Aimé Bonny
Médecin, Professeur agrégé de cardiologie, enseignant à l'universitaire de Douala au Cameroun, Médecin des hôpitaux de France
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Billet de blog 26 juin 2022

Aimé Bonny
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POUR UNE MEDIATISATION DE LA REANIMATION CARDIAQUE DES SPORTIFS

19 ans après le décès de Marc-Vivien FOE, malgré des efforts conséquents de la FIFA, on continu à dénombrer en moyenne un décès par mois dans les stades. Le chemin reste donc long et passe par un changement de paradigme qui veut que la réanimation se fait hors-caméra des médias. Ceci est contre-productif car prive l'humanité d'une formidable opportunité de sensibilisation et d'apprentissage

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Lettre ouverte à la FIFA

Le 26 juin 2022 marque le 19è anniversaire du décès du footballeur international camerounais Marc-Vivien Foé. Dix-neuf ans plus tôt c’est-à-dire le 26 juin 2003, dans son stade de Gerland (Lyon), le monde entier assista, médusé, au passage brutal de vie à trépa de celui que les camerounais appelaient affectueusement « Marco ».

Cette dramaturgie, forte en émotion, a marqué un tournant mondial dans la prévention et la prise en charge de l’arrêt cardiaque du sportif. Il a donc été adopté par la FIFA d’un protocole de prévention de la mort subite cardiaque (MSC) du footballeur. Les grandes lignes de ce protocole sont :                                                                                                               

(1) l’imposition de la présence d’un défibrillateur automatique externe (DAE) dans tout espace sportif recevant une compétition officielle de la FIFA,  

(2) l’intervention rapide et sans autorisation préalable des secouristes sur l’aire de jeu,

(3) une constante sensibilisation des joueurs sur les arrêts cardiaques,

(4) la réalisation annuelle des tests cardiaques poussés (ECG, échographie cardiaque, épreuve d’effort…voire IRM cardiaque),

 (5) l’interdiction aux médias de diffuser les images en cas de malaise d’un sportif.

Cependant, malgré des efforts significatifs déployés par la FIFA et toutes les organisations gouvernementales et non-gouvernementales dans la lutte contre cette fatalité, le monde continu à dénombrer une moyenne d’un décès de sportif par mois. Le chemin vers un sport sans risque de décès reste donc long.

J’ai toutefois une réserve concernant le point n°5 dudit protocole FIFA qui, au demeurant, a permis de sauver beaucoup. En effet, interdire la diffusion d’un lieu public (stade de football) des images de la réanimation cardio-pulmonaire d’une victime est complètement en opposition avec l’objectif général de sensibilisation et formation de la population générale et des sportifs en particulier. Un adage populaire dit « à quelque chose malheur est bon ». L’arrêt cardiaque du sportif est donc une formidable opportunité pour la sensibilisation et la formation (théorique) aux gestes qui sauvent des sportifs et des téléspectateurs. Comme on a pu l’observer lors de l’arrêt cardiaque du danois Christian Eriksen, en tournant le dos au théâtre de la réanimation, ses coéquipiers apeurés ont raté une opportunité d’apprendre. L’opinion publique général félicite d’ailleurs le capitaine danois Simon KJAER pour avoir sauvé son coéquipier par ses gestes de premiers secours. Cependant, la visualisation du geste courageux du capitaine danois met en lumière une faille dans la chaîne de sauvetage que seule la médiatisation en mondovision permettrait de gommer : la position latérale de sécurité (PLS) est à proscrire. On ne réanime pas un arrêt cardiaque en adoptant la PLS. Le dire et le pratiquer sous le regard de millions de téléspectateurs est plus pertinent en termes de coût-efficacité que toutes les campagnes de terrains organisées par la FIFA.

Je plaide donc pour une vulgarisation de la sensibilisation et la formation des gestes de secours, dont la médiatisation des cas survenant sur les aires de jeux est un volet essentiel. Pour des besoins didactiques, l’utilisation des vidéos desdits cas tombe sous le coup du bon sens. Dès-lors, l’interdiction de filmer et diffuser les images d’un sportif en cours de réanimation d’un arrêt cardiaque me semble contre-productif.

Enfin, l’imposition d’un passeport annuel « premiers secours » à tout licencier d’une compétition officielle de la FIFA participerait à la maîtrise des gestes qui sauvent par chaque coéquipier d’une potentiel victime d’arrêt cardiaque.

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