forcée fait de lui un grand homme. Mais il prouve aujourd’hui, par ses nouveaux tripatouillages, qu’il a toujours été petit.

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Illustration 1
Dakar © A.H.G. Randon

Macky Sall, avant de quitter la scène politique (s’il la quitte, car cela reste à prouver, d’autres ont pratiqué le wax waxeet* avant lui), s’apprête à réhabiliter ses deux anciens principaux concurrents, Khalifa Sall et Karim Wade, qu’il avait mis sur la touche en vue de sa « triomphale » réélection en 2019, face à une poignée de candidats insignifiants. Les deux avaient été condamnés à de lourdes peines de prison ferme (respectivement cinq et six ans) et de grosses amendes pour escroquerie et enrichissement illicite (détournement de 178 millions d’euros en ce qui concerne Karim Wade), le tout sur le dos du peuple sénégalais. Le dernier (Karim Wade), serait d’ailleurs toujours redevable à l’état d’une amende de 209 millions d’euros.

N'ayant plus de raison, après son retrait, d’empêcher ces deux personnages de participer à l’élection présidentielle, Macky Sall a donc décidé de les réhabiliter. Un président aurait donc le pouvoir de faire en sorte que deux escrocs condamnés et inéligibles retrouvent soudain leur éligibilité. Le tripatouillage doit se dérouler en trois temps : grâce présidentielle, révision constitutionnelle portant modification du code électoral et enfin modification du code pénal. Rien que ça. Et il n’a que quelques mois pour le faire.

Au terme de ces tripatouillages, ces deux escrocs condamnés par la justice pour avoir lourdement fraudé et volé des centaines de millions d’euros au peuple Sénégalais auront plus de droits qu’un citoyen qui n’a jamais rien volé à l’état mais que Macky Sall s’emploie manifestement pour d’autres raisons à détruire depuis des années : Ousmane Sonko. Si le tripatouillage devant déboucher sur la réhabilitation des deux escrocs précités (mais étaient-ils vraiment des escrocs ?) est si complexe, c’est peut-être parce qu’il ne doit en aucun cas bénéficier à Ousmane Sonko.

À Supposer que Macky réussisse, cela reviendra pour lui soit à reconnaître qu’il avait écarté Khalifa Sall et Karim Wade pour faire place nette autour de sa propre candidature en 2019 (ce qui ne serait pas très glorieux), soit à affirmer que voler des milliards de francs aux Sénégalais n’est au fond pas si grave et ne doit pas priver les escrocs de la possibilité de gouverner le pays (ce qui serait encore moins glorieux). En revanche, Sonko président resterait un danger pour Macky Sall. Il a en effet dénoncé dès 2017 dans un ouvrage inattaquable (et d’ailleurs inattaqué) ce qu’il estime être un autre tripatouillage de grande envergure impliquant les proches du pouvoir et la famille du président, celui portant sur les ressources pétrolières et gazières du Sénégal (lire « Pétrole et gaz au Sénégal, chronique d’une spoliation » - Fauve Éditions).

Amitiés fraternelles.

*Wax Waxeet : en Wolof, se dédire, revenir sur la parole donnée. Pratiqué pour la dernière fois en 2012 par Abdoulaye Wade à l’occasion de sa candidature à un troisième mandat (illicite) et dénoncé à l’époque avec la plus grande fermeté par son concurrent Macky Sall.

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