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Billet de blog 6 novembre 2017

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Quand les étudiants kanak en France rencontrent des signataires de l’accord de Nouméa

Le mouvement des jeunes Kanak en France a organisé le mercredi 1er novembre 2017 une rencontre avec quatre membres de la délégation indépendantiste venue à Paris, pour le XVIe comité de signataires de l’accord de Nouméa de 1998. La rencontre a eu lieu au Centre international de culture populaire en présence de l'AISDPK et d'autres représentants associatifs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le mouvement des jeunes Kanak en France a organisé le mercredi 1er novembre 2017 une rencontre avec quatre membres de la délégation indépendantiste venue à Paris, pour le XVIe comité de signataires de l’accord de Nouméa de 1998. Cet accord qui a déjà permis le transfert de plusieurs compétences de l’État français au gouvernement de Nouvelle-Calédonie, prévoit un vote en novembre 2018 – préalable au transfert des compétences régaliennes (monnaie, justice, police, armée).

La rencontre a eu lieu au Centre international de culture populaire.

Sont venus Roch Wamytan, président du groupe UC-FLNKS au Congrès ; Jacques Lalié, membre du même groupe ; Pascal Sawa, maire UC de Houaïlou et Kotra Uregei, membre fondateur de l’USTKE et du Parti travailliste. Les délégués du Palika n’étaient pas présents.

Une cinquantaine de jeunes étudiants et salariés remplissaient la salle, auxquels s’ajoutaient des représentants de Survie, de l’AISDPK, de la Ligue panafricaine et des causes comorienne et corse.

« Le référendum de l’an prochain, c’est notre rendez-vous historique, c’est l’ultime étape de notre long processus de décolonisation et d’émancipation. » En ouverture, R. Wamytan veut d’emblée remettre en perspective l’échéance avenir. Pascal Sawa renchérit un peu plus tard : « C’est le rendez-vous que nos vieux nous ont donné il y a plus de 100 ans », et le maire de Houaïlou de rappeler les insurrections de 1878 et de 1917, puis le nouveau réveil de la lutte après-guerre avec la création de tous les partis, groupes et syndicats qui finalement constituent le FLNKS en 1984.

Les jeunes doivent l’entendre, c’est à leur tour de s’inscrire dans cette suite de génération. Un étudiant fait remarquer : « Pourtant, le vote de l’an prochain n’est pas intitulé “référendum d’autodétermination”, mais “consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie”. Certes, lui rétorque la tribune, il y a « la langue juridique, et il y a l’esprit », dit R Wamytan. Mais qu’on ne s’y trompe, « c’est bien à l’exercice de leur droit à l’autodétermination que tous les colonisés de Nouvelle- Calédonie vont pouvoir se livrer ».

Preuve en est, insiste R. Wamytan, une délégation du Comité de décolonisation de l’ONU a « confirmé qu’elle serait présente sur le territoire tout au long de 2018 jusqu’au referendum inclus », afin de garantir la mise en œuvre de ce droit. Cette venue d’ailleurs agace les loyalistes ; eux se passeraient bien de la présence du « machin », le leader de l’UC, lui, s’en amuse : « voilà qu’ils se prennent pour De Gaulle ! ». Bref, il est satisfait d’avoir œuvré à l’inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays restant à décoloniser.

Car il faut très sérieusement veiller au grain et à la manière dont les Kanak pourront exercer leur droit. J. Lalié rappelle à tous ceux qui s’interrogent sur le corps électoral : « Nous voulons l’inscription automatique de tous les Kanak sur la liste générale, cela entraînera automatiquement leur inscription sur la liste spéciale. » « Et nous voulons aussi un établissement sincère des listes », appuie K. Uregei, afin que cesse « ce qu’il ne faut pas avoir peur de nommer une fraude électorale »

Pourquoi l’inscription automatique des Kanak ?

Le scrutin se jouera à quelques milliers de voix. Or une partie des Kanak ne parviennent pas à s’inscrire sur les listes. 25 % de la population kanak vit sous le seuil de pauvreté et, tout comme en métropole, la marginalisation sociale que cette situation économique entraîne, s’accompagne d’une difficulté à faire valoir ses droits. Ainsi, dans l’agglomération du Grand Nouméa, un nombre conséquent de Kanak sans emploi vit dans des « squats » ou des habitations précaires. Ils sont donc dans l’incapacité de produire le justificatif de domicile nécessaire pour figurer sur les listes.

Pour l’ensemble de la délégation présente, l’inscription automatique réglerait ce problème. En même temps, J. Lalié répond par avance à ceux qui pourraient – comme le font d’ailleurs d’autres indépendantistes – réfuter cette automaticité, au motif que la participation au vote de l’an prochain doit résulter d’une démarche volontaire et construite. Pour lui, « certes on est dans une démocratie, – comprendre chacun est libre – mais on reste une démocratie coloniale ».

Pourquoi l’exigence d’un établissement sincère des listes ?

Ainsi, J. Lalié rappelle le contexte. C’est après la réapparition de la revendication indépendantiste, dans les années 1970, que l’État Français a organisé une mise en minorité des Kanak sur leur territoire. La circulaire Messmer de 1972 a favorisé l’installation de métropolitains en visant à « faire du blanc ».

