L’éducation est le premier budget de l'état français, et bien que le sujet ait été souvent cité comme prioritaire dans les déclarations des candidats, cela n’a pourtant pas fait l'objet été l’objet de nombreux débats lors de cette période électorale. Aide et Action, spécialisée depuis plus de 35 ans dans l’éducation de qualité pour tous, regrette que les deux candidats, sortis vainqueurs du premier tour, n’aient pas pris la peine de détailler davantage leurs mesures sur un sujet aussi central et essentiel que l’éducation. Leurs programmes ne s’appuient sur aucune étude scientifique et semblent s’intéresser davantage à la quantité à la qualité de l’éducation.
Afin d'y voir plus clair, nous proposons de revenir en détail sur les principaux axes de programmes des deux candidats en matière d’éducation.
Leurs visions
Entre les deux candidats sortis vainqueurs du premier tour des élections, il faut le reconnaître, Emmanuel Macron a plus détaillé son programme que sa concurrente. Ses propositions s’inscrivent dans la continuité de l’action menée par François Hollande. Il voit dans l’école le moyen d’acquérir un socle de connaissances, de rendre libre et heureux. Il prévoit entre autres de recruter 4 à 5 000 nouveaux enseignants et de réformer le baccalauréat (4 matières obligatoires à l’examen final et le reste en contrôle continu). Il souhaite également laisser davantage d’autonomie aux établissements scolaires, notamment ceux en zones prioritaires.
Marine Le Pen base son programme sur la méritocratie républicaine et le recentrage des apprentissages sur le français et les matières fondamentales. Elle souhaite garantir la liberté de scolariser les enfants selon les choix des parents, tout en contrôlant plus strictement la compatibilité avec les valeurs de la République des enseignements dispensés dans les établissements privés hors-contrat.
Petite Enfance
Le programme de la candidate Front National n’évoque pas ce sujet. Cependant sur ses 144 propositions, la 90e prévoit le lancement d’un audit complet sur les structures d’accueil et de prise en charge des enfants afin de mettre un terme aux dérives constatées au sein de certaines d’entre elles.
Emmanuel Macron va plus loin en proposant une réforme de l’attribution des places en crèche au niveau des communes pour éviter les passe-droits et inciter à davantage de transparence. Il souhaite créer des places en crèche et renforcer l’encadrement en maternelle notamment grâce à l’appui des jeunes en service civique. Il évoque notamment, et nous nous en réjouissons, le rôle des associations pour accompagner les enfants dans l’apprentissage de la lecture.
L'analyse d'Aide et Action. Nous regrettons le manque d’importance accordée par les deux candidats au secteur de la petite enfance, période pourtant clef pour la construction et le bon développement de l’individu. L’éducation et les soins apportés aux enfants dans les premières années de leurs vies déterminent leur bien-être et leur développement dans l’avenir. C’est pourquoi Aide et Action prône la préscolarisation obligatoire des enfants dès l’âge de 3 ans pour assurer leur bon développement intellectuel, cognitif, social…. des plus jeunes.
Ecole Primaire
Là où Marine Le Pen remet clairement en cause les rythmes scolaires, Emmanuel Macron souhaite laisser le choix aux collectivités de les poursuivre ou non.
Emmanuel Macron donne la priorité à l’école primaire et annonce sa volonté de recentrer les apprentissages. Il veut faire de la lutte contre les inégalités en milieu scolaire sa priorité. Pour se faire, il met l’accent sur les écoles des réseaux d’éducation prioritaire, en y réduisant les effectifs en CP-CE1 (12 enfants) et en y enrôlant des professeurs expérimentés, mieux payés, à qui on laisserait une liberté pédagogique plus forte.
Il propose également dans tous les établissements du primaire et du secondaire le développement d’études dirigées après la classe tant au primaire qu’au collège. Enseignants, étudiants et retraités seront mobilisés pour assurer des études dirigées après la classe ainsi que des stages de remises à niveau pour les élèves en, difficulté. Il souhaite individualiser les apprentissages à l’école et faire des bilans personnalisés jusqu’en troisième afin que les enseignants disposent d’une base fiable et utile pour mesurer les progrès de chaque élève, et qu’ils choisissent les meilleurs outils pour un enseignement adapté aux besoins de chacun. Enfin, Emmanuel Macron souhaite une école plus ouverte, notamment en lien avec l’entreprise afin d’offrir des débouchés professionnels aux jeunes qui y étudient.
L'analyse d'Aide et Action. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette progressive ouverture de l’école. L’association voit également positivement la volonté d’Emmanuel Macron de revaloriser le rôle des parents dans l’éducation. Il souhaite notamment généraliser la « mallette des parents » d’élèves. Soit trois réunions annuelles qui permettront de renforcer la place des parents dans l’éducation des enfants. Si l’idée est bonne, elle reste toutefois insuffisante aux yeux de notre association, qui estime que les parents doivent être impliqués quotidiennement dans l’éducation, être concertés et associés tout au long de l’année pour s’intéresser et participer au bon déroulement de la scolarité de leurs enfants
Les mots d’ordre de Marine Le Pen sont autorité et respect du maître. Elle ré-impose l’uniforme et souhaite réinstaurer laïcité, neutralité et sécurité au sein de l’école. Elle axe son programme sur l’enseignement du français au primaire et les apprentissages fondamentaux (français, histoire, calcul). Elle affirme surtout sa volonté de supprimer l’enseignement des langues et des cultures d’origine. Une ineptie pour Aide et Action qui voit dans l’enseignement des langues maternelles un facteur d’éducation et de réussite essentiel pour les enfants allophones mais également une source de richesse et de diversité indispensable à la construction de notre nation.
