Les événements qui ont ponctué et continuent de ponctuer l’histoire de la création et de l’expansion barbare de l’État d’Israël ont toujours été relatés par un discours mensonger. Les archives militaires et notes privées des responsables politiques, examinées par les « nouveaux historiens » israéliens, racontent une aventure bien différente.
1948
Dans son ouvrage « Le nettoyage ethnique de la Palestine » (Fayard), un de ces nouveaux Historien, Ilan Pappé, explique que bien avant la guerre de 1948, présentée comme une agression du monde arabe faisant peser sur la communauté juive la menace d’un « second Holocauste », onze dirigeants sionistes (dont Ben Gourion) et jeunes officiers avaient déjà mis au point un plan de nettoyage ethnique de la Palestine, ledit « Plan Daleth » ou « Plan D », qui précisait : « Ces opérations peuvent être exécutés : soit en détruisant les villages (en y mettant le feu, en les faisant sauter et en posant des mines dans les décombres),… soit en montant des opérations de ratissage… ; encerclement des villages, … En cas de résistance, les éléments armés seront éliminés et la population expulsée hors de l’État ». Au terme de l’exécution de ce plan, à l’automne 1948, quelque 800 000 personnes avaient été chassées et 531 villages détruits et de nombreux massacres avaient été perpétrés (dont la barbarie fut parfois comparable à celle, plus tard, des Hutus à l’encontre des Tutsis au Rwanda durant le génocide). Massacres à Deir Yassin, Ein Zeitoun, Tantoura, Bassa, Lydda, Safsaf, etc., contamination de l’eau pour propager la typhoïde puis pillage de la ville d’Acre, où les haut-parleurs de l’armée hurlaient « Rendez-vous ou suicidez-vous. Nous allons vous détruire jusqu’au dernier », destruction de Jaffa et expulsion de ses 50 000 habitants.
Lorsque le conseil de la Ligue arabe décida d’envoyer des troupes en Palestine, 250 000 Palestiniens avaient déjà été expulsés, 200 villages détruits et des dizaines de villes vidées de leurs habitants. Contrairement à ce qu’affirmaient et affirment encore les responsables sionistes, la Nakba n’est pas la « conséquence inévitable » de la guerre de 1948 et la communauté juive n’a jamais été menacée par un quelconque « second Holocauste ». Le 11 mai 1948, Ben Gourion écrivait en effet aux commandants de la Haganah : « le nettoyage de la Palestine demeure l’objectif premier du Plan Daleth ». Rien dans le journal intime de Ben Gourion ne laisse d’ailleurs entrevoir la moindre inquiétude quant à l’avenir d’Israël, bien au contraire. Sa seule préoccupation était la politique intérieure et la colonisation. Le 24 mai 1948, Ben Gourion notait dans son journal : « Nous allons créer un État Chrétien au Liban, dont la frontière sud sera la Litani. Nous allons briser la Transjordanie, bombarder Amman et détruire son armée, et alors la Syrie tombera, après quoi, si l’Égypte veut continuer à se battre – nous bombarderons Port-Saïd, Alexandrie et Le Caire. Ce sera notre vengeance pour ce qu’ils [les Égyptiens, les Araméens et les Assyriens] ont fait à nos aïeux à l’époque biblique. » On est bien loin du tissu de mensonges qui alimentent le discours victimaire servi aux instances internationales.
1967
Un autre « nouvel historien » israélien, Tom Segev, explique de façon extrêmement documentée dans son ouvrage « 1967, Six jours qui ont changé le monde », comment les dirigeants sionistes de l’époque ont manœuvré pour présenter la guerre des six jours comme une agression arabe. Il fallait faire croire à l’opinion publique internationale d’une part que la survie d’Israël était de nouveau menacée par des Arabes et d’autre part que le gouvernement sioniste avait tout fait pour préserver la paix. Les passages en italiques qui suivent sont tirés de l’ouvrage précité.
Ce matin-là, 25 mai, Eshkol qui sillonnait le sud rendit visite à l’État-major de Sharon. Ce dernier l’assura que la crise allait permettre à Israël d’anéantir l’armée égyptienne : « C’est une occasion historique », lui dit-il. Ygal Aon, le ministre du Travail qui rentrait d’Union soviétique et qui voyageait avec Eshkol, proposa « d’inventer un prétexte » pour accuser les Égyptiens d’avoir déclenché la guerre… Le chef du Mossad, Amit, proposa d’envoyer un bateau dans le golfe afin que les Égyptiens le bombardent… Le directeur de cabinet du ministère des Affaires étrangères, Arié Levavi, proposait de télégraphier à l’ambassadeur Harman qu’Israël s’apprêtait à déclencher une offensive générale. Eshkol répondit par une autre proposition : « Mieux vaut dire qu’il y a un risque d’attaque contre Israël ». Rabin développa son idée : « Nous dirons qu’il y a un risque d’attaque égypto-syrien contre Israël. J’aimerais que l’histoire retienne qu’avant d’agir, nous avons fait tout ce qu’il était possible de faire en exploitant tous les ressorts politiques. »
Au matin du 5 juin 1967, Israël mettait son plan à exécution : attaquer en premier et détruire immédiatement l’aviation égyptienne pour s’assurer de la victoire. Le plan prévoyait entre autres la conquête de la totalité de la ville de Jérusalem, l’annexion de la Transjordanie, du plateau du Golan et du Sud du Liban. Là encore, Israël n’a jamais douté une seconde de sa supériorité militaire. Le mensonge de la menace existentielle pesant sur l’État juif fonctionna une fois de plus.
