A partir de Lundi le vrai changement sera (en dehors des obligations de travail) de retrouver la liberté de sortir de chez-nous quand nous le voudrons, autant de fois que nous le voudrons, sans contrainte administrative, sans risquer l'interprétation et la sanction arbitraire de la force publique mal encadrée. Cela dans une espace considérablement élargi. La limite de 100 km n'est pas une contrainte de liberté quotidienne. Finalement qui se déplace dans un rayon de cent kilomètres si ce n'est pour des raisons impératives (et en dehors des vacances ou jours fériés bien sûr, mais ça c'est un autre horizon) ? Il nous restera encore quelques espaces familiers à reconquérir : ici en Bretagne littorale, accéder à la plage et à la mer et, je n'en doute pas un instant, cela sera fait, car cet interdit ne peut plus tenir ne reposant sur aucune logique !
Mais ce Lundi, le virus sera toujours là. La maladie qu'il provoque, le Covid19, tuera encore et de préférence celles et ceux dont la santé est fragile et l'âge prononcé. Il faudra donc et dans la durée, limiter la propagation du virus et appliquer les mesures essentielles de prévention (distanciation et hygiène) mais en veillant à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. Confiner toute la population a eu un résultat positif au regard de l'objectif d'éviter l'effondrement du système de santé (déjà fragilisé) mais tout le monde convient que c'est une solution intenable dans la durée.
Alors il faut "déconfiner" et, paradoxe, cela va être sans doute plus exigeant pour chacun d'entre nous qui retrouvons la possibilité d'une vie plus active que ce soit au travail quand s'est possible, dans son voisinage, dans son cercle familial et amical, dans les associations et organisations dans lesquelles nous sommes engagés. Ou plutôt cela va nous demander un effort différent : l'effort de penser, de décider, personnellement et collectivement, la manière de nous comporter et de nous organiser pour assurer la distanciation physique et appliquer les mesures d'hygiène environnementales et personnelles qui constituent le cœur du dispositif de prévention et de lutte contre la propagation virale. Notre capacité à réfléchir, décider, exercer notre libre arbitre, engager notre responsabilité personnelle, faire preuve de vigilance conviviale vont être éprouvés.
Quand l’état et la police nous contraignent, c’est désagréable, ça finit un jour par être insupportable. Mais quand la peur est là, que l'on ne comprend pas très bien ce qui nous arrive, que l'on ne parvient plus à voir ce qu'il convient de faire, se conformer à l'autorité d'un tiers peut nous enlever la charge de la décision, le poids de la responsabilité. C'est plus confortable parfois de ne pas avoir à réfléchir ni à décider. Et l'on peut toujours protester, s'arranger avec les règles, filouter avec l'interdit... c'est même indispensable à l'équilibre.
Très vite je n'ai pas supporté le processus d'infantilisation dans lequel nous ont enfermé les responsables politiques et la technocratie administrative. J'ai rongé mon frein... Avec bonheur j'ai vu monter le mouvement de protestation spontanée et massive des seniors et j'ai été presque étonné de voir comment a été abandonné si vite le projet de "mise à l'abri forcée" des vieux. J'ai vu aussi comment le pouvoir a été contraint, à mesure, de changer de ton, de modifier sa stratégie et ses modes de gestion de crise en concédant aux institutions professionnelles, aux Maires, aux directions d'écoles... une part du pouvoir. Peut-être pour se débarrasser de la charge et de la responsabilité de mettre en œuvre des orientations approximatives ? Là aussi on tirera le bilan.
DISTANCIATION PHYSIQUE ET PROXIMITE CONVIVIALE.
Ce Lundi j'aurai 70 ans. De "confinés contraints" avec mon épouse nous deviendrons "confinés volontaires". Nous passerons d'une quasi assignation à résidence à un régime d'auto-prévention personnelle, nécessaire compte tenu de fragilités de santé que nous ne nions pas. Depuis deux mois nous avons respecté de manière sérieuse l'obligation de distanciation physique, en en éprouvant les limites, les contraintes mais aussi en nous efforçant d'en définir et établir de bonnes pratiques.
Distanciation physique ne veut pas dire isolement, méfiance, et surtout pas distanciation sociale. Tout est dans la bonne distance, la bonne fréquence et les prises de liberté graduelles ont fait partie de l'apprentissage. Mais l'auto-prévention n'est pas qu'une question individuelle. Seul nous ne pouvons rien. En nous protégeant nous impliquons notre entourage et nous nous impliquons avec notre entourage (personnel, professionnel, associatif, citoyen...) dans ce qui devient de l'auto-prévention mutuelle.
La "distanciation physique" pour être efficace et vivable sur le long terme demandera une très forte "proximité conviviale", de la réciprocité, de la complicité, de la solidarité. Une expérience à vivre qui contribuera à un "Après" différent, meilleur peut-être.