« Faire en sorte que tous les élèves de France sortent de l’école primaire en sachant lire, écrire, compter. » Tel est l’objectif du quinquennat annoncé par Jean-Michel Blanquer, nouveau ministre de l’Education nationale dans sa première interview accordée au Monde (édition des 21 et 22 mai 2017). Le pari semble logique, sans surprise, évident et pourtant à l’heure actuelle la France est loin d’y parvenir. Alors comment le nouveau Ministre envisage-t-il de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ?
« L’expérience, le recours à la science, les comparaisons internationales seront les trois piliers de ma méthode » affirme-t-il. Premier défi : rétablir la confiance en l’école. « La rétablir, chez les enseignants qui doivent savoir qu’ils sont respectés, chez les élèves qui doivent avoir confiance en eux-mêmes. ». Il est certain, comme le montre le dernier volume PISA, qu’un peu plus de confiance en l’école française pourrait être bénéfique à tout le monde. Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sûr. Pour les enseignants, le message est là aussi très clair mais pas des moins ambitieux : « Qu’ils se sentent libres, qu’ils innovent, qu’ils créent », insiste Jean-Michel Blanquer. Oui, mais dans quelles conditions, avec quels moyens, en suivant quelle pédagogie ? Pour l’heure, les réformes annoncées par le candidat Emmanuel Macron semblent, à l’ère présidentielle, flotter quelque peu dans le vide.
Des réformes moins brutales qu’envisagées
Les mesures avancées par Emmanuel Macron durant sa campagne sont toujours d’actualité mais seront, semble-il, mises en place de manière plus progressive qu’anticipée. On attendait un grand chambardement. Les CP des zones prioritaires devaient tous être ramenés à 12. Ce ne sera finalement pas le cas. Au final, seuls 2200 classes de CP seront concernés dès septembre 2017, a annoncé le nouveau Ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer.
Il est certain que défaire les réformes instaurées par le gouvernement précédent ne sera pas chose facile ni chose souhaitée : de nombreuses voix parmi les syndicats, les enseignants et les acteurs de l’éducation se sont déjà fait entendre pour protester contre les mesures annoncées et surtout contre la remise en cause brutale des réformes précédentes. La semaine dernière, Aide et Action s’inquiétait déjà de la remise en cause du dispositif Plus de Maîtres que de Classes. Même son de cloche du côté des syndicats enseignants et plus encore de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), une association d'acteurs de l'éducation prioritaire. « On n'est pas en mesure de dire ce que les maîtres + ont produit. Mais on voit des équipes très intéressées qui font face aux difficultés des élèves et engagent des programmes à la hauteur des besoins ». L’association a notamment insisté sur les bénéfices du dispositif qui ont permis aux enseignants de sortir du travail individuel et de travailler davantage en équipe et précise « qu’il ne faut pas casser des choses qui fonctionnent ». Toutes ces protestations ont probablement eu du bon puisque Jean Michel Blanquer a précisé que le dispositif ne serait finalement pas abandonné à la rentrée et qu’il pourrait même être évalué.
Rythmes scolaires ou réforme du collège : libre-choix !
- Du côté des rythmes scolaires, la volonté est de laisser le choix aux communes de conserver ou non la semaine de 4,5 jours : « pour que chaque commune puisse trouver, avec les écoles, les parents d’élèves, ce qui lui paraît la meilleure organisation de la semaine». Ce choix risque tout de même d’avoir pour conséquence un accroissement des inégalités entre les écoles : avec d’un côté, les communes qui garderont les quatre jours et demi et les activités périscolaires. Les communes qui feraient ce choix pourraient tout de même rencontrer des difficultés puisque dès 2019, le fonds d’amorçage qui vient en aide aux communes pour financer les activités périscolaires pourrait n’être maintenu que pour les communes les plus pauvres, a laissé entendre le nouveau gouvernement. On peut facilement imaginer que seules les communes les plus riches feront le choix de conserver les activités périscolaires.
- De l’autre, les écoles qui conserveront les quatre jours et demi sans les activités périscolaires. Celles-là risquent de mécontenter bon nombre de parents qui verront leurs enfants placés en garderie dès 15h tous les jours. A noter que certaines communes ont d’ores et déjà annoncé leurs volontés d’ajouter une cinquième demi journée le samedi matin au lieu du mercredi.
- Enfin, il y a celles qui reviendront à la semaine de quatre jours, sans activité périscolaire et avec un autre rythme pour les enfants. Pour les adultes et les petits qui ont eu à peine 2 ans pour s’habituer à cette nouvelle organisation du temps scolaire, un nouveau changement pourrait être assez mal vécu. Il le sera d’autant plus pour les familles qui auront des enfants dans des écoles maternelles ou primaires qui ne suivront pas le même rythme scolaire.
Quelles avancées si chacun fait ce qu’il veut ?
Même bataille pour la réforme du collège. Le rétablissement des classes bi-langues, le retour du grec et du latin ne seront que des options. « Je n’exige des établissements aucun retour en arrière. Ceux qui souhaiteront rester dans le cadre actuel de la réforme du collège le pourront. » affirme Jean-Michel Blanquer. Pareil pour l’interdisciplinarité : « elle doit venir des acteurs de terrain. On ne la décrète pas. C'est pourquoi nous donnerons plus de liberté aux enseignants".
Il semble que pour le moment, chacun soit libre de faire ce qu’il entend et ce qu’il préfère. Reste que pour atteindre 100% de réussite à l’issue du cours préparatoire et poursuivre la lutte contre le décrochage scolaire, un minimum de cohérence dans la politique éducative de la France pourrait être de bon augure.