Alain Marshal (avatar)

Alain Marshal

Gueux de naissance et de vocation

Abonné·e de Mediapart

123 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 juillet 2025

Alain Marshal (avatar)

Alain Marshal

Gueux de naissance et de vocation

Abonné·e de Mediapart

Norman Finkelstein : Netanyahou est un parfait miroir de la société israélienne

D'après le Professeur Finkelstein, fils de survivants d'Auschwitz et du ghetto de Varsovie, le suprématisme génocidaire est un trait caractéristique du premier ministre israélien et d'une grande partie de la société israélienne. De nombreux sondages révèlent que les Israéliens embrassent massivement le projet d'extermination et de déportation du peuple palestinien, tant à Gaza qu'en Cisjordanie.

Alain Marshal (avatar)

Alain Marshal

Gueux de naissance et de vocation

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les journalistes exagèrent l'importance et le but des manifestations anti-Netanyahou, afin de donner l'illusion d'une opposition au génocide, alors que le débat ne porte que sur ses modalités. Cette interview rétablit la vérité et aborde également la Cour internationale de justice, l’agression contre l’Iran,  Zohran Mamdani, Donald Trump, les menaces qui pèsent sur les libertés académiques et le prix personnel payé par le Professeur Finkelstein pour avoir dénoncé les crimes israéliens.

Interview du Professeur Norman Finkelstein sur Al-Arabiya English, le 3 juillet 2025

Source : https://www.youtube.com/watch?v=5xVHI_fSoSY

Traduction et notes entre crochets Alain Marshal

« Pendant 20 mois, parmi les Juifs israéliens, 95 % estimaient qu’Israël utilisait une force insuffisante ou assez de force à Gaza. Seulement 5 % pensaient qu’Israël utilisait trop de force. Ok ? Un sondage mené il y a environ un mois a montré que la moitié des Israéliens Juifs — 47 %, soit la moitié des israéliens — estimaient qu’Israël devait commettre un génocide à Gaza. La question ne comportait aucune ambiguïté. Pas besoin d’ouvrir un dictionnaire pour analyser la définition du mot « génocide ». Voici la question qui a été posée aux Juifs israéliens : « Pensez-vous que lorsque les Forces de défense israéliennes conquièrent une ville, elles doivent tuer tous ses habitants ? » C’était ça, la question. Et 47 % des Juifs israéliens ont répondu : oui. Un autre sondage, réalisé il y a deux ou trois semaines, posait la question suivante : « Pensez-vous qu’il existe des innocents — des civils à Gaza, des civils innocents à Gaza ? » Ce sondage portait sur l’ensemble des Israéliens, y compris les citoyens arabes d’Israël. 63 % ont répondu : « Non, il n’y a pas d’innocents à Gaza. » Si l’on exclut la composante arabe, environ 70 % des personnes interrogées affirment qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza — ce qui revient à dire que l’armée peut tuer tout le monde. » Norman Finkelstein

Illustration 1

Journaliste : Le politologue et activiste américain Norman Finkelstein livre, comme toujours, son point de vue très direct sur les enjeux qui sous-tendent les conflits entre Israël et ses voisins du Moyen-Orient.

Bonjour et bienvenue. Je suis Riz Khan. Depuis les treize mois écoulés depuis mon dernier entretien avec le professeur Norman Finkelstein, les affrontements dans la région ont atteint de nouveaux sommets, le plus récent étant l’échange de missiles entre l’Iran et Israël. J’ai retrouvé le professeur Norman Finkelstein chez lui pour une conversation très franche sur la façon dont il voit l’évolution des événements.

Professeur, c’est un réel plaisir de vous voir en face à face. Nous avons réalisé plusieurs entretiens à distance au fil des années, mais c’est agréable de pouvoir m’asseoir avec vous pour parler de la situation actuelle.

Depuis notre dernier échange, il y a environ un an, les choses ont changé de manière assez radicale. Beaucoup diraient que cela ne fait qu’empirer progressivement. Laissez-moi commencer par l’un des faits récents. Donald Trump, en tant que président des États-Unis, a déclaré que l’Iran et Israël étaient en conflit depuis si longtemps qu’ils ne savaient même plus ce qu’ils foutaient. Il est rare qu’un président utilise le mot en “F” (« fuck »). Qu’avez-vous pensé de cette manière de présenter les choses ?

Norman Finkelstein : Je pense que les deux parties savent exactement ce qu’elles font. Je ne pense pas qu’il y ait de malentendu. Israël considère l’Iran comme un rival régional majeur depuis très longtemps.

Journaliste : Un rival ou une menace ?

Norman Finkelstein : Un rival. Depuis très longtemps, ils ont toujours dit que leur principale — ce qu’ils appellent la principale menace pour Israël — c’était : le Hamas, le Hezbollah et l’Iran. Vous vous souvenez sans doute que, déjà lors des préparatifs de la guerre en Irak en 2003, le premier objectif d’Israël n’était pas l’Irak. Israël voulait attaquer l’Iran.Les États-Unis, eux, avaient ciblé l’Irak. Et à l’époque — il y a maintenant vingt ans — l’idée était : d’abord l’Irak, ensuite la Syrie, ensuite l’Iran.

Journaliste : C’était donc une politique très cohérente, tout à fait stratégique, comme vous la décrivez.

Norman Finkelstein : Oui, c’était un objectif stratégique. Ce qui a changé, c’est qu’il y a manifestement une différence entre avoir un objectif et avoir la possibilité de l’atteindre.

Lorsque le 7 octobre est survenu, Israël a déclaré que son objectif premier était de résoudre une bonne fois pour toutes la question de Gaza. Il n’y aurait plus de “tonte de pelouse”, comme Israël l’appelait. Il y avait eu l’opération “Plomb durci” en 2008-2009, l’opération “Pilier de défense” en 2012, l’opération “Bordure protectrice” en 2014. Il ne devait plus y avoir d’autres opérations. Nous allons résoudre la question de Gaza une bonne fois pour toutes.

Et la solution finale à la question de Gaza a pris essentiellement trois formes :

  1. Le nettoyage ethnique.

  2. Rendre Gaza invivable.

  3. Procéder à une extermination massive.

Et ces objectifs se recoupaient.

Au départ, il s’agissait d’un nettoyage ethnique. Ils espéraient pousser toute la population dans le Sinaï, mais les États arabes ont mis leur veto. C’est alors qu’a commencé l’entreprise de rendre Gaza invivable, tout en procédant simultanément à une extermination massive.

Puis Israël a compris qu’il pouvait atteindre d’autres objectifs dans le cadre du génocide israélien à Gaza. Ils ont réalisé qu’ils pouvaient mettre le Hezbollah hors d’état de nuire. Et cela a toujours été un objectif stratégique pour Israël. Et il semble qu’ils aient atteint cet objectif. Je ne suis pas convaincu que le coup porté au Hezbollah ait été aussi dévastateur qu’on le prétend, mais il est évident que les dégâts ont été importants.

Ensuite, ils ont compris qu’ils pouvaient viser leur troisième objectif : l’Iran. Ce qui a changé, c’est que, même si cela avait toujours été un objectif stratégique pour Israël, ils ont réalisé après le 7 octobre qu’ils pouvaient peut-être enfin l’atteindre.

Journaliste : Vous savez, Benjamin Netanyahou est au pouvoir depuis très longtemps et semble traverser tous les défis qui lui sont opposés. Cela fait des années qu’il affirme que l’Iran est sur le point d’acquérir l’arme nucléaire. Ce discours circule depuis un bon moment. Comment évaluez-vous les preuves par rapport à ces affirmations ?

Norman Finkelstein : Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je ne peux que citer ce que d’autres ont dit. Tulsi Gabbard, responsable du renseignement national américain, a déclaré que les preuves indiquaient que non. L’AIEA — l’Agence internationale de l’énergie atomique — a, tardivement, indiqué que son directeur avait déclaré qu’il n’existait aucun effort concerté de l’Iran pour produire une arme nucléaire. Donc, sur la base des éléments disponibles, la réponse semble être : il n’y a pas de preuves.

Je dirais — c’est mon opinion — que l’Iran aurait tort de ne pas se doter d’une arme nucléaire. Il faut donc supposer que si tel est mon jugement rationnel, c’est probablement aussi celui de nombreuses personnes en Iran.

Certains soutiennent que l’Iran a violé certains aspects des inspections. J’ai lu le rapport de l’AIEA. Je l’ai probablement juste ici, et je pense qu’il est raisonnable de conclure que les inspecteurs de l’AIEA disent la vérité. Je n’ai aucune raison de douter de leur sincérité. Cela dit, je n’ai pas apprécié ce que le directeur de l’AIEA a fait. Il a publié le rapport, donnant ainsi à Israël et aux États-Unis un prétexte pour attaquer, puis il a déclaré — après l’attaque, donc trop tard — qu’il n’y avait aucune preuve que l’Iran poursuivait un programme visant à fabriquer une arme nucléaire. Cela aurait très bien pu être inclus dans le rapport. Donc, lorsque l’Iran affirme que l’AIEA a été complice de l’attaque ou qu’elle l’a facilitée, je pense que c’est exact [il nous semble donc qu’il y a tout lieu de croire que l’AIEA n’est pas sincère, et que l’Iran a d’excellentes raisons de ne plus collaborer avec l’agence].

