L’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948 et l’article 6 du Statut de Rome de la cour pénale internationale, adopté en 1998, donnent la définition suivante du crime de génocide :
« L'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
- meurtre de membres du groupe ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
- mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Si l’on veut bien admettre que les Palestiniens constituent un groupe national, ethnique, racial ou religieux, force est de reconnaître qu’au moins les trois premiers actes sont bien commis par l’État d’Israël depuis 76 ans, avant-même la création officielle de l’État d’Israël (14 mai 1948), puisque la Nakba a commencé aux premiers jours de cette même année et qu’environ la moitié du plan de nettoyage ethnique (ledit « Plan Daleth ») concocté par Ben Gourion et ses complices avait déjà été exécutée au mois de mai.
En ce qui concerne le point 1. (meurtre de membres du groupe), les massacres perpétrés durant la Nakba, puis tout au long de l’histoire sans interruption, avec leur intensification à partir de l’arrivée au pouvoir des ministres Ben Gvir et Smotrich (pour ne citer que les plus fanatiques), les attaques sauvages de paysans et de citadins palestiniens par les colons, encouragés et aidés par l’armée, et enfin aujourd’hui avec le bombardement indiscriminé de la population de Gaza et désormais du Liban, tous ces actes donc, ne sauraient être interprétés autrement que comme le meurtre de membres du groupe, même si Israël parle (lorsqu’il s’agit de bombardements) de « victimes collatérales » et ne parle pas des pogroms conduits par les colons en Cisjordanie. Imaginez le cerveau des attentats de Charlie Hedbo et du Bataclan réfugié en Albanie, dans un immeuble d’habitation. Qu’auriez-vous pensé si la France avait envoyé un missile sur ce bâtiment, provoquant son effondrement, une quarantaine de morts et une centaine de blessés ? Pensez-vous que les gouvernements du monde auraient adressé leurs félicitations à notre président pour avoir débarrassé la planète d’un terroriste et auraient accepté l’argument des « victimes collatérales » ?
Pour le point 2. (atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe) le constat est le même et donner la liste des faits qui le confirment serait bien entendu trop long (massacres dans les camps de réfugiés, ordres d’évacuation et massacre de ceux qui pensent évacuer par des routes « sûres », privation d’aide alimentaire, d’eau, d’électricité, etc.). Aux exactions commises sur les civils en Cisjordanie et à Gaza, on pourrait ajouter les actes de torture physique et mentale commis à l’encontre des prisonniers palestiniens, dont de nombreux enfants, raflés et incarcérés sans procès. Voir pour plus de détails l’excellent ouvrage de Stéphanie Latte Abdallah : « La toile carcérale » publié chez Bayard.
Le point 3. (soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle) a également été illustré tout au long de l’histoire, entre autres avec l’instauration du blocus de la bande de Gaza depuis 2007, mais aussi avec la déclaration du ministre israélien de la Défense Yoav Gallant le 9 octobre 2023 est de ce point de vue on ne peut plus explicite et correspond exactement à l’énoncé de ce point 3 : « Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé […] Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence ». Les scènes filmées et retransmises par de nombreuses chaînes de télévision du monde (dont France24) montrant des jeunes sionistes hystériques bloquant les camions d’aide médicale et alimentaire aux portes de Gaza et en vidant/piétinant le contenu confirment également que la déclaration de Gallant est largement appliquée. Toutes les infrastructures médicales, installations de distribution d’eau et d’électricité, boulangeries et autres ont été visées et le sont encore par les frappes de l’armée israélienne, qui tente de nous faire croire que des terroristes se cachent sous les sacs de farine ou dans les conduites d’eau.
Si l’action conduite par Israël depuis 1948 et jusqu’à nos jours, et surtout depuis un an, ne vaut toujours pas à cet État criminel d’être accusé de génocide par les dirigeants occidentaux, il se pourrait bien que cela soit entre autres dû à l’obligation d’intervention énoncée dans l’article premier de la Convention susmentionnée, qui stipule : « Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir. » Les articles 4, 5 et 6 précisent également l’obligation de punir les coupables du crime de génocide, quels qu’ils soient.
C’est d’ailleurs très probablement pour ces mêmes raisons que le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 n’a officiellement été reconnu comme tel par les responsables politiques qu’après la fin des hostilités, alors qu’il était une évidence pour tous les observateurs. Si le mot de génocide était utilisé par les dirigeants occidentaux, alors qu’il l’est par l’essentiel des organisations (entre autres des Nations unies et des ONG du monde entier), ils seraient dans l’obligation d’intervenir et de prendre des sanctions à l’encontre de Netanyahou et de ses sbires, ce qui semble pour le moment être encore tabou, chez la plupart pour des raisons purement économiques (voir Gaza ou le triomphe de Picsou) et chez d’autres (dont bien sûr l’Allemagne) en raison d’un complexe de culpabilité persistant.
En conclusion : Ne jamais cesser de clamer haut et fort que les dirigeants israéliens et ceux qui les soutiennent ne valent pas plus que les nazis qui les ont jadis persécutés et méritent eux aussi d’être traduits en justice. Et toujours préciser que dénoncer les pratiques criminelles des dirigeants israéliens n’a rien d’antisémite, c’est d’ailleurs ce que font entre autres les juifs orthodoxes américains, qui manifestent aux côtés des Palestiniens en brandissant eux aussi des drapeaux palestiniens et qu’il est difficile d’accuser d’antisémitisme. Ne jamais avaler cette histoire de guerre de religions alors qu’il ne s’agit que d’une question de colonisation, d’expulsion et d’extermination.
Amitiés fraternelles.