L'analyse d'Aide et Action. Notre association regrette qu’aucun des candidats n’annonce d’augmentation du montant des dépenses annuelles pour chaque élève. Les résultats de la France au dernier test PISA sont plus qu’alarmants : niveau médiocre des élèves, augmentation du nombre d’élèves en difficulté, impact des inégalités. Or les pays qui sont les plus performants aux tests PISA ou TIMMS sont ceux qui investissent majoritairement dans l’école primaire, où les enfants acquièrent les fondamentaux. Aide et Action demande donc aux deux candidats de bien vouloir donner à l’école les moyens financiers et humains d’élaborer et de mettre en œuvre un enseignement de qualité. Quid de la formation et des conditions d’enseignement des enseignants ? Certes, Emmanuel Macron le mentionne en affirmant vouloir offrir aux enseignants une formation ambitieuse et de grande qualité. Il ne propose toutefois que 3 jours de formation par an aux enseignants. Au vu des besoins, cela reste aux yeux d’Aide et Action largement insuffisant : il est impératif de donner aux enseignants les bons outils, au delà d'une formation initiale de qualité, c'est surtout une formation professionnelle longue, en alternance et encadrée par un tuteur expérimenté. Il est également impératif de les accompagner tout au long de leur carrière pour adapter leurs pratiques aux défis qu’ils rencontrent. En outre, améliorer leurs conditions de travail implique d’inscrire les politiques éducatives dans la durée et de ne plus les modifier à chaque changement de mandat.
Apprentissage et Formation Professionnelle
Emmanuel Macron et Marine Le Pen semblent trouver un terrain d’entente en matière d’apprentissage et de formation professionnelle. Les deux candidats voient en effet la nécessité de les développer notamment pour former les jeunes sans activité, sortis sans qualification du système scolaire. Dans ce cadre, Marine Le Pen abaisse l’âge de l’apprentissage à 14 ans et propose la suppression progressive du collège unique. A la place, elle propose un "collège de détermination", où une orientation vers la voie professionnelle serait possible après la cinquième.
L'analyse d'Aide et Action. Notre association se réjouit de la volonté des deux candidats de développer l’apprentissage et la formation professionnelle et surtout de rapprocher ces deux secteurs du monde de l’entreprise. Il est indispensable de renforcer et de diversifier les formations en apprentissage et de développer des formations professionnelles courtes qui répondent aux demandes du marché et favorisent une première insertion socio-professionnelle de ces jeunes.
Aide Publique au Développement
La France s’est engagée à reverser 0.7% de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement. Notre pays est pourtant bien loin de tenir ses promesses depuis plusieurs années : en 2016, il n'a ainsi accordé à la solidarité internationale que 0.38% de son RNB. Depuis plusieurs mois, Aide et Action, en partenariat avec d’autres organisations internationales interpelle les candidats à la Présidentielle pour qu’ils fassent de l’augmentation de l’Aide Publique au Développement une priorité.
Contrairement à Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’engage à atteindre les 0.7% du RNB mais l’augmentation sera progressive et ne devrait atteindre son objectif que d’ici à 2025 (avec un pallier à 0.55% en 2022). Elément essentiel : Emmanuel Macron s'engage, à ce que la politique d'aide au développement ne soit pas conditionnée à la politique migratoire et fait de l'aide à l'éducation l’une de ses priorités sectorielles (l'accès aux services de base d'éducation et de santé vient en première place dans la liste des priorités sectorielles qu’il met en avant).
Marine Le Pen souhaite toutefois mettre en œuvre une véritable politique de co-développement avec les pays d’Afrique fondée prioritairement sur l’aide au développement de l’école primaire, l’aide à l’amélioration des systèmes agricoles et l’aide au renforcement des outils de défense et de sécurité. Mais elle valorise surtout la solidarité nationale, celle qui s’exprime d’abord à l’égard des Français.
L'analyse d'Aide et Action. Pour notre association, comme pour de nombreuses organisations de solidarité internationale, les propos tenus par Marine Le Pen à ce sujet (« Je n’ai rien contre les étrangers, mais je leur dis : 'Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, que vos enfants soient éduqués gratuitement' ».) sont alarmants. Ils laissent redouter un fort repli sur soi et une montée du populisme qui mettrait en danger la survie, l’éducation et le développement de millions d’individus dans le monde. Y compris en France puisque Marine Le Pen affirme vouloir mettre fin à la gratuité de l’éducation pour les enfants étrangers en situation irrégulière et mettre en place une « contribution » pour ceux dont les parents en situation régulière ne travaillent pas. Aide et Action rappelle que, conformément à la loi, tous les enfants étrangers vivant sur le sol français, y compris ceux sans domicile fixe, doivent être scolarisés gratuitement. Le principe de l'obligation d'instruction est posé par l'article L 131-1 du Code de l'éducation nationale. La non-discrimination à l'égard des enfants étrangers est expressément rappelée par le ministère de l'éducation nationale dans les circulaires du 6 juin 1991 et du 20 mars 2002.