Quoi qu’il en soit, il semble plausible que l’Iran ait procédé à un enrichissement non déclaré à l’AIEA, ou qu’il ait tenté de le dissimuler — qu’il ait, comme on dit, « assaini » les lieux, c’est-à-dire qu’il ait détruit certaines preuves. Oui, je pense que toutes ces choses sont plausibles.

Cela dit, il faut être clair sur les faits fondamentaux. Tout d’abord, tout le monde viole le Traité de non-prolifération nucléaire. Tout le monde aime citer la partie qui dit que les États non dotés de l’arme nucléaire, signataires du traité, ne sont pas autorisés à fabriquer de telles armes. Ils sont autorisés à utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Mais il y a une autre partie du traité que tout le monde semble oublier. L’article VI stipule que les puissances nucléaires doivent éliminer leurs armes. Elles doivent négocier de bonne foi pour parvenir à cette élimination.

  • Note : « Chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. » (Article VI du TNP)

La plupart des gens haussent les épaules en disant : « Oui, bon, ce n’est pas vraiment faisable. » Je suis désolé, mais c’est ce que dit le traité — l’article VI.

En 1996, la Cour internationale de justice a rendu un avis consultatif majeur. La question posée était : la menace ou l’emploi d’armes nucléaires est-il légal en droit international ? Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je vais aller droit à la conclusion : la CIJ — la Cour internationale de justice — dit qu’il doit y avoir des négociations de bonne foi pour éliminer les armes nucléaires. Le TNP, Traité de non-prolifération, a été signé en 1968. Nous sommes en 2025. Je pense que cela fait un bon bout de temps. Et si ces armes n’ont toujours pas été éliminées — quand je dis ces armes, je parle des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de la Russie et de la Chine — je ne pense pas que le Pakistan et l’Inde soient signataires du TNP, mais ces cinq-là avaient l’obligation de le faire. Ils ne respectent donc pas le traité. Alors, qui sont-ils pour faire la leçon à l’Iran sur une prétendue violation du TNP, alors qu’eux-mêmes le violent ?

Le deuxième point — je vais vous donner une anecdote historique, ce n’est pas vraiment une analogie — puisque quelqu’un a mentionné que sur mon écran d’ordinateur s’affichait le professeur Chomsky. Je vais vous raconter une petite histoire. D’accord, vous êtes bien trop jeunes pour vous en souvenir, mais après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu une affaire très célèbre aux États-Unis concernant deux personnes : Julius et Ethel Rosenberg, et un autre nommé Morton Sobell. Ils étaient accusés d’avoir transmis aux Russes des secrets relatifs à la bombe atomique, d’accord ? Ils ont été accusés d’avoir volé des informations à Los Alamos, où la bombe avait été conçue, et de les avoir transférées aux Russes — ou plutôt aux Soviétiques à l’époque.

C’est devenu une grande cause pour la gauche, car Ethel et Julius Rosenberg avaient été membres du Parti communiste. Ils l’avaient quitté, mais ils en avaient fait partie. C’est devenu une immense affaire — « Sauvez les Rosenberg ! » Les Rosenberg ont finalement été exécutés.

Tout le monde à gauche croyait en leur innocence. Et le professeur Chomsky, qui est un homme de gauche, et moi avons eu de nombreuses discussions à ce sujet. Il a dit : « Vous savez, je pense qu’ils étaient coupables. » Il s’est avéré qu’il avait moitié raison, moitié tort. Ethel Rosenberg était innocente. Julius Rosenberg avait effectivement fait de l’espionnage, mais à un niveau très bas — rien à voir avec la bombe atomique — un espionnage de faible envergure.

Pourquoi est-ce que je raconte cette histoire ? Vous vous demandez sans doute pourquoi je remonte 75 ans en arrière à propos de l’affaire Rosenberg ? Voici pourquoi. Personne ne remettra jamais en cause, je crois, le jugement moral ou la clairvoyance politique du professeur Chomsky. À mon avis, il est d’une classe à part — et je pense que beaucoup de gens seraient d’accord. Et il m’a dit à plusieurs reprises : « Je pense qu’ils étaient coupables, et je pense qu’ils ont bien fait. »

Il m’a dit : « Imaginez le monde après la Seconde Guerre mondiale si les États-Unis avaient eu le monopole des armes nucléaires. Cela aurait été une catastrophe. Nous savons comment les États-Unis se comportent même sans le monopole. »

Partant de là, je pense que concernant l’Iran, il y a deux possibilités. La première : comme vous le savez peut-être, plusieurs régions du monde ont été déclarées zones exemptes d’armes nucléaires. Il y a le traité de Tlatelolco pour l’Amérique latine, le traité de Rarotonga pour le Pacifique Sud, et un autre pour l’Afrique. Les régions locales ont décidé : « Nous déclarons ces zones sans armes nucléaires. Aucun pays de cette région ne peut en acquérir. »

Depuis des décennies, une proposition est sur la table : faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires, à l’image de l’Amérique latine, du Pacifique Sud et de l’Afrique. C’est une option. L’Iran a accepté cette option. Il n’y a qu’un seul pays qui refuse : Israël. Il y avait donc bien la possibilité de transformer le Moyen-Orient en une zone exempte d’armes nucléaires — et nous n’aurions pas toutes ces discussions aujourd’hui.

Journaliste : Permettez-moi donc de vous demander, professeur : si Israël renonçait à ses armes nucléaires non déclarées, pensez-vous que l’Iran renoncerait à ses objectifs ?

Norman Finkelstein : Nous ne parlons pas ici de foi. Ce n’est pas une affaire de foi. Tout le monde cite aujourd’hui l’AIEA, n’est-ce pas ? On dit que l’AIEA a déclaré que l’Iran avait triché sur certains aspects de son programme nucléaire. Eh bien, si vous la citez, c’est que vous croyez que les inspections fonctionnent. Vous croyez que l’AIEA est compétente pour les mener. Alors, quel est le problème ? Ce n’est pas un acte de foi, c’est une question de vérification.

Les inspecteurs avaient-ils raison à propos de l’Irak avant 2003, lorsqu’ils ont déclaré qu’il n’y avait pas d’armes nucléaires ? Pas d’armes de destruction massive ? Il s’est avéré qu’ils avaient raison. Cela signifie que les inspections peuvent fonctionner — et qu’elles fonctionnent. Dans ce cas, ce n’est pas une question de faire confiance à l’Iran.

Et à propos de confiance, avez-vous une idée de la manière dont Israël a acquis ses armes nucléaires ? Est-ce que cela s’est fait dans la transparence et la bonne foi ? Il existe un livre d’Avner Cohen intitulé The Bomb in the Basement. Il y détaille — avec minutie — toutes les manigances, l’espionnage, les pratiques douteuses auxquelles Israël a eu recours pour obtenir la bombe. Donc ce n’est pas comme si le dossier d’Israël était sans tache, au point qu’on puisse lui faire plus confiance qu’à l’Iran. Personnellement, je ne pense pas qu’on puisse faire confiance à quelque État que ce soit.

Journaliste : Alors que pensez-vous, professeur, que ferait l’Iran d’une arme nucléaire s’il en possédait une ?

Norman Finkelstein : Je pense qu’il l’utiliserait comme moyen de dissuasion. Parce que je ne crois pas que ce soit un État suicidaire. Ils savent parfaitement que s’ils l’utilisaient, ils seraient incinérés en une fraction de seconde. Donc ils ne l’utiliseraient pas — mais ce serait un moyen de dissuasion.

Journaliste : Pourquoi pensez-vous que les États-Unis — si je puis dire — tolèrent autant Israël, alors qu’il a utilisé des subterfuges pour obtenir ses armes nucléaires ? Alors qu’il bafoue souvent le droit international ? Pourquoi les États-Unis le tolèrent-ils autant ?

Norman Finkelstein : C’est une des vieilles questions : est-ce le chien qui remue la queue, ou la queue qui remue le chien ? Je pense que c’est évidemment un peu des deux. Prenons la situation actuelle. La priorité pour le président Trump, c’est l’accord avec l’Arabie saoudite. Il ne cesse de l’appeler « l’accord du siècle ». Pour les Saoudiens, ce serait avantageux de désarmer l’Iran, de le neutraliser. Donc cela sert un intérêt des États-Unis. Cela sert un intérêt américain au sens large, et cela sert aussi un intérêt personnel de Trump — il veut cet accord avec l’Arabie saoudite. Il y a donc cet aspect.

