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Billet de blog 15 février 2023

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De l’abdication mentale à l’évasion morale

Lorsqu’il s’agit de regarder le monde en face, la bien-pensance trouve rapidement les défausses morales et le moyen de les exprimer avec une franchise douteuse et une fausse pudeur. C’est ainsi que nos propres problèmes sont placés de force devant ceux des autres et que les vieilles rengaines sont reprises en guise d’alibi : « nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde ».

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Comme ces milliardaires qui tentent encore aujourd’hui de brandir la théorie pourtant depuis longtemps naufragée du ruissellement, continuent de pratiquer ce qu’ils appellent « l’optimisation fiscale » et de se distribuer de plus en plus généreusement de juteux dividendes, comme ces dirigeants qui justifient ces pillages au nom dudit ruissellement, beaucoup de citoyens, face à la détresse de leurs semblables, se rangent volontiers derrière des arguments dont d’autres ont fait pour eux d’inébranlables vérités dans l’unique but d’avoir la paix dans leur petit monde plus ou moins tranquille, sans supporter le poids moral que la misère du monde précitée devrait logiquement faire peser sur eux, qui se revendiquent avec tant de vigueur des lumières, des valeurs de la république et autres grandiloquentes déclarations des droits de l’homme. Cette recherche de l’excuse par la mise en avant de sa propre misère est un cheminement qui va de l’abdication mentale à une forme inacceptable d’évasion morale.

Si quelque intrus venu de contrées croulant sous une misère qui fait depuis longtemps notre richesse tente, pour que les siens ne meurent pas de faim, de venir chez nous gagner les miettes du pain que nous lui volons au quotidien, nous tournons promptement les yeux vers les méchants passeurs qui s’enrichissent aussi sur leur dos et érigeons de nouveaux murs, dressons de nouvelles barrières, repoussons les bateaux, défendons jusqu’aux miettes qui selon nous nous reviennent de droit. Qu’il vienne de Gaza, de Syrie, du Mali ou d’ailleurs, c’est au fond de la mer qu’il trouvera la paix. Et si le corps gonflé d’un de ses rejetons échoue sur une de nos plages, un peu d’indignation et une minute de silence entre la poire et le fromage feront largement l’affaire.   

Les autruches que nous sommes devront pourtant bien un jour sortir la tête du sable fin de cette indifférence, sous peine de sombrer avec l’humanité entière.

Opter pour l’évasion morale, signer ce pacte avec le diable, c’est courir vers notre propre perte et celle de nos descendants. Sans action, la réflexion n’a ici aucune valeur. Descendez dans la rue non pas pour vous, mais pour ceux qui viennent de pays où les mains sont toujours tendues, ou l’entraide est la loi. Refusez d’enrichir les états criminels, intolérants, voire génocidaires, en faisant par exemple du boycott une règle de vie. Dressez-vous contre vos propres dirigeants qui stimulent aujourd’hui plus que jamais le pillage du tiers monde par les « fleurons » de notre économie. Réclamez et agissez pour les autres et vous comprendrez ce que sont ces fameuses lumières. Remplacez l’évasion par l’invasion morale.

Amitiés fraternelles.

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