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Billet de blog 24 septembre 2024

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24 septembre 2024 : 171 ans de colonisation en Kanaky

Jour de la prise de possession par la France, jour de deuil kanak, devenu jour de la citoyenneté grâce à Déwé Gorodé. Proclamé, par les uns, jour de l’indépendance pour 2025, par les autres, jour du rattachement définitif à la France*. Pour mettre de l'huile sur le feu, y a pas mieux! En fait, tout cela nous rappelle une répétition sans fin de l’histoire de la colonisation en Nouvelle-Calédonie.

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Illustration 1
Le drapeau Kanaky flotte fièrement sur le pays (16 juillet 2019) © I. Leblic

24 septembre. Jour de la prise de possession par la France en 1853, jour de deuil kanak depuis les années 1980, devenu jour de la citoyenneté grâce à Déwé Gorodé en 2003. Aujourd'hui, proclamé, par les uns, jour de l’indépendance pour 2025, par les autres, jour du rattachement définitif à la France*. Pour mettre de l'huile sur le feu, y a pas mieux! En fait, tout cela nous rappelle une répétition sans fin de l’histoire de la colonisation en Nouvelle-Calédonie.

Et, en regardant il y a deux jours sur France 5 le film d’Éric Beauducel sur « Éloi Machoro, itinéraire d’un combattant » (https://www.france.tv/france-5/la-case-du-siecle/5379819-eloi-machoro-itineraire-d-un-combattant.html#section-about), cela m'a rappelé à quel point la France n’est pas capable de retenir les leçons de l’histoire.

Ce film, que je conseille à quiconque s’intéresse à l’histoire de la lutte pour l’indépendance, est à mon sens très instructif. À travers le portrait qui y est fait d’Éloi Machoro, on retrace des moments importants de la lutte du peuple kanak pour l’indépendance. Et en jour important, je voulais en rendre compte, notamment à travers certaines paroles que l’on a dans le film, malheureusement pour la plupart non datées.  Mais ces paroles nous renvoient à l’actualité si dramatique de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui. Elles sont tellement actuelles, montrant que dans cette colonie rien ne change finalement.

Alors qu’Éloi Machoro a 20 ans, le général De Gaulle arrive en Nouvelle-Calédonie le 4 septembre 1966. Il évoque la nécessité de créer un pôle économique dans le Nord ainsi que la construction d’une seconde usine de nickel dans cette région de la France australe afin de casser le monopole de la sln.   Il déclare : « vous avez un rôle français à jouer dans cette partie du monde. Vous êtes morceau de la France. Et vous devez, dans la paix, comme vous l’avez fait dans la guerre, être un exemple d’effort, de fraternité et de progrès. Vous êtes la France australe. Vive la Nouvelle-Calédonie. Vive la France ». Cela nous renvoie en écho à la déclaration du président Macron le 12 décembre 2021 suite au référendum bidon. Il parle d’une période de transition qui « s’ouvre qui est libérée de l’alternative binaire entre le oui et le non », comme si c’en était fini de la revendication d‘indépendance… et il continue « les Calédoniennes et Calédoniens ont décidé de rester français, ils l’ont choisi librement », mais pas 56% de l’électorat…qui s'est volontairement abstenu en très grande majorité. il dit encore : « ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester ! » « La France est fière d’être votre patrie. Elle renouvelle pour vous ce soir son engagement à vous protéger »… (https://blogs.mediapart.fr/aisdpk-kanaky/blog/121221/moi-francaise-anticolonialiste-je-ne-suis-pas-fiere-ce-soir)

1966-2021, rien n’a changé pour l’État français. Malheureusement !

Éloi Machoro avait écrit dans un cahier lu par son fils : « Pour nous faire oublier que nous étions de hommes, on nous a appris à chanter les louanges de dieu. Et ces divers cantiques nous aidaient à gravir notre calvaire alors que nous ne demandions qu’une seule chose, notre droit à la vie et notre part de bonheur ». C’est toujours ce même droit dont il est question aujourd’hui pour les jeunes kanak qui se révoltent à Nouméa.

C’est avec le congrès Union calédonienne de Bourail qu’Éloi Machoro, instituteur, fait son entrée dans la vie politique calédonienne. Cela marque aussi la transformation de l’UC en partie indépendantiste.

Éloi Machoro déclare (s.d.) :  « Y'a une situation coloniale à l’heure actuelle qui profite à la bourgeoisie et cette bourgeoisie a fait en sorte qu’il y ait une barrière entre les Kanak et les non-Kanak. Si bien que la situation des Kanak n’a jamais évolué. Et à l’heure actuelle, si nous sommes sur le terrain, c’est pour justement faire en sorte que cette situation change. »

Puis avec l’élection de François Mitterrand, une rencontre entre le président, Pierre Declerq  alors secrétaire général de l’UC et Éloi Machoro a lieu à l’Elysée pour parler des promesses faites par le candidat Mitterrand.

Malheureusement, le 19 septembre 1981, Pierre est assassiné à son domicile… Il s’en suit une vaste opération d’occupation des terres à l’initiative entre autres d’Éloi.