Et il y a aussi, à mon avis, le rôle du lobby israélien. C’est indiscutable. Je pense que c’est un mélange. Il est difficile de départager ce qui relève des intérêts nationaux américains et ce qui relève des intérêts israéliens.

Si l’on prend le cas de Gaza, évidemment, Israël avait son propre intérêt à vouloir « régler » la question. Mais les États-Unis y avaient aussi un intérêt très clair : ils comptent sur Israël pour terroriser, maintenir l’ordre, soumettre et dominer le Moyen-Orient.

Le 7 octobre a semblé révéler une réelle faiblesse dans les services de renseignement israéliens, et dans leur technologie militaire. Cela a révélé une faiblesse majeure. Et de toute évidence, après le 7 octobre, beaucoup d’Arabes se sont mis à penser : « Peut-être qu’Israël n’est pas aussi invincible que nous le pensions. Peut-être que cette armée hétéroclite du Hamas peut battre Israël — si même le Hamas y est parvenu. » L’idée commence donc à germer dans le monde arabe qu’il existe peut-être, après tout, une option militaire contre Israël.

Et pour les États-Unis, cela signifie que leur principal relais régional de la puissance américaine doit être restauré. Leur capacité de dissuasion doit être rétablie. Les États-Unis, dans leur propre intérêt, ont donc été très satisfaits de voir Israël anéantir Gaza. Cela envoie le message suivant : « Si vous avez ne serait-ce qu’une idée d’une option militaire contre Israël, regardez Gaza — ou ce qu’il en reste. »

Journaliste : Permettez-moi de vous demander — avec tout ce qui s’est passé depuis notre dernier entretien, il y a environ un an — dans quelle mesure pensez-vous que la position d’Israël dans le monde, sa réputation, peut-être même auprès des États-Unis, où Donald Trump a déclaré qu’il était très en colère contre le Premier ministre Netanyahou et contre Israël en général… Dans quelle mesure cette réputation a-t-elle été entachée, à la fois pour le pays et, bien sûr, pour le Premier ministre Netanyahou ?

Norman Finkelstein : Je pense que c’est une question difficile, parce qu’il faut distinguer entre un préjudice temporaire et un préjudice durable. Vous êtes assez âgés pour vous souvenir de l’opération « Plomb durci », en 2008-2009. Cette opération avait provoqué d’énormes manifestations dans le monde entier. Énormes. Et si vous vous souvenez, Israël se trouvait alors dans une position très délicate après que Richard Goldstone — le juriste sud-africain, juif et, selon ses propres termes, sioniste — a publié ce rapport dévastateur sur ce qu’Israël avait fait à Gaza. Vous vous souvenez peut-être qu’il y avait eu des craintes que Tzipi Livni soit arrêtée à l’aéroport de Londres, en vertu de ce qu’on appelle la compétence universelle.

Pourquoi est-ce que j’en parle ? Parce que plus personne ne se souvient de l’opération « Plomb durci ». Elle est complètement tombée dans l’oubli. Alors, est-ce que l’horreur actuelle aura un impact durable, ou bien est-ce qu’elle se révélera n’avoir qu’un effet passager…

Je peux dire — je me souviens que, pour ma génération, en grandissant — l’expérience politique fondatrice, c’était la guerre du Vietnam. Et aujourd’hui, le Vietnam est l’un des principaux alliés des États-Unis en Asie.

Journaliste : C’est intéressant, parce qu’on entend des spéculations selon lesquelles Benjamin Netanyahou souhaite entretenir les conflits, maintenir la tension, garder les choses instables, pour éviter d’être poursuivi pour les différentes accusations qui pèsent contre lui — et aussi, bien sûr, pour se maintenir au pouvoir. Que pensez-vous de ce genre de lecture ?

Norman Finkelstein : Vous savez, je suis très sceptique face à ces arguments, pour une raison très simple : il y a un consensus total dans tout le spectre politique israélien sur le fait d’anéantir Gaza, et sur l’adhésion aux attaques contre l’Iran et le Hezbollah. De toute évidence, ce genre de focalisation sur Monsieur Netanyahou, comme s’il était la source du problème — je pense que c’est complètement à côté de la plaque.

Tous les deux ou trois ans, on entend les mêmes prédictions : « Le mandat de Netanyahou est fini, c’est terminé, c’est la fin. » Je veux dire, on pourrait probablement remplir un livre entier avec ces prédictions, d’accord ? Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Netanyahou est le miroir, l’incarnation, la personnification de la société israélienne.

Journaliste : L’ensemble de cette société ?

Norman Finkelstein : C’est un suprémaciste juif odieux et imbu de lui-même. Un suprémacisme juif odieux et imbu de lui-même.Quand les Israéliens voient Monsieur Netanyahou, ils se voient eux-mêmes. C’est pourquoi il continue à gagner les élections.

Journaliste : Mais, pardon, qu’en est-il des manifestations contre lui ?

Norman Finkelstein : Les protestations contre lui concernent des choses comme la séparation entre la religion et l’État en Israël, la préservation de l’indépendance prétendue du pouvoir judiciaire, ou encore la gestion des otages. Mais ce n’est pas de cela que nous parlons ici. J’ai dit que sur les questions de Gaza et de l’Iran, il y a un consensus large.

Si vous regardez les sondages — prenez juste ceci — les Israéliens sont probablement les personnes les plus sondées au monde. Chaque matin, on doit savoir ce que pensent les Israéliens. C’est soi-disant crucial pour l’avenir de l’humanité de savoir chaque matin si un Israélien a mangé un œuf ou deux œufs — et s’il s’agissait d’un œuf à la coque ou d’une omelette. Vous voyez, tout ce qui concerne les Israéliens fait l’objet de sondages, parce que c’est tellement important… Et que disent les sondages ?

Pendant 20 mois, parmi les Juifs israéliens, 95 % estimaient qu’Israël utilisait une force insuffisante ou assez de force à Gaza. Seulement 5 % pensaient qu’Israël utilisait trop de force. Ok ? Un sondage mené il y a environ un mois a montré que la moitié des Israéliens Juifs — 47 %, soit la moitié des israéliens — estimaient qu’Israël devait commettre un génocide à Gaza. La question ne comportait aucune ambiguïté. Pas besoin d’ouvrir un dictionnaire pour analyser la définition du mot « génocide ». Voici la question qui a été posée aux Juifs israéliens : « Pensez-vous que lorsque les Forces de défense israéliennes conquièrent une ville, elles doivent tuer tous ses habitants ? » C’était ça, la question. Et 47 % des Juifs israéliens ont répondu : oui.

Un autre sondage, réalisé il y a deux ou trois semaines, posait la question suivante : « Pensez-vous qu’il existe des innocents — des civils à Gaza, des civils innocents à Gaza ? » Ce sondage portait sur l’ensemble des Israéliens, y compris les citoyens arabes d’Israël. 63 % ont répondu : « Non, il n’y a pas d’innocents à Gaza. » Si l’on exclut la composante arabe, environ 70 % des personnes interrogées affirment qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza — ce qui revient à dire que l’armée peut tuer tout le monde.

Alors, avez-vous vu la moindre dissidence significative au sein de l’élite dirigeante israélienne concernant la politique d’anéantissement de Gaza ? Un seul Israélien — qu’il soit en fonction, hors du pouvoir, ou dans l’opposition — a-t-il dit : « Non, je pense qu’il est moralement répréhensible d’anéantir Gaza » ? Personne n’a dit cela.

Quelqu’un a-t-il dit : « Non, je ne pense pas qu’il était juste de violer le droit international et d’attaquer l’Iran » ? Quelqu’un l’a-t-il dit ?

Maintenant, il y a un haut responsable du renseignement de l’administration Obama — le plus haut placé. Il a déclaré que l’attaque contre le Hezbollah, l’attaque par bipeurs & talkie-walkie, était, selon ses propres termes, du terrorisme pur. C’est ce qu’il a dit : c’était du pur terrorisme. Quelqu’un, dans l’élite dirigeante israélienne, a-t-il dit : « Oh, c’était terrible. C’était du pur terrorisme » ? Non. [Les médias occidentaux, y compris français, étaient béats d’admiration face à ce qu’on ne peut que qualifier de plus grand attentat terroriste depuis le 11 septembre, parce que l’auteur était Israël.]

Illustration 2

Au sujet de l’attaque terroriste de masse contre les bipeurs et talkie-walkie du Hezbollah, voilà ce que l’on pouvait lire sur cet article de Joseph Confavreux et Gwenaelle Lenoir sur Mediapart, avant que le texte soit édité sans aucune indication aux lecteurs. Qui doute que quiconque qualifierait le 7 octobre « de coup de génie tactique du Hamas » serait non seulement banni de Mediapart pour plusieurs siècles, mais inculpé pour apologie du terrorisme ?

Journaliste : Pensez-vous cependant que les Israéliens voient les images des conditions à Gaza — les enfants affamés, l’ampleur de la destruction totale de l’endroit ?

