Saviez-vous qu'en France chaque ménage acquitte annuellement en moyenne, et tous impôts confondus (TVA, TIPP, IRPP, etc.), quelques 1.300 euros pour payer les intérêts que l’État français verse à ses créanciers ? Que, sur chaque litre de carburant que vous consommez, quelques 15 centimes vont à ces créanciers ? Lesquels peuvent être des fonds de pension américains ? Et que quand un travailleur consommateur achète sa baguette ou utilise son véhicule, il finance ainsi une partie de la pension d'un retraité qui, possiblement, bronze sous le soleil de Phoenix, Arizona ?
C'est la démonstration que fait Ahmed Henni dans un livre intitulé Le capitalisme de rente. De la société du travail industriel à la société des rentiers (L'Harmattan).
Dans ce nouveau capitalisme, l’État qui emprunte aux fonds de pension et autres caisses de retraite opère ainsi un transfert des actifs (jeunes ou non) vers les inactifs (titulaires de pensions) ou vers des titulaires de capital-argent placé en bons d’État. L'auteur démontre qu'il est plus intéressant d'investir dans ces bons que dans l'industrie. Au lieu d'exploiter directement des travailleurs, il vaut mieux acheter des bons d’État. Celui-ci devient ce que Henni appelle un « délégataire des rentiers » qui prélève des impôts sur les actifs pour les reverser sous forme d'intérêts aux titulaires de capitaux.
Une évaluation arrondie des dettes souveraines mondiales les situe au niveau de 40.000 milliards de dollars. Elles doivent rapporter annuellement en intérêts quelques 1.000 milliards aux créanciers. C'est cela le capitalisme de rente où le profit industriel passe au second rang. Où les exploiteurs ne s'engagent plus dans des antagonismes directs avec les travailleurs, comme on le faisait dans l'industrie, mais préfèrent se cacher derrière des délégataires qui prélèvent l'argent à leur place (États et capitalistes exotiques). Telle est la conclusion de ce livre sortant des sentiers battus.