Pour une restitution de la TVA aux plus pauvres
Le bras de fer engagé entre le gouvernement grec de M. Tsipras et le FMI remet à l'ordre du jour certaines questions de finances publiques que la plupart des gauches esquivent. J'évoquerai aujourd'hui celle des augmentations de taux de TVA frappant uniformément toutes les couches sociales. Classique pour réduire les déficits publics.
Lorsqu'indépendamment de la hiérarchie des revenus, un gouvernement de droite l'applique, cette mesure reste conforme aux logiques conservatrices inégalitaires. Par contre, lorsqu'un gouvernement de gauche ( en Grèce ou en France), élu pour réduire les inégalités, fait de même, il y a quelque chose qui ne va pas. Frapper du même taux de TVA pauvres et riches ou leur rembourser un médicament au même taux aggrave plus les inégalités qu'il ne les résorbe. Il existe, cependant, en France, quelques correctifs mis en place au cours du temps: l'existence d'un taux réduit de TVA pour les besoins dits fondamentaux et la Couverture Maladie Universelle pour les pauvres.
Pour la TVA, le choix est entre taux réduit de TVA et restitution de TVA aux plus pauvres (filet social).
La pratique de taux multiples de TVA en France, et ailleurs, procède davantage d'une démagogie prétendant faire moins payer les pauvres alors que ces taux réduits font en réalité moins payer les riches et appauvrissent les pauvres. Lorsque le système fiscal possède des renseignements plus ou moins exhaustifs sur les contribuables et qu'il est informatisé, la solution rationnelle n'est pas dans un taux réduit pour faire moins payer les pauvres mais dans l'identification des contribuables pauvres et de leur restituer forfaitairement la TVA payée à taux normal.
Prenons le cas de la consommation des produits alimentaires qui bénéficient du taux réduit (à part les alcools, etc.).
Pour l'économie de l'exposé, nous n'entrerons pas ici dans le détail des données par catégorie sociale (pour indication, les catégories pauvres consacrent davantage de leur budget à l'alimentation). Il suffit d'illustrer notre idée par un minimum de chiffres et calculs. Des ordinateurs sont là pour faire tourner des modèles exhaustifs.
Au lieu, donc, d'appliquer un taux réduit (qui complique le système TVA), on peut appliquer le taux normal pour faire payer tout le monde, et surtout les riches, sur leur alimentation et, sous forme de forfait, restituer aux pauvres les 5,5% de TVA sur leurs achats alimentaires. L'informatique, qu'on utilise si bien pour l'impôt sur le revenu pour restituer les trop payés ou grâce à des lois sur le renseignement, permet aussi bien d'identifier les pauvres que de leur restituer forfaitairement la TVA déboursée. Mieux, une restitution de TVA accroîtrait la consommation des pauvres et conforterait la croissance économique par la demande.
Certes, la consommation des non bénéficiaires de restitution pourrait diminuer mais on sait que leur surplus va davantage vers l'épargne et que celle-ci s'investit de moins en moins dans le système productif – placer son argent dans un tableau, par exemple, contribue moins à la croissance. En France, où l'on connaît très bien la hiérarchie des revenus, le mécanisme est facile à mettre en place. La Grèce ne dispose peut être pas encore d'un système fiscal entièrement informatisé, tache à laquelle devrait s'atteler un gouvernement de gauche pour connaître la hiérarchie des revenus.
En bref, mettons que sur, grosso modo, trente millions de ménages, dix soient éligibles à la restitution. Sans entrer dans les arcanes de la comptabilité nationale au sujet des prix hors et toutes taxes, mettons qu'au taux normal, les 190 milliards de consommation alimentaire à taux réduit, deviendraient 212 au taux normal, dont 36 de TVA à 20%. Sur ces 36, les dix millions de ménages pauvres payeraient 12 milliards environ à restituer. L'État, qui, sur les 190 au taux réduit, touchait 10 milliards à 5,5%, touche maintenant 36 à 20%. Il en restitue 12 aux plus pauvres et garde 24, soit une augmentation de recettes de 14 milliards (il percevait 10 milliards de recettes nettes à taux réduit) et une diminution de charge pour les plus démunis. D'une pierre deux coups. Un déficit public amoindri et un plus de pouvoir d'achat pour les pauvres. Mais comme on le sait, au lieu de créer une telle dépense fiscale pour les pauvres, les gouvernements successifs ont plutôt multiplié les niches fiscales et restitutions pour les non-pauvres.
Sur le plan individuel, l'Insee mesure à 16% en moyenne le poids des consommations alimentaires dans le budget des ménages en France, toutes catégories sociales confondues. En restant grossièrement dans les moyennes et sans donc hiérarchiser pour simplifier l'exposé, un pauvre touchant, en 2015, 900 euros mensuels courants dépense 144 en achats alimentaires (136 HT + 8 de TVA). Avec un taux réduit de 5,5%, il paye donc 8 euros de TVA à l’État. Si on lui applique le taux normal, il dépenserait 163 euros, dont 27 de TVA à 20% (136 HT+ 27 de TVA). En lui restituant ces 27 euros, ses achats ne lui coûteraient que 136 euros, au lieu de 144 avec taux réduit sans restitution. Son pouvoir d'achat augmenterait de 8 euros par mois. Bien entendu, les vingt millions de ménages non-pauvres payeraient chacun 19 euros mensuels (27 - 8) de plus en TVA.
D'un côté, un mieux pour le budget, de l'autre plus de justice sociale, sans compter l'effet sur la demande des pauvres et la simplification technique sur le plan fiscal entre avances et restitutions pour les entreprises.