Norman Finkelstein : Je veux dire, j’apprécie vos questions — ce n’est pas dirigé contre vous — mais ces questions en elles-mêmes témoignent d’un haut degré de ce qu’on pourrait appeler de la naïveté [parlons plutôt de servilité, car les journalistes sont tenus au silence voire à l’apologie face aux crimes d’Israël].

Tout d’abord, le chef de l’opposition en Israël a déclaré, je cite : « Nos FDI tuent des enfants par passe-temps. » Il était chef de l’opposition — Yair Golan. Il a dit : « Tout le monde le sait. »

Rappelons qu’Israël a une armée de conscription. En principe, une armée de citoyens, c’est une bonne chose. Cela signifie que chacun doit assumer la charge de risquer sa vie pour défendre l’indépendance d’un pays, et ainsi de suite. En principe, c’est juste. Vous savez, dans notre pays, seuls les pauvres font cela — nous n’avons pas d’armée de conscription. Donc je pense que c’est une bonne chose que tout le monde doive porter le fardeau du sacrifice.

Mais il y a un revers. Le revers, c’est que si vous avez une armée représentative de toute la population — d’accord ? c’est une armée de citoyens — et que cette armée commet un génocide, alors cela signifie qu’un échantillon représentatif de la société israélienne est en train de commettre un génocide. Comment pourraient-ils ne pas savoir ? Israël est un petit pays. Il est très tribal. Ils font tous front dans les moments de crise, n’est-ce pas ?

Vous êtes en train de me dire que tous ces soldats israéliens ne publient pas sur Internet ce qu’ils font à Gaza ? Ils le font. Et s’ils le font, c’est qu’ils ne craignent pas d’être ostracisés. On ne se vante pas d’anéantir des villes si l’on a peur de l’ostracisme. Vous me dites que lorsque les conscrits rentrent chez eux, ils ne disent rien à personne sur ce qui se passe à Gaza ?

Israël est, par habitant, le pays qui utilise le plus Internet sur notre planète. Ils n’ont pas vu ces images de famine ? Ils n’ont pas vu les enfants recroquevillés contre des marmites, quémandant de la nourriture ? Ils ne voient rien ? Est-ce plausible ? Est-ce crédible ? Est-ce croyable ?

Bien sûr qu’ils le savent. Bien sûr qu’ils savent que des médecins rapportent que des enfants sont systématiquement abattus d’une balle dans la tête et dans la poitrine. Ce sont des médecins étrangers qui le rapportent. Les Israéliens ne le savent pas ? Bien sûr que si.

Voir A Gaza, « un nombre incroyable d'enfants abattus d'une balle dans la tête »

Journaliste : Compte tenu du fait que ces objectifs ou tendances génocidaires sont, comme vous le dites, exprimés ouvertement, y a-t-il une chance qu’Israël et Benjamin Netanyahou soient jugés devant la Cour internationale de justice — ou la Cour pénale internationale ?

Norman Finkelstein : La Cour pénale internationale a inculpé Israël, non pas pour génocide, mais pour divers crimes de guerre, notamment pour avoir utilisé la famine comme arme de guerre. Seront-ils poursuivis ? Je dirais que la probabilité est nulle. Il a fallu assez de temps à Karim Khan pour formuler les accusations, et je ne vois pas…

La CPI n’est pas un tribunal. La CPI — la Cour pénale internationale — n’est qu’un instrument occidental conçu pour poursuivre les pays non occidentaux et les maintenir dans le rang. Pendant longtemps, la CPI (ICC en anglais) a été surnommée la « Cour Internationale Caucasienne » parce que toutes les poursuites étaient engagées contre des Africains — des dirigeants africains. C’est devenu un peu embarrassant sous Luis Moreno Ocampo. Alors ils ont nommé Fatou Bensouda, une femme africaine, pour faire le sale boulot. C’était une vendue totale.

Journaliste : Ce sont vos opinions, en fait.

Norman Finkelstein : Eh bien, j’ai écrit un livre à ce sujet, et j’en ai maintenant écrit un deuxième. Le premier livre s’intitulait J’accuse, consacré à Fatou Bensouda. Et dans quelques mois, je publierai un nouveau livre intitulé Les fossoyeurs de Gaza : une enquête sur la corruption en haut lieu, dans lequel je passe en revue le dossier de Bensouda et de plusieurs autres personnes.

Norman Finkelstein : Un très éminent avocat international — dont je ne peux pas révéler le nom car cela lui causerait du chagrin — a déclaré : « Ce n’est pas un tribunal. C’est simplement un artifice de l’Occident pour garder les autres — les non-Occidentaux — dans le droit chemin. »

La CIJ, c’est une autre histoire — la Cour internationale de justice. Comme vous le savez, en janvier 2024, le 26 janvier, elle a estimé qu’il était plausible qu’Israël commette un génocide à Gaza. Mais il s’agissait d’audiences préliminaires. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques. L’affaire n’a pas encore été entendue — l’affaire n’a pas encore été instruite dans son intégralité.

Je pense qu’il y a une possibilité raisonnable. Tout dépend réellement de la composition de la Cour, parce que c’est une Cour fondée sur les États-nations. Qui sera le président ? Qui siégera à la Cour ?

Actuellement, c’est une véritable vendue qui occupe le poste de vice-présidente de la Cour : Julia Sebutinde, originaire d’Ouganda. Dans mon prochain livre, je lui consacre un chapitre de 100 pages. C’est une escroquerie complète et totale. Tout le monde le sait — mais les gens ont peur de le dire, parce qu’elle est la première femme africaine à siéger à la Cour.

Alors, vous savez, à cause du « wokisme », vous n’avez pas le droit de traiter une femme d’escroc — encore moins une femme de couleur. Eh bien, devinez quoi ? C’est une femme, c’est une femme de couleur, et c’est une escroc colossale. Julia Sebutinde est actuellement vice-présidente de la Cour internationale de justice.

Et il y a quelques autres personnes comme M. Tomka, le juge Tomka de Slovaquie, le juge Aurescu de Roumanie, que l’on pourrait qualifier d’escrocs de second rang. Mais il y a une phalange de personnes à la Cour qui (A) estiment qu’il existe des preuves plausibles de génocide, et (B) — et c’est important — en janvier, puis en mars, puis en mai, la Cour a émis ce qu’on appelle des « mesures provisoires ».

C’est juste un terme pompeux pour dire : nous avons dit à Israël qu’il existait des preuves selon lesquelles vous commettez un génocide, donc vous devez faire A, B, C et D pour empêcher ce génocide. D’accord ? Vous devez autoriser l’aide humanitaire. Vous devez dire à votre armée d’arrêter de se comporter de cette manière.

Israël a ignoré toutes les mesures provisoires. Et cela doit irriter la Cour. Elle ne peut pas apprécier que cet organe auguste — le plus haut organe juridique du monde, la Cour internationale de justice — ait formulé à trois reprises, en janvier, mars et mai, des mesures provisoires, et qu’Israël les ait ignorées.

Je pense donc qu’il y a de bonnes chances qu’ils déclarent Israël coupable d’avoir violé la Convention sur le génocide de 1948.

Journaliste : Si elle est dirigée — ou du moins peuplée — par ces membres que vous qualifiez d’escrocs, quelle est la perspective d’obtenir une véritable justice internationale ? Où cela laisse-t-il le monde ?

Norman Finkelstein : Comme je l’ai dit, la Cour pénale internationale est une cause perdue. Karim Khan est pitoyable. Je pense que c’est assez évident.

Journaliste : Mais il a pris des risques. Pour les spectateurs — je ne veux pas qu’il y ait de confusion — Karim Khan est le procureur général de la Cour pénale internationale.

Norman Finkelstein : Il a pris des risques parce que la situation devenait absurde. Ils ont réagi en un clin d’œil après l’entrée de la Russie en Ukraine. La CIJ — la Cour internationale de justice — avait conclu qu’Israël commettait vraisemblablement un génocide, et la Cour pénale internationale ne faisait rien. Elle perdait donc toute sa crédibilité.

Alors la pression monte de l’intérieur. Il y a, au sein de la CPI — je l’ai étudiée de près — beaucoup de gens intègres qui travaillent dans l’administration de la Cour. Beaucoup de gens honnêtes. Donc il y a une pression interne, et aussi une pression exercée de l’extérieur sur la Cour. Donc oui, il a fini par faire quelque chose.

Comme vous le savez — je ne veux pas entrer dans les aspects triviaux — mais le moment où il a décidé d’émettre les mandats d’arrêt n’était pas clair, parce qu’il était sous le coup d’accusations de harcèlement sexuel.

Et il y a beaucoup de spéculations — j’ai parlé à des gens de la Cour — qui disent que oui, le timing était probablement lié aux accusations de harcèlement sexuel qui pesaient sur lui. Cela dit, cela ne change rien au fait qu’il existait déjà un dossier très solide montrant qu’Israël commettait des crimes d’une ampleur considérable à Gaza.

