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Médecin, Professeur agrégé de cardiologie, enseignant à l'universitaire de Douala au Cameroun, Médecin des hôpitaux de France

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Billet de blog 4 octobre 2021

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Vaccination anti-Covid-19: Lueur ou leurre?

L’inégalité des taux de vaccination entretien la circulation active du virus. A l’image des USA où les populations les plus précaires font plafonner le taux à 60%, les zones les plus pauvres du monde sont un vivier de l’émergence des prochains variants de la pandémie. Tant que la pauvreté côtoiera l'opulence, c’est-à-dire deux mondes à vitesses opposées, le Sars-cov-2 aura une longue vie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'éradication d'une épidémie/pandémie tient à plusieurs leviers sanitaires dont l'essentiel repose sur l'isolation des cas ou l'immunité collective.

Le caractère asymptomatique de l'évolution clinique du Sars-cov-2 chez plusieurs personnes rend l'identification et l'isolation de tous les cas impossible.

L'immunité collective quand à elle, suppose que la rencontre de l'hôte (patient) et le virus (infection naturelle) ou le vaccin (inoculation d'un virus atténué, ou fabrication par génie génétique de l'ARNm viral) va armer l'organisation d'anticorps contre toute tentative d'envahissement viral. Ainsi, la chaîne de contamination s'estompe naturellement, les variants avec.

Les observations épidémiologiques montrent en effet que la transmission du virus d'un hôte à l'autre fait le lit des mutations. C'est la multiplication de ces erreurs de copie du code génétique viral (mutations) lors de sa réplication chez le nouvel hôte (patient, parfois asymptomatique) qui confère au dit virus de nouvelles propriétés pathogènes. Celles-ci peuvent être protectrices ou délétères c’est-à-dire plus contagieuses, rapides et imprévisibles, atteignant les enfants, avec un degré variable d’insensibilité aux vaccins.

Le virus ayant acquis de nouvelles propriétés pathogènes s'appelle virus mutant ou plus communément variant du virus mère.

L'appellation initialement admise d'un variant découle de son lieu géographique de découverte. Les premiers variants identifiés sont Britannique, Sud-Africain et Brésilien. Cet usage a muté vers des noms de lettres grecques. Ainsi, le variant indien actuellement en vogue a pris le nom Delta, car il a été identifié après l’Alpha (UK), Beta (Afrique du Sud) et Gamma (Brésil). Sa forte contagiosité et son taux préoccupant d'insensibilité aux vaccins ARNm (plus de 40%) en font une vraie préoccupation épidémiologique.

Vaccination à double vitesse et émergence des variants.

Tant qu'il y aura des foyers de transmission du Sars-cov-2 dans quelque coin du monde que ce soit, l'émergence de variants est à craindre. L'immunité collective naturelle étant finalement impossible à atteindre, comme nous le rappelle les tentatives infructueuses de la Grande Bretagne et de la Suède, seule l'approche vaccinale semble cristalliser tous les espoirs de la planète. On n’en oublie presque que la recherche médicamenteuse devrait redoubler d’efforts.

Cependant, cet espoir semble vain si nous considérons le monde comme un village planétaire dans lequel les hommes et les virus circulent librement. En date du 28 septembre 2021, les pays les mieux lotis en termes de taux de couverture vaccinale (à deux doses) ne dépassaient pas le seuil de 85%, la France s’en sortant plutôt bien avec 72,21%. L'émergence du variant delta et sa faible sensibilité aux vaccins sur le marché impose le recours à une troisième dose dans beaucoup de pays. De facto, le taux de protection « optimal » de ces bons élèves a chuté drastiquement.

La probable émergence de nouveaux variants encore moins sensibles aux vaccins obligera la soumission à vaccinations itératives et de plus en plus angoissantes.

L’ineptie scientifique de l’obligation vaccinale en Afrique

La non-atteinte de l’objectif vaccinal (au moins 85% des américains, avait projeté le Président Joe Biden) en occident tient lieu davantage du scepticisme des populations que de la disponibilité des vaccins.  Quid de l'Afrique et biens d'autres pays disséminés sur la planète où le taux moyen de vaccination est catastrophiquement bas? Le Maroc se comporte plutôt honorablement avec presque 51% de vaccinés. Loin derrière, la Tunisie (32,21%), le Zimbabwe (15,13%) et l’Afrique du Sud (14,33%). Une dizaine d’autres pays revendiquent des taux à deux chiffres. Pour le reste, moins de 1% de vaccinés est le scénario commun.

La péremption de lots du vaccin Astra Zeneca au Cameroun avec ses moins de 0,5% de pro-vax démontre à suffisance les difficultés des pouvoirs publics à suivre la dynamique occidentale. D'ailleurs, même si les peuples le voulaient, les pouvoirs publics africains ont-ils les moyens d'une telle politique de couverture vaccinale généralisée? Ô que non! Les doses commandées par plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne couvrent à peine 5% de leurs citoyens. Dès-lors, l'obligation vaccinale que tente d'imposer plusieurs administrations africaines relève simplement d'une ineptie scientifique.

Il est contre-productif d’obliger une poignée de "privilégiés" à se faire vacciner dans un environnement où 99% de la population générale sont de potentiels porteurs (et donc transmetteurs) du virus. Ces vaccinés sont à la merci de nouveaux variants émergents ; lesquels variants traverseront les frontières pour une dissémination planétaire. La boucle sera ainsi bouclée. En  termes plus simple, l'inégalité de répartition des vaccins fait le lit de la pérennisation de l'infection à coronavirus dont la circulation inégale participe à son auto-entretien. A moins de fermer hermétiquement les frontières des pays vaccinés. Est-ce possible ? Le passeport vaccinal en est une forme déguisée mais poreuse. En effet, des failles lui sont déjà identifiées, traduites par un marché des vrais faux vaccinés en pleine expansion.

Tant que la pauvreté côtoiera l'opulence, c’est-à-dire deux mondes à vitesses opposées, le Sars-cov-2 aura une longue vie.

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