La macula: Système hiérarchique et diversité en France
L'opinion majoritaire véhicule en France l'idée que les immigrés font l'objet d'une discrimination spécifique. Je vais montrer dans ce livre que cette discrimination, entendue au sens de hiérarchie telle que définie par Louis Dumont, n'est qu'une des facettes d'un fait social total, au sens de Marcel Mauss. Elle est inhérente à un système hiérarchique, qui, en France, discrimine aussi bien les femmes, les travailleurs manuels, que les provinciaux et autres dominés. L’homogénéité de ce système hiérarchique unique est cachée par les manifestations spectaculaires que prend la discrimination anti-immigrés, qualifiée de racisme.
Cette façade apparemment raciste, dont se sont emparés les systèmes médiatiques et politiques, occulte la profondeur historique des dynamiques hiérarchisantes qui marquent encore la société française et cache les bénéfices matériels qui en sont les enjeux. Des processus matériels sont en effet à l’œuvre, liés à l'insertion du pays dans un capitalisme historique devenu mondialisé, et qui accompagnent ces hiérarchies. Les retombées matérielles confèrent richesse, statut éminent et puissance aux uns quand elles cantonnent d’autres dans une soumission statutairement infériorisante, excluante des places de pouvoir et matériellement appauvrissante. Il s'agit, dans les tous cas, de reproduire des dominants et des dominés.
Historiquement, la France est un Empire qui a du se replier sur son hexagone métropolitain et y accueillir des populations diverses d'anciens sujets. Venant des colonies, ces immigrés étaient des subordonnés. Ils ne dérangeaient pas, tout en contribuant par leur travail à produire charbon et acier, immeubles et routes, etc. Dans le système hiérarchique français, ils subissaient une infériorisation multiple : de classe, comme les travailleurs ; de genre, comme les femmes. Étant les vaincus de la colonisation, du capitalisme et de l'occidentalisation, ils traînaient comme les affranchis de l'ancienne Rome une macula. La société majoritaire, les ingénus, ne les considérait pas comme des acteurs mais des étrangers devant, un jour ou l'autre, quitter le territoire.
Les élites politiques, les ignorant, ont été surprises, à partir des années 1970, par leur soudaine visibilité. Prises en défaut par de nouvelles générations d'affranchis citoyens, elles ont, dans l'urgence, bricolé au plus pressé. Minoré par un capitalisme globalisé, l’État, en déficit, n'a pu assurer ni à eux ni aux ingénus l'égalitarisme d'antan, particulièrement celui du contrat social élaboré à la Libération.
Aujourd'hui, une opinion majoritaire sous influence attribue cette crise aux seuls affranchis. Acquise aux idéologies néo-conservatrices, elle considère les affranchis, notamment ceux d'ascendance musulmane, comme un genre, concurrent dans la redistribution rentière, fauteur de troubles et de désordre, impoli et non déférent, rétif aux valeurs de la République, transfigurées en idéologie laïque punitive.
La société majoritaire paye en réalité la facture de l'Empire défunt. En même temps, elle subit le démantèlement de ce qui a fait la force de l’État central: l'égalitarisme de la Libération devant le travail, la santé, le logement et l'éducation. Les affranchis, comme les ingénus, paient ainsi les conséquences d'une crise financière d'un État qui n'a plus les moyens de l'égalitarisme centralisateur jacobin et qui, pour gouverner au plus pressé, transforme les problèmes matériels (pauvreté, déficits, etc.) en problèmes de valeurs.
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