Celui qui vit le handicap est le seul à pouvoir se raconter
« Je vais partager avec vous un peu de mon existence, écrit Gildas Trévetin dans son introduction, et je dois reconnaître que je ne suis pas tellement à plaindre. En écrivant ce témoignage, j’ai tenté d’éclairer, à travers quelques-unes de mes expériences et prises de positions, la situation des personnes handicapés. (…) Je ne pense pas exagérer ni déformer la réalité en relatant mon vécu »
Personne n’écrit pour Gildas Trévetin ce qu’est la situation de handicap. Il écrit pour dire lui-même ce qu’il vit, ce qu’il pense, ce qui est bon pour lui. Il exige d’être écouté comme l’exprime si clairement le titre « Si vous ne m’avez pas compris… faites-moi répéter. »
Ne vous attendez pas à lire des propos lénifiants. « Gildas Trévetin et sa compagne Marie-Claude Gaillard ne sont pas des handicapés, écrit Alain Jaunault dans la préface, mais un homme, une femme, un couple, qui ont la volonté et l’énergie de dépasser leurs handicaps et qui en revendiquent les moyens. Ils mènent une lutte personnelle et solidaire contre tout ce qui réduit leur humanité. Ils dénoncent toutes les aliénations sourdes, permises à la vue de leur handicap, générées par la peur et l'idiotie ordinaire, instituées et légitimées par les contraintes économiques et organisationnelles, les intérêts corporatistes et la bonne conscience charitable. »
Un livre manifeste pour le droit universel à l’autonomie
" Bien souvent, écrit Gildas Trévetin, les mots ont plusieurs sens et chacun de nous peut, selon les circonstances, leur attribuer une définition différente. C'est le cas du mot autonomie que l'on reconnaît comme une qualité nécessaire et une aspiration humaine légitime mais qui apparaît à d'autres moments comme une menace pour l'ordre des choses.
Pour moi, une personne est autonome, quand elle a la possibilité d’exprimer puis de concrétiser ses volontés : volonté de se déplacer, de s'affirmer, d'écouter, de proposer ; volonté, surtout, de ne pas se laisser dominer par des mécanismes sociaux ou par des ambiances comme celles que j'ai déjà décrites. »
Si Gildas Trévetin a besoin d'interprètes pour dépasser son handicap d'expression, il n'entend pas que l’on s'exprime à sa place.... S'il a besoin pour assurer certains gestes et actes de la vie courante, des services d'une tierce personne, il n'entend pas qu'on le "prenne en charge", qu'on le médicalise et qu'ainsi on en profite pour limiter, entraver sa liberté de vivre comme tout le monde.
Dans l'interview qui complète et actualise son récit, Gildas Trévetin insiste sur son engagement universel : « Je me bats pour que soit respectée l’autonomie de chacun.e, valide ou handicapé.e. Pour le droit de parler nous-mêmes de ce que l’on veut, de ce que l'on connaît. Pour que d’autres ne parlent pas à notre place. Pour que d’autres ne deviennent pas experts de nous-mêmes. »
Un livre qui ouvre des perspectives
La société définit l'auteur de ce livre comme handicapé et l'assigne au statut de pensionné, "inapte au travail ". Lui se définit comme citoyen, journaliste, écrivain, intellectuel, un humain à part entière... En quoi l’implication sociale, associative, politique, la créativité littéraire, auraient-elles moins de valeur contributive pour la société qu'un travail équivalent rémunéré ?
Ainsi, mine de rien, ré-interroge-t-il la place prédominante du travail et de l’activité professionnelle comme facteur de reconnaissance et d’inclusion, comme vecteur d’autonomie. Ainsi pose-t-il en filigrane, l’intérêt d’un revenu d’existence humaine, universel et inconditionnel, déconnecté de la seule reconnaissance du handicap et du droit à sa compensation. Question très actuelle !
Des mots à répéter
Gildas Trévetin nous pousse à changer d'attitude, à trouver par nous-mêmes « le chemin pour que l'on soit à égalité. »
« Si vous ne m’avez pas compris… faites-moi répéter! » c’est l’aimable injonction de Gildas Trévetin pour trouver le chemin de l’échange.
Des mots « à répéter » une fois, deux fois, trois fois afin de reconnaître et surpasser ensemble nos gênes réciproques pour être co-responsables de la qualité et de la sincérité de nos échanges.
Ces mots « à répéter », jetés sur le papier en 1986, enrichis de son témoignage actuel et de celui de sa compagne Marie-Claude Gaillard, Gildas Trévetin nous les offre aujourd'hui comme les témoins d'une histoire qui n'est pas terminée, celle de la lutte pour la dignité des personnes en situation de handicap.
Le livre est disponible sur le site du webmagazine histoiresordinaires.fr
 
                 
             
            