Journaliste : J’aimerais connaître votre point de vue sur un autre sujet qui a aussi été évoqué. L’Afrique du Sud est considérée comme assez courageuse pour avoir affronté Israël en saisissant la CIJ dans l’affaire du génocide. Certains pensent que l’Afrique du Sud est désormais devenue une cible pour les États-Unis, et que toute cette affaire des fermiers blancs est un moyen de punir l’Afrique du Sud. Qu’en pensez-vous ?

Norman Finkelstein : Tout d’abord, si je faisais partie de la délégation sud-africaine, je serais terrifié s’il y avait ne serait-ce qu’un seul squelette dans mon placard. Vous connaissez ces gens, à commencer par le doyen, John Dugard. Je connais le professeur Dugard — un homme vraiment impressionnant. Il a 89 ans, et il avait une démarche hésitante en montant à la tribune. Je ne veux pas chanter ses louanges parce que cela pourrait sembler flagorneur, et ce n’est pas dans ma nature. Mais il a été l’avocat de la famille de Nelson Mandela lorsque celui-ci était en prison. Il a été l’avocat de l’évêque (Desmond) Tutu. Et c’est un Sud-Africain blanc.

J’aurais dû le préciser — c’est un Sud-Africain blanc. Les Israéliens l’ont toujours eu dans leur ligne de mire parce qu’il était rapporteur spécial des Nations Unies pour les territoires occupés. Et si vous lisez ses rapports, ils sont très méticuleux. Ils sont très impressionnants. Alors je me dis : ce type a dû être un saint dans sa vie — un véritable saint — car sinon, les Israéliens l’auraient détruit. Et c’est une délégation importante, comme vous vous en souvenez. Je crois qu’elle compte environ sept personnes. Et jusqu’à présent, il n’y a eu aucune faille.

J’ai parlé avec l’ancien ambassadeur sud-africain aux États-Unis, Ibrahim Rasool, lors d’un séjour récent en Afrique du Sud. Il m’a dit que l’idée était que l’Afrique du Sud se sentait obligée, après avoir traversé l’apartheid, après avoir été témoin d’extrêmes en matière d’oppression des peuples, de se lever, de soutenir l’idée d’une diplomatie authentique et de prendre la parole.

Bien sûr, il a été expulsé des Etats-Unis (par l’administration Trump). Il semble donc qu’il y ait au moins les prémices d’un mouvement qui pourrait remettre en cause l’ordre mondial de cette manière. C’est un pas, mais c’est long...

Il y a une fois, un ancien chef du Parti communiste chinois a déclaré — dans l’histoire de la Révolution chinoise, il y a la célèbre histoire de la Longue Marche, qui faisait, je crois, 6 000 miles — lorsque les communistes chinois étaient encerclés par les forces nationalistes. Et Mao Zedong a prononcé une phrase célèbre : pour parcourir — je crois que c’est 8 000 li, si ma mémoire est bonne — pour parcourir 8 000 li, il faut faire le premier pas. Et donc, l’Afrique du Sud l’a fait. Dans mon prochain livre, je consacre une large partie de l’introduction à rendre hommage à la délégation sud-africaine. Je l’ai envoyée au professeur Dugard, et il a trouvé que j’en faisais trop. Mais en réalité, c’était un moment captivant.

J’étais assis devant mon écran d’ordinateur et je regardais. Je l’ai montré à ma classe parce que je donnais un cours sur les lois de la guerre. C’était un moment fort — pas juste une affaire judiciaire — parce que la délégation sud-africaine était véritablement une délégation arc-en-ciel. Il y avait de vieux hommes blancs comme John Dugard et le professeur Low — je crois qu’il vient d’Oxford. Il y avait des hommes africains. Un homme sud-africain. Une femme indienne sud-africaine. Et aussi des hommes blancs sud-africains. Mais c’était une belle — une très belle projection de l’avenir.

Voir notre traduction intégrale de la plaidoirie de l’Afrique du Sud à la CIJ : le comportement génocidaire d'Israël à Gaza et les intentions génocidaires d'Israël à Gaza

Journaliste : C’est donc un premier pas, un peu comme la victoire de Zohran Mamdani. Je vais vous interroger là-dessus dans un instant. Mais revenons à ce qui se passe actuellement. Donald Trump a déclaré qu’il ne voulait pas d’un changement de régime en Iran parce qu’il ne voulait pas que tout vire au chaos — je suppose qu’il parlait d’un changement de régime dans la région. Beaucoup de gens ont une lecture historique de cela, avec tout ce qui s’est passé, vous savez, les tentatives avec la Syrie, l’Irak, etc. Le changement de régime n’a pas vraiment un bon bilan au Moyen-Orient, n’est-ce pas ?

Norman Finkelstein : Vous savez, il m’est difficile d’évaluer cela. Tout d’abord, je déteste les euphémismes. Ce n’est pas un « changement de régime ». C’est le renversement d’un gouvernement. Soyons honnêtes. Vous savez, « changement de régime », ça sonne tellement aseptisé. En agissant ainsi, vous vous engagez dans l’illégalité — dans la violation la plus flagrante de la Charte des Nations Unies (le crime d’agression). Et nous devrions être honnêtes à ce sujet.

Il a fallu beaucoup de temps à Kofi Annan — je pense qu’il n’était déjà plus en poste. Kofi Annan, pour les auditeurs — parce que le temps passe — a été Secrétaire général de l’ONU lors de l’invasion de l’Irak par les États-Unis (en 2003). Il a fini par déclarer, je crois après sa retraite, que c’était une guerre illégale. Il ne voulait pas le dire pendant que la guerre avait lieu. C’était trop difficile à dire à l’époque ? Eh bien, vous savez, si c’est trop difficile à dire... Le Mahatma Gandhi a dit que le mot le plus puissant de la langue anglaise, c’est « Non ». Vous pouviez démissionner. Si vous restez silencieux — personne ne mettait un pistolet sur la tempe de M. Kofi Annan.

Personne ne pointait non plus une arme sur la tempe du directeur de l’AIEA lorsqu’il a gardé le silence — qu’il n’y avait aucune preuve que l’Iran menait un programme de fabrication d’armes nucléaires. Je n’accepte donc pas l’argument « c’était difficile ». Vous avez toujours la possibilité de vous retirer et de ne pas accomplir le sale boulot par votre silence. Vous avez cette option.

Quoi qu’il en soit, je n’aime pas ce langage aseptisé comme « changement de régime ». Vous êtes dans une violation grotesque, effrontée et scandaleuse de la Charte des Nations Unies. Et nous devrions simplement le dire tout haut. Ce n’est pas un changement de régime — c’est le renversement d’un gouvernement.

Quant au bilan (de ces changements de régime), vous savez, je pense… Est-ce que beaucoup de gens se soucient du fait que la Libye a été détruite en tant que pays ? Est-ce que beaucoup de gens se soucient du fait que la Syrie a été détruite en tant que pays ? Est-ce que beaucoup de gens au pouvoir se soucient vraiment de la destruction de l’Irak en tant que pays ? Je ne pense pas qu’ils s’en soucient le moins du monde (en effet, si, pendant les opérations de renversement de régime, les journalistes nous inondent de leurs larmes de crocodile, lorsque le sale boulot au service des Etats-Unis et d’Israël est fait, elles s’en moquent complètement, au point que c’est à des blogeurs qu’incombe, par exemple, de rapporter l’esclavage sexuel et les massacres que subissent les Alaouites en Syrie sous le nouveau régime).

Journaliste : Un détail un peu étrange, Professeur : on a parlé du prix Nobel de la paix. Bien sûr, Barack Obama a reçu le prix Nobel de la paix — de manière très controversée dans certains cercles — en 2009, lorsqu’il est devenu président.

Norman Finkelstein : C’est juste une question de « wokisme ». Tout le monde veut montrer à quel point il est « woke », et lui, c’est le grand bénéficiaire de ce wokisme.

Journaliste : Et Donald Trump alors ? Il semble qu’il ait les yeux rivés dessus. S’il parvenait à résoudre, disons, la situation entre l’Iran et Israël — ou disons, entre les Palestiniens et Israël — mériterait-il un prix Nobel de la paix ?

Norman Finkelstein : Écoutez, Henry Kissinger a eu le prix Nobel de la paix. C’est probablement l’un des… vous savez, il figure certainement parmi les cinq plus grands meurtriers de masse du XXe siècle. Menachem Begin a eu un prix Nobel de la paix — un meurtrier de masse. Et la liste continue. J’ai déjà oublié les autres.

Journaliste : Je dois préciser que vous donnez toujours votre opinion. C’est votre point de vue. Il est plutôt tranché.

Norman Finkelstein : Eh bien, si vous avez déjà lu, par exemple, un très gros livre de Seymour Hersh. Il s’intitule The Price of Power: Henry Kissinger and the Nixon White House (Le prix du pouvoir : Henry Kissinger et la Maison-Blanche de Nixon). Il fait environ 800 pages. Et je pense qu’il est juste de dire — qu’à peu près à chaque page, un millier de personnes de plus sont mortes à cause de Kissinger.

