Retraité, ancien dirigeant d'entreprises de l'économie sociale et consultant, je milite depuis toujours à gauche sur le champ politique, syndical, associatif social et culturel, sur un engagement "socialiste démocratique".
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Agriculteurs, fin de partie ?
Victorieux mais méfiants, en colère mais épuisés, de Paris ou Bruxelles les cortèges d'Agriculteurs et Paysans rejoignent, sous bonne escorte, leurs régions et leurs cours de fermes. L'Etat a promis de changer la donne, alors tout est bien, dans le meilleur des mondes agricoles... possible ? Pas sûr !
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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
Le syndicat des JmA -Jeunes managers Agricoles - (cousins germains du syndicat des Jeunes Dirigeant d’Entreprise) a acquis son statut de cogérant avec l'Etat de l’agriculture 2.0 . Ses dirigeants ont montré leur capacité à contrôler la surchauffe de la cocotte minute des petits exploitants entrepreneurs déclinants : leurs parents, leurs oncles, des cousins, des copains les moins chanceux et déjà moins brillants au lycée agricole.
Les Agro businessman qui contrôlent la FDSEA (cousine germaine du Medef) ont suivi le mouvement qu’ils n’avaient pas vu venir. Ils ont réussi, vaille que vaille, à contenir les ardeurs juvéniles et la colère de la base exploitante des filières fragiles ( production laitière et de viande). Ils ont su - en responsabilité bien sûr ! - siffler la fin du match ; et surtout ils ont repris leur place dans les négociations de la PAC à Bruxelles et des accords internationaux de libre échange, leur vrai terrain de jeu.
Les petits patrons de la Fédération Rurale (cousine de la CGPME) exploitants de fermes structurellement fragiles, pris en tenaille dans leur filière et enfermés dans leurs territoires, sur le marché intérieur, ont acquis de la visibilité avec leurs bonnets jaunes et grâce à leur dynamique et sportive présidente qui a défendu bec et ongle son strapontin dans La négociation. Mais il leur manque une vision alternative au modèle productiviste et industriels qui les étreint. Et ils s’essoufflent à se garder de la récupération politique des démagogues de droite extrême sans solution et d'extrême droite, "porteurs de haine".
Les Paysans-Travailleurs de la Confédération Paysanne (cousins issus de germain de la CAPEB* et/ou de l’UDES*), effacés des médias et tenus à distance des négociations, ont porté un projet alternatif à la hauteur des enjeux, ouvrant la voie au dépassement des contradictions d’un système Agro-industriel dévastateur et à bout de souffle. Présents sur les barrages et de plus en plus visibles sur les territoires comme acteurs socio-économiques et professionnels crédibles et innovateurs, ils sont en passe de gagner leur place de coopérateurs d’un grand projet Agricole et alimentaire franco européen, d’économie sociale, écologiste, altermondialiste que puissent porter les gauches… Mais la route sera longue…
Une image de la grande diversité du monde agricole et de la ruralité.
Ainsi nous remarquons que le monde agricole en colère s'organise aujourd'hui sous l'égide de syndicats patronaux agricoles de plus en plus divisés**. On a vu aussi sur les barrages une proportion non négligeable de "non syndiqués" ainsi que l'apparition de leaders spontanés.
Remarquons aussi que cette photo disparate des forces syndicales révèle un image très éloignée du "Roman paysan et de l'iconographie traditionnelle du monde rural". Au contraire on voit la diversité socio-économique et socio-cuturelle des actifs agricoles. L'agriculture d'aujourd'hui ne se comprend pas si on la dissocie du "système agro-alimentaire" dans lequel elle est inscrite, que ce soit au plan local, national, européen et mondial. En revanche il existe des marchés différenciés - avec des formes et des enjeux concurrentiels spécifiques selon les filières de production. Ainsi les acteurs disposent-ils d'un assez large éventail de stratégies marketing, d'investissement, de production... Pour des réussites différenciées et parfois aléatoires, comme le sont les marchés !
