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Retraité, ancien dirigeant d'entreprises de l'économie sociale et consultant, je milite depuis toujours à gauche sur le champ politique, syndical, associatif social et culturel, sur un engagement "socialiste démocratique".

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Billet de blog 30 décembre 2023

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Jacques Delors, hommage et droit d'inventaire.

Rendre pleinement hommage à Jacques Delors l’ « Honnête-homme politique », constructeur inlassable de l’Europe, passe par l’exercice de notre droit d’inventaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jacques Delors a rejoint le paradis des pères de l’Europe. Les hommages rendus soulignent unanimement sa probité, sa manière de concevoir et de faire de la politique en gardant de la distance avec la conquête et l’exercice du pouvoir. Au delà de son œuvre ministérielle au sein du gouvernement de la France, on retient avant tout sa contribution à la construction de l’Europe qu’il voulait économiquement forte pour soutenir des politiques sociales communes audacieuses, élargie pour achever et solidifier l’œuvre de pacification du continent, dotée d'institutions démocratiques plus fédérales. Tous insistent sur sa dimension d’Homme d’Etat.

Le prisme moral, éthique, déontologique de l’éloge de Jacques Delors dessine une figure de l'honnête-homme politique qui met en cohérence ses comportements, ses idées, ses paroles. Un leader modeste mais qui porte une vision : décrypter le réel, dessiner et proposer un horizon possible et désirable, expliquer et faire comprendre et accepter les contraintes du chemin pour y parvenir.

L’éthique politique de Jacques Delors trouvait sa source dans sa foi Chrétienne, ce qui aurait pu en faire un rénovateur de la Démocratie Chrétienne si n’était advenue la déconfessionalisation de la CFTC à laquelle il contribua, devenant un adhérent influent et fidèle de la CFDT. C’est François Mitterrand qui fit de lui un ministre socialiste. Il voyait en lui son possible continuateur à la tête de l’Etat. Il le préférait à Michel Rocard, le frère ennemi inventeur de la Deuxième gauche*. Adoubé par François Mitterand, Jacques Delors était présenté comme un candidat pouvant incarner une option Sociale Démocrate à l’Européenne que le Parti Socialiste Français n’a jamais vraiment pensée et su structurer. Hypothèse que Jacques Delors démentit lui même en n’étant pas candidat à l’élection présidentielle alors qu’il partait favori. 

On se doit de garantir la sérénité du temps du deuil en rendant d’abord hommage aux qualités humaines du défunt. Elles font consensus et je n’ai pas de mal à m'y joindre : comme Michel Rocard ou Edmond Maire, figures emblématiques de la deuxième gauche, Jacques Delors et sa position humaniste d’essence « personnaliste » a longtemps fait partie de mes référents politiques.

Le droit et le devoir d'inventaire...

En revanche on doit à l’Homme politique, au respect de sa mémoire, autre chose que l’érection d’une statue figeant à jamais et de manière caricaturale sa dynamique complexe. Il faut pour cela sortir d'une posture irénique  Au delà des commémorations l’Homme d’Etat n’entre durablement dans l’histoire qu’au prix d’une analyse rigoureuse et d’une discussion méthodique de ses traces.

Ainsi Jacques Delors ne courrait pas sans principe après le pouvoir, mais il lui a été souvent donné et il l’a exercé de manière décisionnelle une grande partie de sa vie : pouvoir d'influence de l'intellectuel humaniste chrétien et de l’expert économique plutôt classique partisan de la rigueur, pouvoir du «grand commis de l’Etat» au gouvernement de la France et de l’Europe pour des mandats politiques clés, assez rarement attribués par le vote des électeurs. Donc au delà de ses comportements et de sa méthode il faut aussi s’intéresser et discuter de manière contradictoire l’orientation et les résultats de son action.

C’est Lionel Jospin qui, en 1995, revendiquait, avec raison, un «droit d’inventaire» de la politique de François Mitterrand et de la gauche au pouvoir. Ce « droit d’inventaire » tout militant socialiste, tout militant de gauche conséquent a le devoir de le revendiquer et de l’exercer en permanence à l’égard de toutes celles et ceux qu’il choisit et dont il soutient l’action.

... A six mois des élections Européennes.

Ainsi à six mois des élections européennes, alors que monte partout sur le continent l’hydre haineuse des extrêmes droites populistes, nationalistes et xénophobes, y compris dans le Nord Social Démocrate ; alors que la guerre perpétrée par la Russie contre l’Ukraine menace la paix et la démocratie sur le continent, on ne peut se contenter de célébrer l’héritage de Jacques Delors constructeur « socialiste » de l’Europe sans en faire l’inventaire politique, économique et social. Il faut le faire bien sûr au regard du contexte historique et international de son époque, comparé à celui de l'époque actuelle : constater et caractériser l’état de la maison commune, sa durabilité, son habitabilité sociale et démocratique, en cerner les défauts de conception et de mise en œuvre.

Si n’avait encore une fois primée la guerre des places entre les gauches, ce travail aurait pu (pourrait encore peut-être ?) fonder un programme unifié de la gauche pour une liste commune aux Européennes sachant que l’avènement d’une politique sociale européenne unifiée à laquelle pensait (sans l’avoir vraiment accomplie) Jacques Delors, est une des clefs majeures du progrès et de la paix pour les peuples qui la composent ou la composeront demain.

* Présentée par Rocard comme alternative à la "Première gauche jacobine", centralisatrice et étatique, cette "Deuxième gauche" se caractérisait par sa vision décentralisatrice, régionaliste, la volonté d’une démocratie participative dans la tradition autogestionnaire et le refus de tout ce qui se rapproche des courants « totalitaires ».

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