Vous savez, ce n’est plus à la mode de le dire — le professeur Chomsky appelait Henry Kissinger, dans les années 60, le « docteur de la mort ». Quatre millions de personnes ont été tuées en Asie du Sud-Est par les États-Unis. Ce n’est pas rien. Deux millions de Vietnamiens. Mais c’était une horreur — l’expérience politique déterminante d’une génération entière.

Journaliste : Donc, le prix Nobel de la paix n’a aucune valeur à vos yeux ?

Norman Finkelstein : Il semble plutôt efficace pour désigner les principaux meurtriers de masse de chaque génération. Je n’y accorde donc aucune importance.

Journaliste : Le monde est-il en train de se prosterner devant Donald Trump ? On dirait — je veux dire, il était à l’OTAN, et le secrétaire général de l’OTAN, le chef néerlandais actuel de l’OTAN — vous savez, l’a qualifié de « papa » venu régler un conflit entre deux frères, peut-être entre l’Iran et Israël. Vous savez, ces références à lui comme un « papa » et ce ton, cette manière dont les gens semblent désireux de le satisfaire, d’apaiser ses inquiétudes. Est-ce que — je veux dire — le monde est-il en train de s’incliner devant Donald Trump ?

Norman Finkelstein : Écoutez, c’est un personnage erratique. C’est un personnage excentrique. Il est très difficile de… c’est un narcissique. Et donc tout est — tout dépend de son ego.

Journaliste : Mais comme il n’est pas un politicien, certains disent qu’il pourrait en fait accomplir des choses que l’ancienne garde ne pourrait pas.

Norman Finkelstein : Je pense que c’est un peu ridicule. Il existait des moyens faciles — des solutions évidentes — pour résoudre, par exemple, le conflit israélo-palestinien. Ce sont les États-Unis qui ont fait obstacle. Les États-Unis ont bloqué le processus. Ils ont soutenu l’opposition d’Israël à un État palestinien indépendant. Je parle ici d’un objectif qui remonte, croyez-le ou non, aux années 1970. L’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, avait déjà donné son accord. Une solution est sur la table depuis un demi-siècle.

Journaliste : Peut-être que quelqu’un qui n’est pas politiquement issu du sérail pourrait avoir une certaine influence. Vous ne croyez pas ? S’il s’agit d’un franc-tireur dont ils ont peur, peut-être qu’ils devront se retirer et écouter un peu. Je lance juste l’idée. Elle ne vous paraît pas pertinente ?

Norman Finkelstein : Non, parce que M. Trump ne va pas dire à Israël de mettre fin à ses colonies. Il ne va pas dire à Israël de renoncer au contrôle de Jérusalem-Est. Il est possible que les Palestiniens soient forcés d’accepter un État croupion. C’est possible. Mais un État ayant une véritable substance ? Non. Mais cela vaut pour toutes les administrations. Cela n’a jamais été à l’ordre du jour. Et je pense que les gens sont hyper… Ecoutez, Trump est une menace. Je ne vais pas nier que Trump est une menace. Mais rappelons les faits. Qui a présidé au génocide de Gaza ? Était-ce Donald Trump ? Où ont eu lieu 90 % des morts et 90 % des destructions ? Est-ce que cela s’est produit sous Donald Trump ? Les attaques contre la liberté académique dans notre pays, l’écrasement des campements, les menaces d’expulsion à l’époque — est-ce que cela s’est produit sous Donald Trump ? Lorsque trois présidents d’universités de l’Ivy League ont été renversés, évincés parce qu’ils n’étaient pas assez répressifs envers les campements — est-ce que cela s’est produit sous Donald Trump ? Lorsque Claudine Gay a été limogée de Harvard, que Magill a été écartée de l’université de Pennsylvanie, que Shafik a été écartée de Columbia — est-ce que cela s’est produit sous Donald Trump ? (Non, c’est sous Biden que tout cela a eu lieu).

L’idée qu’il représente en quelque sorte un phénomène nouveau — oui, certains éléments de lui, vous savez... On peut imaginer Barack Obama — il lisait les briefings du matin, vous savez, ceux que lui fournissait la communauté du renseignement, d’accord ? On peut imaginer Biden — il ne les lisait pas parce qu’il n’en avait pas les capacités mentales — mais on peut supposer qu’Anthony Blinken, Tony Blinken, les lisait.

Dans l’administration Trump, Rubio les lirait ? Non. Trump les lirait ? N’y pensez même pas. Donc oui, il y a — appelons cela simplement un écart d’information entre Obama — euh, j’ai dit Obama, mais souvenez-vous qu’Obama se contentait de lire les briefings. Maintenant, juste en note de bas de page historique : Carter, Jimmy Carter, était époustouflant dans sa maîtrise des faits, peu importe la situation sur laquelle il s’exprimait. Si vous consultez les archives de Carter préparant ce qui fut le Camp David originel en 1977, avec Anouar el-Sadate et Menahem Begin, sa maîtrise du moindre détail était à couper le souffle.

Journaliste : C’est ironique que tant d’Américains ne se souviennent pas de lui comme d’un bon président, non ?

Norman Finkelstein : Oui. En réalité, il a été le président le plus compétent de l’époque moderne — avec Lyndon Johnson. Clinton — Clinton était un lecteur vorace. Il n’était pas aussi discipliné que Carter, mais il comprenait les politiques publiques. Il avait la concentration. La concentration.

Obama — il lisait les briefings quotidiens. Il n’était pas vraiment intéressé par la politique. C’était du pur narcissisme. C’est pour ça qu’Obama et Trump ne s’entendent pas. C’est ce que Freud appelait le narcissisme des petites différences. Ils sont le miroir l’un de l’autre. Ce sont deux narcissiques stupéfiants — Obama et Trump. Mais Obama lisait le briefing quotidien. Trump — rien.

Mais la vraie question, c’est : préférez-vous avoir dans le Bureau ovale quelqu’un d’hyper-compétent ou d’hyper-incompétent ? Je ne sais pas ce que je préfère. Je suis sûr que Tony Blinken était très efficace, très compétent, très bien informé — et vous savez quoi ? C’était un monstre moral. Un monstre moral.

Alors, est-ce que je préfère un Trump à un Blinken, ou un Blinken à un Trump ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si je veux quelqu’un d’hyper-compétent ou d’incompétent au pouvoir. Mais vous avez raison — Trump est tellement erratique qu’on ne peut vraiment pas prévoir ce qu’il va faire. C’est vrai.

Journaliste : Lui-même dit qu’il ne sait pas ce qu’il va faire.

Norman Finkelstein : Oui, C’était une remarque très drôle.

Journaliste : Est-ce que le monde universitaire se relèvera, Professeur, du coup qu’il a subi, comme vous l’avez décrit ? Il a été violemment attaqué. Je pense que c’est sans précédent. Pensez-vous qu’il pourra s’en remettre ? Et qu’est-ce que cela signifie pour les étudiants qui cherchent une forme de direction et de leadership à travers les institutions d’enseignement ?

Norman Finkelstein : Eh bien, en ce moment, c’est le règne de la terreur dans les établissements d’enseignement supérieur américains — les universités et les collèges. Un véritable règne de la terreur. J’ai lu les rapports sur l’antisémitisme à Harvard. C’est complètement bidon.

Journaliste : Nous en avions parlé la dernière fois, de la militarisation du terme.

Norman Finkelstein : Oui. Mais si vous regardez, le rapport est interminable. Je vais vous raconter une histoire amusante. J’ai lu le rapport une fois — je l’ai là, juste là. Je l’ai lu une première fois, il y a environ un mois et demi.

Et maintenant, je vais parler à New York avec deux personnes que je respecte beaucoup, le 17 juillet je crois, et je dois relire le rapport. Alors je m’assois — et il fait très chaud dans mon appartement parce que je n’ai pas de climatisation. Il faisait 40° hier. C’est impressionnant. Et la veille aussi. Donc je lis le rapport, et la façon dont j’avais organisé les pages — ce n’est pas la peine d’en parler.

Je suis donc à la page 131, 132, 133, 154 — et je ne me suis pas rendu compte que j’étais en train de le relire. Je l’avais lu la veille, mais je relisais la 131, la 132. C’est tellement ennuyeux.

C’est une espèce d’introspection cosmique : chaque pensée d’un étudiant juif à Harvard — chaque pensée doit être archivée pour l’éternité. Je m’en fiche complètement. D’accord, tu es intelligent. Je comprends. Tu es à Harvard. Tu es probablement très intelligent. Je ne le nierai pas. Mais tu sais quoi ? Tu as 20 ans. Je me fiche complètement de ce que tu penses sur quoi que ce soit. Vraiment.