Comme pour l'industrie, depuis une vingtaine d'année, la stratégie agricole "nationale" a visé l'excellence et la production haut de gamme pour les marchés mondiaux, au détriment de la production d'une alimentation du quotidien de qualité et accessible à tous (de la fourche à la fourchette comme le tease, les communicants de la nouvelle PAC). La diversification bio et locale a réussie mais cela s'inscrit trop souvent une stratégie de niche visant un segment de clientèle aisée ou qui veut et sait arbitrer ses choix de consommation de manière engagée. Pour la grande masse des consommateurs, particulièrement celles et ceux qui doivent arbitrer au plus justes leurs postes de dépenses. Les gouvernements depuis longtemps attendent que les industriels et la grande distribution achètent le moins cher possible la matière première, la transformer à bas coût et la distribue à bas prix, instituant ainsi une filière centrale de "mal bouffe" au détriment de la bonne santé et du bien être des populations.***
Remarquons enfin que cette lutte s'est engagée sans lien ni apport des salariés agricoles dont le poids dans l'activité de l'agriculture s'est pourtant accru et devrait encore s'accroitre sous l'effet de l'agrandissement des exploitations ; sous l'effet aussi du développement de la transformation artisanale des produits de la ferme. Ces travailleurs agricoles peuvent être enfants ou membre de la famille de l'agriculteur. Les niveaux de leur salaires sont contraints par la rentabilité de l'exploitation et les risques pour la santé au travail sont accrus du fait de l'exposition à la toxicité des produits phytosanitaires. Sans parler de la situation particulière de la main d'œuvre saisonnière massivement d'origine étrangère. Sans omettre enfin la masse des sous traitants précarisés sous statuts salariés en cdd ou indépendants... Dans leur ensemble les salariés agricoles sont peu syndiqués ou alors dans les organisations syndicales ouvrières de l'agro-alimentaire.
Alors, quelle suite ?
Rendez-vous au salon de l’agriculture ? Aux élections européennes ? Aux élections locales et présidentielles ? Ou bien à chaque réveil inopiné et répétitif du brasier qui couve ?
Rendez-vous bien au delà sans doute, le jour ou une part notoire des 90 % de Françaises et Français en empathie avec le mouvement ne se contentera plus d’applaudir de loin la parade des tracteurs, des engins agricoles et des tonnes à lisier habilement mis en scène "à la mad-max".
Le jour où, en France et dans le Monde, nous serons une majorité, de concert avec les agriculteurs/paysans qui aiment leur métier, en connaissent et maîtrise les techniques les plus sûres et les plus saines, à exiger d'être bien nourris, de disposer d'eau potable en quantité suffisante, de ne plus risquer de tomber malades en inhalant ou ingérant un air et des aliments toxiques et cancérigènes, de ne plus voir nos côtes envahies par les algues vertes aux émanations de gaz meurtriers ; le jour où nous ne supporterons plus de voir anéantie la bio-diversitée, de subir les caprices d'un climat bouleversé par l'effet de serre...
Le jour ou nous ne supporterons plus la politique spectacle pour enfin faire de la politique.
* CAPEB, syndicat des artisans du bâtiment ; UDES, Union des Entreprises de l'Economie Sociale.
** Notons au passage que le Modef, défenseur de l'agriculture familiale, syndicat agricole autrefois proche du Parti Communiste et agissant dans quelques départements, a appelé à la lutte mais était moins visible ou mal relayé par les médias.
*** Notons d'ailleurs qu'une part importante des fils et filles d'agriculteurs qui ne sont pas restés à la ferme et ont été employés massivement dans ces usines y ont vécu des conditions de travail difficiles pour de bas salaires. Ils ont été victimes de licenciements et du chômage quand se sont effondrées les usines de transformation de la viande bovine ou de la volaille (cf entre autres Doux, Bigard en Bretagne..).
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