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Médecin, Professeur agrégé de cardiologie, enseignant à l'universitaire de Douala au Cameroun, Médecin des hôpitaux de France

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Billet de blog 9 mars 2022

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Le choléra au Cameroun: corruption et politique sanitaire sans ambition

Le choléra, cette maladie infectieuse de la pauvreté, éradiquée dans le monde occidental depuis deux siècles, demeure une réalité dans les pays qui refusent de placer l’humain au centre de leurs politiques sanitaires. Le Cameroun est un cas d’école en la matière. La corruption et la spoliation de l’argent public sont les vecteurs de la progression de cette maladie de la honte.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Deux foyers de choléra ont été identifiés dans la ville de NJOMBÉ (à quelques encablures de la capitale économique du Cameroun), du côté de MBOUALE, avec plus de 5 cas hospitalisés à l’hôpital Saint Jean de Malte.

Les autorités locales disent ne pas disposer de moyens pour une riposte efficiente à cette maladie de l’extrême pauvreté. Une maladie disparue dans les pays qui ont placé l’HUMAIN AU CENTRE DE TOUTES LEURS POLITIQUES SANITAIRES.

Illustration 1
Le ministre de la santé publique du Cameroun, entre le passé occidental et le présent des pays qui ne veulent pas éradiquer le choléra

UNE MALADIE DU PASSÉ

Le choléra a décimé les populations occidentales au 19è siècle. L'année 1817 ouvrit la première des six pandémies classiques durant lesquelles le choléra déferla sur le monde : de 1817 à 1823, l'Asie entière fut atteinte et l'épidémie s'étendit – première pandémie – jusqu'à la côte orientale de l'Afrique. La progression de la maladie est décrite par les cartes de Moreau de Jonnès. Les frontières de l'Europe furent atteintes pour la première fois en 1823 à partir de l'Asie Mineure. Lors de la deuxième pandémie (1826-1841), la Russie, l'Allemagne, l'Angleterre, la France et finalement l'Europe dans son ensemble totalisèrent plus d'un million de victimes jusqu'en 1837 ; presque simultanément, le choléra atteignit l'Amérique du Nord et l'Australie. La troisième pandémie ravagea l'Europe et le bassin méditerranéen de 1846 à 1861 avant de gagner à nouveau l'Amérique du Nord. C’est à cette occasion que John Snow, étudiant la distribution des cas de choléra dans le district (ward) de Broad Street à Londres en 1854, montra que la maladie n’apparaissait que chez des personnes utilisant l’eau de certaines fontaines, celles alimentées pour partie avec l’eau des égouts. Cette découverte a jeté les bases de la prophylaxie du choléra et, au-delà, d’une partie de l’hygiène moderne : la nécessité de la pureté bactériologique de l’eau.

Le monde civilisé a donc eu raison de cette MALADIE DE LA HONTE, il y a de cela deux siècles. Deux siècles de retard de l’Afrique (notamment du Cameroun) sont-ils explicables autrement que par l’incurie des politiques sanitaires de ces pays ?

UNE MALADIE DE LA CORRUPTION ET LA PREVARICATION

Le choléra est donc une maladie des eaux sales, des eaux usées, de la pauvreté. Peut-on dire que le Cameroun est un pays pauvre ? NON. Alors pourquoi une maladie de la pauvreté y prospère ? Pourquoi même dans les hôpitaux de référence de Douala manquent les kits de dépistage du choléra ? Pourquoi des malades suspectés de choléra sont hospitalisés dans des chambres communes avec les malades classiques, en attendant un test de dépistage venu d’ailleurs ?

Les autorités administratives de la ville de NJOMBÉ se renvoient la responsabilité de cette inaction des pouvoirs publics. Sous anonymat, l’un a accusé un autre en pestant « lorsqu’il bouffait l’argent de la COVID, il ne m’a pas associé ». Il s’agit donc de l’éternel question de la distraction de l’argent public. Le fonctionnaire camerounais ne sait rien faire d’autre que de voler l’argent public. Tant pis pour la population qui crève et dont une partie s'accommode étonnement par cette fascination à son bourreau encore appelé le syndrome de Stockholm.

Le Cameroun est un pays à part, un pays où l’opulence des consommateurs des grands vins (PETRUS ou DON PERIGNON) à 1 million de Fcfa (1500 euros) la bouteille puise sa jouissance dans sa cohabitation idyllique avec l’extrême pauvreté des populations qui ne sont utiles que lors des échéances électorales. LE VIVRE ENSEMBLE MADE IN CAMEROUN EST UNE UTOPIE ASSUMEÉ.

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