D’accord, je sais qu’il y a des gens très intelligents à 20 ans. Je l’admets. Je reconnais Bach. J’écoutais sa musique même quand il avait six ans. Mozart à 20 ans. D’accord, je l’admets. Mais tu sais quoi ? Je n’ai vraiment rien à faire de chaque pensée angoissée d’un étudiant de Harvard qui se sent effrayé ou mal à l’aise ici.

Devine quoi ? 90 % de l’humanité vit dans la peur et l’inconfort à chaque minute de sa vie. Ils ont faim. Souvent, ils n’ont même pas de toit au-dessus de leur tête. Donc si quelqu’un a dit quelque chose au Harvard College qui t’a effrayé, qui t’a fait te sentir exclu — ce sont les mots qu’ils utilisent : « Nous nous sommes sentis non bienvenus, mal à l’aise, nous avons eu peur » — tu sais quoi ? Je m’en fiche complètement.

Journaliste : Mais quel est l’objectif de toutes ces attaques ?

Norman Finkelstein : L’objectif est très simple. Il s’agit de faire taire toute critique à l’égard d’Israël. C’était — c’était parfaitement évident — l’objectif.

Bill Ackman, qui est un ancien élève de Harvard, est marié à une pilote israélienne de l’armée de l’air. C’est une femme-trophée. Si vous juxtaposez les deux sur une photo, il n’est pas difficile de comprendre ce qui se passe. Je suis donc certain que sa femme — euh, je n’aime pas les euphémismes, mais vous voyez l’idée — l’a imploré, et que son amour était conditionné au fait qu’il serre la vis à Harvard.

Il a ainsi versé 50 millions de dollars à Harvard. C’est un gestionnaire de fonds spéculatifs, un milliardaire — Bill Ackman. Une autre personne avait versé 200 millions à Harvard. Une autre encore, 300 millions. C’est de l’argent.

Alors oui, Harvard a une dotation de 60 milliards de dollars — mais cela reste de l’argent. Et puis tous les anciens élèves juifs ont rédigé une pétition, à la dernière minute — c’était il y a un moment maintenant, il y avait environ 1 200 noms — je suis sûr qu’elle est beaucoup plus longue aujourd’hui — menaçant de suspendre les dons des anciens élèves. Donc — c’était une prise d’otage de Harvard. C’était de l’extorsion. Soit vous écrasez les campements (pro-palestiniens), soit vous ne recevrez pas l’argent des anciens élèves. Vous ne recevrez pas de contributions d’anciens élèves.

Et puis — c’est vrai encore — Trump est une menace. C’est vrai. Quand il est arrivé au pouvoir, il a élargi la cible. Au départ, la cible, c’était les campements, les programmes d’études sur le Moyen-Orient à Harvard. Il y avait des voix favorables à l’école de médecine de Harvard, à l’école de théologie, à l’école de santé publique. Ces programmes ont fait l’objet d’attaques concertées à cause de la menace de couper les dons des anciens élèves.

Quand Trump arrive, il élargit la cible à tous ces cours « woke » — vous savez, en sexualité, en études ethniques, en études féminines. Il a élargi la cible parce que, euh, d’abord, beaucoup de ces cours — ce sont des absurdités. Il faut être honnête là-dessus. Ces cours ne sont pas sérieux. Ce sont juste des cours « woke », avec des guerriers de la justice sociale qui se comportent comme de petits Staline, menaçant tout le monde d’annulation (cancel culture) si vous ne suivez pas la ligne du parti.

Donc le président Trump avait une cible facile, car beaucoup de ces cours n’avaient rien à faire dans un programme universitaire. Beaucoup de listes de lecture étaient ridicules. Il en a profité. Il en a profité. Mais ça n’a pas commencé avec lui. Et maintenant — je dirais — tout le monde marche sur des œufs.

Journaliste : Mais voyez-vous un contrecoup contre la montée de la droite ? On a vu que Zohran Mamdani vient de remporter les primaires démocrates de la ville de New York sur un programme socialiste. Il pourrait devenir le premier maire musulman de la ville. Dans quelle mesure est-ce un tournant et que cela indique-t-il sur l’évolution de la situation ?

Norman Finkelstein : Eh bien, je voudrais dire que je n’ai rejoint la campagne de Mamdani que tardivement, parce que j’étais accaparé par la situation à Gaza, puis plus récemment par la situation en Iran. J’ai été sur le terrain toute la semaine précédente. Je sortais tous les jours pour frapper aux portes et…

Journaliste : Donc vous avez encouragé. Vous avec encouragé (à voter Mamdani).

Norman Finkelstein : D’abord, je voudrais corriger un point — pas vous corriger, je veux nuancer ce que vous avez dit. Je ne pense pas qu’un seul volontaire — il avait 50 000 bénévoles à la fin. C’était 36 000, mais ensuite, j’ai commencé à entendre un chiffre, un chiffre de 50 000. Disons 36 000, parce que je sais que c’est exact. Il avait au moins 36 000 bénévoles qui ont frappé — selon les estimations — à 1,5 million de portes. C’était une campagne gigantesque.

Vous savez, si vous essayez de compter jusqu’à un million — si vous commencez maintenant, cela vous prendra trois semaines. Frapper à 1,5 million de portes, c’est beaucoup.

Prenons un immeuble comme le mien — parce que je l’ai fait — il faut attendre que quelqu’un vous ouvre la porte avant de pouvoir commencer à frapper. Vous savez à combien de portes vous pouvez frapper en trois heures ? Je suis sérieux : environ 20. Alors, frapper à 1,5 million de portes — c’est un véritable exploit.

Pourquoi ? Mais je voulais dire que j’ai rencontré les bénévoles. Je les ai rencontrés. Ils appartenaient à une tranche d’âge très étroite, autour de 25 ans. En fait, j’ai vu très peu de gens qui avaient même 30 ans. Je veux dire, entre mon âge et celui de la personne suivante, on pourrait y faire tenir toute la chaîne de l’Himalaya.

Alors, d’accord, je ne crois pas qu’une seule personne — je vais vous le dire — je ne crois pas qu’une seule personne se soit portée volontaire pour lui parce qu’il était musulman.

Journaliste : Oui. Je voulais simplement mentionner que...

Norman Finkelstein : Je sais que tout le monde présente cela sous cet angle parce qu’ils sont tous absorbés par les politiques identitaires. Ils n’ont pas voté pour lui. Ils ne l’ont pas soutenu parce qu’il était musulman — mais parce qu’il présentait un programme radical pour transformer notre ville. Personne ne s’est soucié du fait qu’il soit musulman. C’est pourquoi, chaque fois que j’entends ces gens — Democracy Now : « premier musulman », New York Times : « premier musulman » — je me dis...

Journaliste : À cause de l’islamophobie ambiante qui monte ?

Norman Finkelstein : Non, je pense que c’est à cause des politiques identitaires. Ils interprètent tout à travers ce prisme. Il s’agissait d’un programme de classe. C’était une lutte des classes parfaitement définie.

La classe des milliardaires — les Ackman, que j’ai mentionnés, les Bloomberg — Bloomberg a donné 8,3 millions de dollars. L’industrie immobilière — il a été surclassé. Mamdani — trente contre un. On parle de 30 millions — ils disent 25 — mais il y avait ces PAC cachés, les super PAC. On parle d’environ 30 millions de dollars contre 1,2 million pour Mamdani.

C’était la candidature de Bernie Sanders, mais à l’échelle locale. Bernie Sanders — chaque soir, il martelait : la classe des milliardaires, Big Pharma, Goldman Sachs. Eh bien, là, c’était à l’échelle locale.

Mais comme l’a dit un grand donateur — un promoteur immobilier — a dit : « Qu’est-ce qui se passe ici ? La ville de New York est la capitale mondiale du capitalisme. La capitale mondiale du capitalisme ! On ne va pas laisser Mamdani, un socialiste — on ne va pas le laisser entrer à la mairie. »

C’était une lutte des classes. Cela n’avait rien à voir avec son identité. C’est vrai. S’il avait été blanc et aussi brillant que Mamdani, le candidat aurait été blanc, juif ou autre.

Cela étant dit, je reviens à mon point initial — ou à votre question. Que signifie ce vote pour l’avenir ? Eh bien, c’est le premier pas d’une longue marche. Les choses vont devenir brutales d’ici novembre. À mon avis, ce qu’ils vont faire est assez évident. Ils veulent éliminer tous les autres — ils veulent un seul candidat. Ils veulent se rallier à un seul. En ce moment, il y a Curtis Sliwa dans le Parti républicain, Eric Adams, le maire actuel — un escroc de très haut vol — et la possibilité que Cuomo se présente.

Et si ces trois-là sont candidats, cela va diviser le vote d’opposition. Donc ils vont se débarrasser de Sliwa — lui offrir quelques livres, un vrai prostitué. Se débarrasser d’Adams — probablement lui offrir quelques voyages gratuits dans les Caraïbes. Ou bien Cuomo pourrait décider, par fierté, qu’il ne se présentera pas. Dans ce cas, ils parlent déjà de se rallier à Adams. Il ne restera donc que deux candidats. Le vote contre Mamdani ne sera pas divisé. Ce sera un face-à-face. Et là commencera la campagne de diffamation à plein régime. La campagne de diffamation battra son plein.

