C’est plus pour vous parler de sujets qui ne seront probablement pas abordés au cours de cette consécration du discours de Ouagadougou et du grand Manitou qui l’avait prononcé que je tricote aujourd’hui les quelques mots de ce billet. Je suis en effet persuadé qu’en évoquant les APE (Accords de Partenariat Économique, ou « singe » en anglais, l’ont-ils fait exprès ?), Jupiter évitera d’en dévoiler les véritables objectifs et que chacun a déjà préparé de magnifiques « éléments de langage » pour noyer le yabooy.
Je ne me pencherai aujourd’hui que sur le sujet, mais il est assez grave, de l’invasion de l’Afrique par deux substances mortelles mais ô combien lucratives : l’alcool et le tabac.
Le Groupe Castel (75 % du marché de la bière au Cameroun), réalise sur le continent africain 80 % de ses ventes de bière. Comme Bolloré, le groupe Castel a compris l’avantage de l’Afrique pour ses activités : un gigantesque marché en pleine expansion où tout est permis (tant que les régimes corrompus par nos soins ou par les soins d’autres pays rapaces resteront en place), y compris faire de la publicité pour des boissons alcoolisées auprès de la jeunesse sportive (voir ici). L’OMS constatait en 2017 que la consommation d’alcool sur le continent connaissait la plus importante augmentation du monde : deux tiers de plus en sept ans (voir ici).
Dans le domaine du tabagisme, le paysage n’est pas plus rassurant. Les lois antitabac de plus en plus sévères en Occident poussent naturellement les « empoisonneurs » à se tourner vers d’autres victimes dans des pays où il est encore aisé de convaincre les autorités de stimuler ce négoce lucratif et où le marché est prometteur, voire pratiquement vierge dans certains pays. L’Afrique, dont la croissance démographique est spectaculaire, déborde de jeunes consommateurs potentiels. Du pain béni pour les lobbies du tabac, d’autant que sur un marché encore naissant, la question de l’optimisation des recettes fiscales issues de la vente de cigarettes ne se pose pas encore. En Europe, il est fait usage de la courbe de Laffer pour déterminer le taux de taxation maximal du tabac au-delà duquel les recettes fiscales diminueraient du fait de l’augmentation de la contrebande et de la contrefaçon. Il semble en effet que l’état soit plus préoccupé par la lutte contre le tabac illicite et l’optimisation des recettes fiscales que par la réduction du tabagisme.
Si l’on sait que le tabac et l’alcool font en France environ 120 000 morts par an, porter en Afrique (20 fois notre population) le niveau de consommation d’alcool et de tabac à celui que nous connaissons chez nous permettrait déjà de faire disparaître « naturellement » quelque 2,5 millions de personnes par an, essentiellement des jeunes. Un résultat dont le système Frontex n’oserait pas rêver.
Il serait peut-être malhonnête, peut-être, de voir dans ce qui précède l’hormone de croissance d’une politique plutôt tolérante en matière de lutte contre le tabagisme et la consommation d’alcool en Afrique. Toutefois, en écrivant ces lignes, il me revient à l’esprit un document (traduit vers la fin des années quatre-vingt-dix pour un bureau international travaillant pour le lobby américain des fabricants de tabac), dans lequel des « recommandations » pour le moins surprenantes étaient faites au gouvernement tchèque. Ce lobby, pour persuader l’état de ne pas trop lui mettre de bâtons dans les roues avec des législations contraignantes, faisait pour ainsi dire la publicité du tabac en avançant, en substance, les arguments suivants : plus de consommation de tabac signifie en effet plus de taxes encaissées, mais aussi une réduction de l’espérance de vie et donc des décaissements de pensions de retraites moins prolongés dans le temps, avec à la clé des économies sur le budget de la nation. Vingt ans plus tard, la République tchèque reste d’ailleurs le cancre de l’Europe en matière de législation antitabac (voir par exemple Ici).
Je sais qu’il est d’usage de conclure, de préférence en moralisant, mais je vous laisse aujourd’hui volontiers ce plaisir.