La 5ème république porte en elle, l'idée même de l'homme providentiel. Voulu par De Gaulle, pour mettre fin à l'hégémonie des partis politiques, elle consacre à travers l'élection présidentielle, la rencontre entre un homme et le peuple de France. Nous sommes d'ailleurs, le seul pays en Europe où le chef de l’État occupe une telle place. Cette particularité Française est responsable de l'état actuel du paysage politique. Un paysage ou les populismes se disputent à coup de démagogie la première place dans la démocratie sondagière.
L'emploi du mot "populisme" est à clarifier tant son usage est fréquent. Cette forme de mouvement politique se déclare garant d’une défense du «peuple», envisagé dans une globalité mythique, contre trois dangers supposés celui des élites (partis, élus, dirigeants…) ne servant que leur propres intérêts ; celui d’un prétendu système caché (complot) qui trahirait les intérêts fondamentaux du peuple et celui d’une attaque de l’extérieur d'entités ou de mouvances internationales entreprises, organisations, migrations, ... qui veulent mettre à mal le bien du « peuple ». Le populisme est souvent marqué par des formes d'anti-intellectualisme et d'antiparlementarisme. Le populisme s'appuie sur la prétention que le peuple est fondamentalement «bon» et «sain» et qu'il aurait été trompé ou trahi. Il prend souvent un caractère moralisateur, lié à une symbolique «nostalgique» de retour à la «vérité profonde» ou de redressement national par un lien direct entre un chef et son peuple.
La 5ème République est un système qui se prête parfaitement au développement de cette phraséologie. Le lien direct entre un leader et le peuple est une donnée fondatrice des institutions actuelles. Elle amène donc aujourd’hui dans l'élection qui s’annonce l’émergence de mouvements articulés autour de personnalités fortes qui reprennent une partie de cette mythologie pour se poser tour à tour en unique garant de la défense des intérêts du peuple, dénonçant les élites, les politiques installés et le complot du système. Pour le FN, on y rajoute le dernier élément lié aux attaques de l’étranger contre notre douce France… La particularité de cette élection est l’émergence d’un populisme du centre magnifiquement incarné par Emmanuel Macron qui se veut contre le système des partis politiques, contre les professionnels de la politique …
Le développement de ces mouvements n'est pas seulement dangereux pour l'intérêt général, mais il est antinomique avec l'histoire de la France. Cette histoire est construite à partir de la révolution Française principalement sur un régime parlementaire issus de l'esprit des lumières et de Montesquieu (De l'esprit des lois, 1748). Ce régime parlementaire implique une réunion de femmes et d'hommes dans une organisation au service d'une idée, un parti politique qui fonde leur valeurs communes. Car les partis politiques sont indispensables pour créer une majorité dans des assemblées délibérantes. C'est d'ailleurs cette tradition française qui a tempéré la rédaction de la 5ème république en un régime mixte permettant au parlement de censurer le gouvernement, représentant aujourd'hui un obstacle majeur aux adeptes du pouvoir personnel qui devront s'appuyer obligatoirement sur une majorité à l'assemblée nationale. Alors quelle majorité pour Macron ou Lepen si ils parvenaient à leur fin ? Cependant, la dérive présidentielle s'est accentuée au cours des dernières années rendant aujourd'hui urgent le passage à de nouvelles institutions séparant les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires dans des assemblées souveraines en évitant les dérives antérieures des 3ème et 4ème République. Renouer ainsi avec la tradition des lumières est une urgence démocratique. La régression actuelle découle aussi de l'état de décomposition des modes d'appréhension du monde ou l'un devient le tout, ou l'exception devient la règle, ou l'impression devient vérité.
Appuyé sur les fractures de la société française, on voudrait décréter la fin des partis politiques. C'est en soi une aberration démocratique. Ces derniers sont garant du lien entre les citoyens et leur représentants. Sans parti politique, la démocratie représentative laisserait place à une monarchie institutionnelle s'en remettant à l'infaillibilité d'un homme plutôt qu'a une République des idées. L'esprit des lumières qui est intemporel doit souffler à nouveau sur notre pays. Cet esprit déclarait l'autonomie de l'homme en développant les connaissances, en se libérant du joug des religions, en favorisant la liberté de conscience, en déclarant des droits inaliénables et universels fondant l'égalité de tous, et la quête du bonheur comme une finalité commune. Voila à mon sens ce qui est en jeu au cours de cette élection, redonner force et vigueur à l'Universalité Française en rallumant les lumières. Cela passera obligatoirement par un combat contre tous les populismes et par une 6ème République.