Et ce processus se poursuit ; pire, ajoute K. Uregei, « depuis les accords de Nouméa, cette immigration s’est encore renforcée ». Des traitements supérieurs à ceux de métropoles et des primes alléchantes continuent de drainer des fonctionnaires d’Etat à Nouméa, et des mesures de défiscalisation d’attirer des entrepreneurs privés… Résultat ? « Une discrimination à l’embauche qui joue beaucoup contre vous les étudiants, contre les nouveaux diplômés » insiste K. Uregei en regardant la salle, et qui en plus s’accompagne « d’inscriptions abusives ».

Ainsi, dans les communes du Grand Nouméa, et alors que le corps électoral pour le referendum de 2018 est gelé depuis 2008 (voir article sur le blog Aisdpk « qui peut voter »), on continue d’inscrire ces nouveaux venus. « C’est un pratique courante, ces communes inscrivent les arrivants sur la liste générale – ce qui est normal – mais aussi sur la liste spéciale où ils n’ont rien à faire. »

« Or, devant les commissions administratives spéciales* instituées pour régler tout litige quant aux inscriptions, nos recours sont toujours refusés », ponctue K. Uregei en ajoutant « quand nos adversaires disent qu’ils acceptent l’inscription automatique des Kanak à condition que les natifs de tout origine en profitent aussi, ils pensent en fait aux enfants de ces métropolitains arrivés après 2008 ! ».

Faut-il rappeler que le mouvement indépendantiste n’a jamais réservé aux seuls Kanak le droit à l’autodétermination. Dès 1983, ils associaient les « victimes de l’histoire », c’est-à-dire les descendants des déportés et des migrants d’autres colonies acheminés sur le territoire par le colonisateur. C’était lors de la table-ronde de Nainville-les-Roches, à l’issue de laquelle une déclaration a été signée par le gouvernement français et les représentants du Front indépendantiste, dont Éloi Machoro. C’était la première fois que le droit inné et actif des Kanak à s’autodéterminer était reconnu noir sur blanc dans un texte signé par le gouvernement français. Ainsi, dès le début de leur revendication d’indépendance, les Kanak ont formulé un projet ouvert ; 35 ans plus tard, il n’est pas question de revenir sur ces acquis, d’autant que les accords de 1988 et de 1998 ont su depuis déjà intégrer d’autres communautés.

Après ce rappel tonique des enjeux liés au vote de l’an prochain, les jeunes de l’assemblée, qu’au départ les délégués FLNKS titillaient en leur rappelant que c’était à leur tour de s’inscrire dans ce processus, montrent qu’ils sont déjà engagés… Les questions fusent.

D’abord, ce sont des questions techniques sur la date finale de clôture des listes – apparemment un délai supplémentaire devrait être annoncé sous peu – ; sur l’inscription des métiers où encore des militaires kanak postés en France depuis plusieurs années. Pour toutes les questions, on peut consulter le site de la Nouvelle-Calédonie. **

Des questions de fond

Puis, viennent les questions de fond montrant que l’indépendance est déjà en réflexion dans les têtes, ici et là-bas...

Des questions sages : à quoi s’adossera la monnaie du futur État ? Réponse de la tribune : « pour l’instant, on pense à un panier de monnaies, celles nécessaires à nos échanges ». On apprend qu’un colloque sur la future économie s’est tenu à l’université de Nouméa, à l’initiative d’un ancien bénéficiaire de l’opération 400 cadres, Samuel Gorouna.

On apprend du même coup que le gouvernement n’a pas accepté la venue sur le territoire de Kako Nubukpo, auteur du livre Sortir l’Afrique de la servitude monétaire : à qui profite le franc CFA ?

Il y a des questions revendicatives : « Depuis le temps qu’on en parle, il serait temps, dans cette dernière année avant l’indépendance, d’en finir avec l’indexation », ce système qui permet entre autres de surévaluer les traitements des fonctionnaires d’État (mais pas seulement eux) et de générer de l’inflation. Ou encore : « Pourquoi, en tant que signataires de l’accord de Nouméa, avez-vous laissé l’enseignement supérieur dans les compétences résiduelles, c’est-à-dire dans les dernières compétences à transférer ? »

« C’est vrai, admet R. Wamytan, on s’est loupé sur ce coup-là. C’est un représentant de la Papouasie, membre de l’Université de son pays, qui nous l’a fait remarquer le jour même de la cérémonie de signature de l’accord de Nouméa : “Comment allez-vous former vos cadres, si vos renvoyez cela à la fin” nous a-t-il ditMais voilà, on n’avait pas vu cela à temps ! Il y a tellement de choses à penser… »

Et cette petite phrase a soudain rappelé à beaucoup d’anciens le souvenir de toutes les négociations qui ont eu lieu depuis les années 1980 ; ces convocations à Paris au cours desquelles des leaders kanak se sont toujours retrouvés hors sol, face à des experts de l’appareil d’État français, à leurs techniques de négociations obligeant à réfléchir et à décider vite, toujours vite : seul moyen pour l’État de laisser traîner en longueur l’essentiel, l’élaboration complexe de l’indépendance.

 Merci de nous avoir lu.

IL

Notes :

* Remarque : La commission administrative spéciale est composée : - d’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation, - du délégué de l’administration désigné par le Haut-commissaire, - du maire de la commune ou de son représentant, - de 2 électeurs de la commune, désignés par le Haut-commissaire, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,- d’une personnalité qualifiée indépendante, sans voix délibérative.

** Voir article 218 de la loi électorale disponible sur le site de http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Politiques-publiques/Referendum-2018/La-LESC/. Voir aussi notre précédent article sur la question https://blogs.mediapart.fr/aisdpk-kanaky/blog/281216/le-referendum-sur-l-avenir-du-pays-en-2018-qui-peut-voter

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