La plus grosse erreur que Mamdani pourrait commettre — c’est un homme très intelligent, il n’a pas besoin de mes conseils, mais je vais les lui donner — ce serait de faire ce que Corbyn a fait quand il a commencé à être attaqué sur des accusations d’antisémitisme.

Journaliste : Jeremy Corbyn ?

Norman Finkelstein : Oui. Jeremy Corbyn, excusez-moi. D’abord par le British Board of Deputies, puis par toute l’élite dirigeante — de Sky News à la BBC, du Guardian aux tabloïds. Ils s’en sont servis. Et Corbyn a sans cesse tenté de les apaiser, concédant encore et encore. Cela ne marche jamais. Vous ne les apaiserez jamais. Même si vous vous mettez à genoux pour les supplier, cela ne changera rien. Je conseille donc fermement à M. Mamdani de ne pas essayer de les apaiser.

Dans son discours de victoire, le soir de l’élection, il a dit : « Je sais que beaucoup de gens se sentent mal à l’aise avec certaines de mes positions. » Il a dit — et nous savons très bien à qui il faisait allusion — « Je resterai fidèle à mes principes. Je resterai fidèle à mes convictions. » Mais il a ajouté : « Je suis prêt à écouter les préoccupations du camp opposé. »

Évidemment, j’ai apprécié la première partie. Mais j’ai été préoccupé par la seconde, parce que...

Journaliste : Oui.

Norman Finkelstein : Parce que je suis pour l’écoute — bien sûr, il devrait toujours écouter — mais est-ce que cela ouvre une porte ? Vous savez, s’il ouvre cette porte, (A) il ne parviendra jamais à les apaiser, et (B) sa base se désagrégera, parce qu’elle verra en lui un type de plus qui se vend.

Journaliste : Nous allons devoir suivre cette élection de très près, surtout avec votre pronostic, alors que nous concluons. Et je dois dire, Professeur, que je suis de la vieille école. Donc, dans l’intérêt de la rigueur journalistique, je dois préciser que vos opinions — vos opinions très tranchées sur les personnes que vous avez mentionnées — sont les vôtres.

Norman Finkelstein : Aucun problème. Est-ce qu’il y a quelqu’un dans cette salle qui pense qu’un grand nombre de politiciens et de personnes au pouvoir ne sont pas des escrocs ? Est-ce que quelqu’un ne le croit pas ? Levez la main. Comme je l’ai dit, je ne vois aucune main levée.

Journaliste : Écoutez, je suis de la vieille école, alors mes opinions n’ont pas à entrer en ligne de compte. Je tiens vraiment à ce que vous puissiez vous exprimer, mais je souligne que ce sont vos points de vue — et qu’ils sont très tranchés [la lâcheté de ce journaliste financé par l’Arabie Saoudite est confondante : il se sent obligé de dire et répéter cette évidence pour bien se démarquer des affirmations controversées de Norman Finkelstein]. Et je me demande comment il se fait qu’on vous ait laissé vous exprimer de manière aussi percutante pendant aussi longtemps ?

Norman Finkelstein : Oh, c’est simple : personne n’écoute.

Journaliste : Ou peut-être que tout le monde écoute, mais que personne ne vous conteste vraiment — je veux dire, pourquoi n’y a-t-il pas eu une campagne plus virulente — je vous demande juste votre avis — contre vous, pour avoir pris position contre Israël ?

Norman Finkelstein : Accrochez-vous. Je n’ai jamais eu d’emploi. Je n’ai jamais eu de travail. Je n’ai jamais réussi à trouver un poste. J’ai fait ce qu’on appelle aux États-Unis de l’adjuncting. C’est-à-dire du travail à temps partiel. Vous savez combien j’ai gagné la majeure partie de ma vie, par an, en vivant à New York — à l’exception d’une période temporaire à Chicago pendant six ans ? Entre 15 000 et 25 000 dollars par an. C’est exact.

Journaliste : C’est dur.

Norman Finkelstein : Vous savez, je n’ai jamais eu de poste. Je ne parle pas — je parle simplement de faits. Ma vie est terminée. Vous savez, pas en termes de visibilité. Donc je n’ai pas — entre guillemets — je ne m’en suis pas « sorti ». J’en ai payé le prix. J’étais prêt à le payer, et je ne le regrette pas. Bien sûr, j’ai pu parfois me complaire dans l’auto-apitoiement, et j’ai pu être amer — ce que j’ai été. Mais plus maintenant, parce que c’est terminé. Mais je n’ai jamais eu d’emploi.

Maintenant, pour vous donner quelques exemples triviaux : d’accord. J’ai écrit la seule histoire politique de Gaza. J’ai écrit la seuleGaza : An Inquest into Its Martyrdom — la seule. Le seul ouvrage scientifique sur le sujet. Par respect, je mentionnerai Sarah Roy, de Harvard. Elle a écrit l’étude économique de référence sur Gaza. Mais la seule histoire politique académique de Gaza, c’est moi qui l’ai écrite. Elle a été publiée par les Presses de l’Université de Californie. C’est une maison d’édition prestigieuse — d’accord ? Une maison d’édition universitaire.

Ce livre n’a jamais été mentionné nulle part. Je veux dire, même dans des publications radical chic comme la London Review of Books, ou des endroits woke en vogue comme The New Yorker — si vous faites une recherche, vous ne trouverez pas une seule mention de ce livre. Et vous savez quoi ? Je vais me faire un peu de publicité. C’est un sacré bon livre. Le professeur Chomsky a dit que, par sa portée, sa profondeur, son ampleur, son analyse — il était dans une classe à part.

Journaliste : Peut-être qu’au vu de l’évolution récente de l’histoire, les gens lui prêteront davantage attention, parce que tout le monde se demandera comment cette période sera jugée par l’Histoire. On verra bien.

Norman Finkelstein : Devinez quoi ? Cela s’est produit : après le 7 octobre, Gaza a été au cœur de l’actualité pendant vingt mois. Le livre n’a jamais été mentionné. Jamais. Il a reçu deux critiques : l’une dans le Journal of Palestine Studies, et l’autre dans un tout petit périodique appelé quelque chose comme Middle East Affairs. Rien d’autre.

Maintenant, c’est vrai : grâce à ma connaissance du sujet et au miracle des réseaux sociaux, j’ai acquis une véritable présence médiatique. Si je prends le métro, si je marche dans la rue, beaucoup de gens me reconnaissent. Mais est-ce que j’ai été invité à une seule émission de télévision nationale ? Une émission de radio nationale ? Est-ce que j’ai été invité une seule fois sur un plateau américain ? Une seule ? Non. Pas une seule.

Au Royaume-Uni, j’ai participé à l’émission Morning Joe — une seule fois. L’autre cas, c’était Piers Morgan. Piers Morgan m’a invité environ huit fois, je crois — quelque chose comme ça. Je ne vais pas spéculer sur les raisons pour lesquelles il a brisé le tabou. Mais je dirai qu’il ne me contredit pas. J’ai remarqué qu’il ne me dira jamais : « Vous avez tort. » Parce qu’il sait que j’ai raison.

Il se plaint sur le fond. Je veux dire qu’il n’est pas d’accord avec mon interprétation des faits. Si je dis : « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide », il dira — il l’a dit pendant environ quinze mois — que l’attaque israélienne était « disproportionnée ». C’est le terme qu’il utilisait. Elle n’était pas disproportionnée. Elle ne l’était pas. Elle était proportionnée. Elle était proportionnée à son objectif. Et son objectif était de résoudre la question de Gaza.

Il faut comprendre quel était cet objectif. Si l’objectif était de vaincre le Hamas, alors on peut dire qu’elle était disproportionnée. Mais si l’objectif était de commettre un génocide à Gaza, alors elle était proportionnée à ce but.
Nous pouvons donc être en désaccord sur ces points. Mais je dois dire qu’il était inhabituel — parce que c’est la seule émission d’envergure nationale.

Mais c’est le miracle d’internet. Vous prenez une interview que j’ai faite avec lui, ensuite ils la découpent en 10 000 extraits, et la publient sur TikTok. Alors, ça donne l’impression — les gens m’appellent : « Tu dois être très occupé ! Tant de gens doivent te contacter. » Je leur réponds : « En réalité, personne ne m’a appelé. »

J’ai dit à Piers Morgan — ou à son assistant — : « J’ai beaucoup de choses à dire sur l’Iran, et je m’y connais. Parce que j’ai enseigné le traité de non-prolifération. Je l’ai étudié. J’ai étudié la décision de la Cour internationale de justice sur les armes nucléaires. » Je ne suis pas du tout occupé. Personne ne m’a invité. Pas même lui. