L'occupation étrangère ou coloniale : un défoliant culturel
par Ahmed Henni
« Ces officiers qui cassent des glaces en gants blancs, qui savent le sanscrit et qui se ruent sur le Champagne, qui vous volent votre montre et vous envoient ensuite leur carte de visite, cette guerre pour de l’argent, ces civilisés sauvages me font plus horreur que les cannibales ! ». Cette phrase n'a pas été écrite par un « colonisé ». Elle est de la plume de Gustave Flaubert (Lettre à George Sand, 11 mars 1871). Les Prussiens occupent à ce moment là sa demeure du Croisset. Flaubert est à Rouen. Il doit héberger deux soldats allemands. Il écrit : « J’ai été ce matin à Croisset (…), 200 nouveaux soldats y sont arrivés hier». « En quel état trouverai-je mon pauvre cabinet, mes livres, mes notes, mes manuscrits ? Je n’ai pu mettre à l’abri que mes papiers relatifs à Saint-Antoine. Émile a pourtant la clef de mon cabinet, mais ils la demandent et y entrent souvent pour prendre des livres qui traînent dans leurs chambres » (Lettre à sa nièce, janvier 1871). Comme en écho, un siècle plus tard, Aimé Césaire écrit : « Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées (Discours sur la colonialisme, 1950). « Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.». Et d'ajouter : « au fond, ce qu[e l'homme blanc] ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, (..) c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. »