1982 et 2006
Pour les guerres du Liban, en 1982 comme en 2006, le pouvoir israélien a également avancé des objectifs mensongers (repousser le Hezbollah à 40 km de la frontière alors que « l’objectif était d’aller jusqu’à Beyrouth et d’y installer un gouvernement fantoche » (Uri Avnery, écrivain, journaliste et député à la Knesset, dans « Guerre du Liban, un israélien accuse »- l’Harmattan). Comme toujours, il fallait un prétexte pour justifier l’action, et la libération de deux soldats israéliens capturés par le Hezbollah fut en 2006 ce prétexte mensonger : chacun sait que la libération de prisonniers ne peut se faire que par la diplomatie (échanges de prisonnier le plus souvent) et jamais par la guerre. Les mensonges ne se sont pas limités en 2006 à la désinformation de l’opinion internationale, il a également fallu mentir aux Israéliens en transformant le cuisant échec de cette guerre en une éclatante victoire.
2023
Aujourd’hui, l’information circulant beaucoup plus facilement grâce aux téléphones portables et à l’Internet, il n’est plus possible de faire avaler les mensonges incessants de l’État colonialiste, raciste et fasciste d’Israël. Ayant testé son impunité avec succès durant 75 ans auprès de la « communauté internationale », Israël se sait (ou se croit) aujourd’hui tout permis et ne prend donc plus la peine de mentir, revendiquant publiquement son intention de massacrer les Palestiniens et appelant les colons, par les voix de ses ministres Ben Gvir et Smotrich, à brûler les cultures des Palestiniens, voler leurs terres, détruire leurs maisons et en tuer autant que faire se peut, avec l’aide de l’armée. Des appels entendus par des colons qui, se sachant soutenus par le gouvernement et par l’armée, vont chaque jour plus loin dans l’horreur et font des pogroms leur divertissement quotidien, dans notre plus grande indifférence.
« J’appelle les colons juifs de Cisjordanie à prendre les armes, et je demande au Premier ministre Netanyahu et au ministre de la Sécurité Gallant – il est temps de lancer une opération militaire en Cisjordanie et de recommencer à commettre des assassinats ciblés contre les Palestiniens. Il est temps démolir des maisons sur la tête de leurs occupants en les bombardant depuis les airs. » (Ben Gvir). Peut-on imaginer Darmanin appeler l’armée à bombarder la Seine Saint-Denis et commettre des assassinats ciblés contre les Français « d’origine étrangère » ?
Au Lendemain du pogrom perpétré à Huwara par les colons et l’armée, un parlementaire israélien (Elisha Yared) appelle publiquement à « effacer Huwara maintenant, sans excuse et sans bégaiement ». Que diriez-vous si un député du RN avait appelé, au lendemain des émeutes de juin, à rayer Nanterre de la carte ?
Un soldat admet également avoir commis des crimes contre des enfants palestiniens : « Il y avait deux enfants palestiniens qui jouaient au football, alors j’ai pris mon arme et je leur ai tiré une balle dans la tête ». J’ai du mal à imaginer un de nos policier faire une telle déclaration en public et continuer de vaquer librement à ses occupations.
Le ministre Smotrich, s’adressant aux députés arabes de la Knesset, peut également déclarer en toute impunité : « Vous êtes ici par erreur, c’est une erreur que Ben Gourion n’ai pas terminé le travail et ne vous ait pas expulsé en 1948 ». Pensez-vous qu’un de nos ministres puisse dire sans provoquer de réaction à un député d’origine algérienne (par exemple Belkhir Belhaddad) qu’il est ici par erreur et que c’est une erreur de ne pas avoir terminé le travail après octobre 1961 ?
En 1936, Irgoun, organisation terroriste intégrée plus tard dans l’armée régulière, déclarait qu’il fallait « créer une situation où la vie d’un Arabe ne vaudra pas plus que celle d’un rat. Comme ça, tout le monde comprendra que les Arabes sont de la merde, que nous sommes nous, et non eux, les véritables maîtres du pays ». Des propos, et des actes, qui ne diffèrent aujourd’hui en rien de ceux qui sont servis au quotidiens à notre indifférence.
Les sionistes pensent qu’ils ont gagné et qu’ils peuvent désormais montrer leur vrai visage. Mais ont-ils bien gagné ? À force de tendre l’élastique, il risque de casser. D’autant que les victimes de cette barbarie sont désormais aussi chrétiennes. Les Juifs eux-mêmes sont de plus en plus nombreux à ouvrir les yeux et à désapprouver leurs dirigeants et les Palestiniens retrouvent une unité que les sionistes d’hier, plus prudents, avaient pris soins de briser.
Amitiés fraternelles.