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Billet de blog 15 août 2013

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La force des armes ou la force de dieu? En Egypte et ailleurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La tragédie égyptienne nous concerne tous. Elle nous jette en pleine figure le drame de l’époque dont les égyptiens sont les premières victimes. Mais seront-ils les seuls ? Une puissance populaire d’une rare fulgurance a su mettre à bas des dictatures en 2011. Mais ces soulèvements, qui n’étaient pas des révolutions au sens moderne du terme, ont trompé nombre d’entre nous, trop pressés sans doute de ressourcer dans ces jeunes démocraties un dispositif politique parlementaire qui montre chez nous des signes d’épuisement manifeste.

En deux ans, les Tunisiens et les Egyptiens ont fait une expérience terrible. Eux qui avaient su rassembler un peuple en Nation face à l’Etat, par delà toutes les différences, n’ont pas pu institutionnaliser cet élan en établissant les bases d’un Etat pour tous, fondé sur les principes mêmes qui les avaient mobilisés.

La crise de la représentation qui dure chez nous depuis des années, voire des décennies, a fait chez eux son œuvre en quelques mois.

On voit, de façon très soft, dans un pays comme la France, et d’autres, comment la question de l’intérêt commun et de son portage par l’Etat est aujourd’hui écartelé entre le discours d’ordre et l’injonction morale et religieuse, entre la logique de police portée par Nicolas Sarkozy (Discours de Grenoble 30 juillet 2010) ou Manuel Valls et l’intolérance sociale et culturelle de la « Manif pour tous ».

Cette tenaille politique a ces racines dans la perte de légitimité de gouvernements qui rendent plus facilement des comptes aux marchés financiers qu’à leur peuple. Rappelons-nous que la dénonciation du caractère virtuel de nos démocraties et de la corruption généralisée de la politique a été le fil rouge de toutes les occupations depuis les Indignados et Occupy en 2011.

La recherche d’une légitimité alternative conduit toujours peu ou prou à une logique de peur et de guerre intérieure qui fait de la police ou de l’armée le cœur réel et symbolique de l’Etat. La critique de cette légitimité perdue peut aussi conduire à une critique morale de l’action publique au nom d’une transcendance religieuse, quelle qu’elle soit.

On dénonçait autrefois l’alliance du Sabre et du Goupillon. Au Caire, ils se font aujourd’hui la guerre, comme s’il n’y avait le choix qu’entre deux principes de gouvernement : l’obéissance aux Armes ou l’obéissance à Dieu. Le premier principe conduit au massacre, l’autre à l’inquisition, à la police de moeurs et au pogrom.

C’est donc de la figure contemporaine d’un Etat pour tous, de ses principes et de sa légitimité dont il est aujourd’hui question. C’est de la possibilité d’un tel Etat que dépend l’issue de la crise égyptienne, voire de la survie d’un Etat tout court. En Egypte ou ailleurs.

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