Il précise d’ailleurs (s.d.) : « Il n’a jamais été dit que nous allons jeter les autres gens à l’extérieur parce qu’on connait leur droit sur ces terres mais on veut qu’ils nous reconnaissent d’abord ce droit de premier occupant et ensuite on pourra discuter avec eux parce que, eux comme nous, on est appelé à vivre ou à mourir ensemble dans ce pays. » Déjà le destin commun dont on nous rebat les oreilles. Rien de neuf donc… Mais le problème est qu’alors comme maintenant, on n’entend pas ce disent les Kanak.

Après l’enterrement de Declercq, Éloi dit :

« Actuellement nous sommes un peu déçus du comportement du président de la république qui se contente dans un mutisme. Nous ne sommes pas là pour mettre le trouble dans le pays nous sommes là pour soulever les problèmes pour que chacun dans ce pays, tous les gens qui considèrent qu’ils veulent considérer ce pays comme le leur s’attaquent à ces problèmes pour les résoudre. Parce que dormir sur les problèmes ce n’est pas les résoudre parce que ça risque de sortir un autre jour, plus tard mais avec des conséquences plus dangereuses pour tout le monde. »

Comme cette phrase résonne en ces temps perturbés en Kanaky/Nouvelle-Calédonie. Nous avons été nombreux à alerter depuis des mois voire des années que la situation ne pouvait pas durer, que les jeunes étaient laissés pour compte et sans perspective d’avenir. Mais nous n’avons pas été entendu (https://blogs.mediapart.fr/aisdpk-kanaky/blog/150524/la-chasse-aux-kanak-est-ouverte).

Après 1981, comme le rappelle le film, « le silence de l’État ne fait qu’augmenter les doutes sur la position de la France vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie. Les manifestations se multiplient. Nouméa devient le lieu de tous les rassemblements. On assite à des affrontements dans les rues de la ville. Le fonctionnement des institutions est perturbé régulièrement. Entre indépendantistes et ceux qui se dénomment comme loyalistes, la calédonie est coupée en deux. »

En effet, les indépendantistes qui avaient cru aux promesses du candidat Mitterrand se demandent c’est pour quand  l’indépendance ? et déjà alors se pose la question du corps électoral. Nainville-les-Roches avait permis en la matière une grande avancée, grâce à la générosité des Kanak, comme le déclare Jean-Pierre Aifa : « C’était un geste de générosité que d’accepter dans un pays colonisé, que le peuple kanak colonisé accepte que les victimes de l’histoire fasse partie du corps électoral »

Mais aux yeux des indépendantistes, le statut Lemoine représente la trahison des socialistes

« Nous refusons dès à présent de marcher dans la combine parce que là encore on nous demande à nous de cautionner une nouvelle colonisation et ceci pendant 5 ans » déclare-t-il.

Et au 1er décembre 84, à la montée du drapeau Kanaky, déjà présenté à Lemoine lors de sa visite en juillet 1983, Jean-Marie Tjibaou dit : « notre lutte elle est politique elle est revendication de souveraineté. Elle n’a pas pour objectif la mort mais se rappeler que la mort fait partie de la logique. Que Kanaky vive ». Et des morts il y en a eu, beaucoup trop depuis 1984 et encore maintenant.

Comme le disait Éloi (s.d.), « le gouvernement cherche toujours la 3e voie. Mais il n’y a pas de 3e voie. Et il n’y aura jamais de 3e voie parce que cette 3e voie nous ne l’accepterons jamais. On prend conscience de notre identité, de plus en plus conscience et à l’heure actuelle, on est encore modéré, nous les vieux, ceux qui avons passé un certain âge.  Mais les jeunes, nous pensons que les jeunes plus tard ça va être beaucoup plus dur. Il y aura moins de discussions. Et, « à quoi ça sert de vivre si on continue à ne plus être nous-mêmes » rapporte Aifa.

Son fils, Éric Machoro, pour conclure le film, énonce : « Y’aura peut-être demain un autre Éloi Machoro et il ne viendra pas de chez nous Il viendra d’ailleurs et moi je suis là pour représenter mon père. C’est ça mon travail. »

Dans un échange de mails fait après le visionnage du film, Éric Beauducel me dit : « Ce qui est fou, c'est que j'ai fini ce film quelques mois avant les "événements", et en ne pensant pas une seconde que tout ça pouvait se produire. »

Pourtant cela s’est produit…

Car on continue à nier le peuple kanak pour ce qu’il est et l'État ne fait que renier les paroles données. La remise en cause de l'accord de Nouméa via le projet de dégel du corps électoral visant une fois de plus en rendre minoritaire le peuple kanak dans son pays est la dernière en date. Elle a mis le feu aux poudres nouveau et Macron n'a rien fait pour éteindre l'incendie. Il n'est pas sûr que le nouveau ministre en charge de l'outre-mer le fasse…

Merci de nous avoir lu.

Isabelle Leblic, 24 septembre 2024

aisdpk.org

* Illustrations des dernières provocations loyalistes

Illustration 2
Illustration 3

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