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Billet de blog 29 avril 2020

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Covid-19 : l’Artemisia à toutes les sauces

« L’Artemisia, la tisane salvatrice introuvable au Sénégal, les spéculateurs indexés. » C’est sur ce titre que le journal en ligne Dakaractu ouvre son édition du 29 avril 2020. Largement dénigrée et marginalisée en tant qu’antipaludique, cette phytothérapie serait soudain la solution miracle contre le Covid-19.

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L’Artemisia, administrée en tisane, est un puissant antipaludique (voir mon billet précédent). Malgré toutes les preuves apportées de son efficacité dans la pratique, le traitement ayant en outre été testé avec un succès incontestable en 2015 dans le cadre d’un essai clinique suivant scrupuleusement toutes les normes de l’OMS en la matière (mode de sélection du panel, essai randomisé en double aveugle sur un millier de patients, etc.), l’industrie pharmaceutique, qui craint peut-être de voir les ventes de médicaments antipaludiques chuter en Afrique, son principal marché, s’oppose encore farouchement à la percée de cette phytothérapie sur le continent.

C’était sans compter sur le grand révélateur de tous les maux et de tous les miracles, j’ai nommé Covid-19. En une semaine, l’Artemisia a plus gagné en popularité sur le continent qu’au cours des dix dernières années. Et Big Pharma ne peut cette fois rien contre un tel emballement. En effet, dans des interventions très médiatisées, le président malgache a récemment lancé un remède miracle contre le coronavirus, confectionné à base d’Artemisia (dont Madagascar est actuellement le plus gros producteur africain, est-ce vraiment un hasard ?). La nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre, une rumeur (à ma connaissance non encore confirmée par la présidence) circulant selon laquelle le Sénégal aurait même commandé la potion (nommée Covid-Organics) au gouvernement malgache.

Une étude aurait été réalisée sur l’efficacité de la solution malgache (un flacon contenant de l’Artemisia, mais pas seulement) et un protocole a été mis au point, mais rien de sérieux n’a encore filtré dans les médias sur la nature ni l’ampleur de l’essai et le monde médical reste dubitatif, à juste titre cette fois.

La tisane sénégalaise faisant l’objet de la spéculation susmentionnée n’a pas été mise au point pour lutter contre la pandémie mais contre le paludisme. L’opinion publique ne s’embarrasse toutefois pas de tant de considérations et la hantise du virus, distillée au quotidien par tous les médias du monde, suscite chez les uns l’envie légitime de se protéger par tous les moyens, et pourquoi pas avec un antipaludique, et chez les autres l’envie d’arrondir des fins de mois difficiles, comme l’explique Dakaractu ce matin : il est devenu impossible de trouver un sachet de tisane Le Lion Vert sur le marché sénégalais. Selon le journal, les distributeurs auraient été pris d’assaut par des spéculateurs, rachetant tous les stocks pour revendre ensuite le produit au triple de son prix, voire plus.   

D’un point de vue médical, la recherche suit son cours et le gouvernement ne change rien à sa stratégie de lutte (tests, quarantaines, couvre-feu, gestes barrière, etc.). Par ailleurs, l’utilisation de la tisane antipaludique ne présente a priori aucun danger. le produit n’ayant aucun effet secondaire. Il faut souhaiter qu’en cas d’échec contre le Covid-19, l’Artemisia n’y perde pas sa réputation et que la notoriété de la tisane ainsi acquise malgré elle lui permette de faire enfin une percée définitive sur le continent en tant qu’antipaludique.

Covid-19 aura peut-être ainsi, par la bande, contribué à l’éradication de la première cause de mortalité dans le monde, le paludisme, et sauvé des centaines de milliers d’enfants, qui sont les principales victimes de ce parasite.

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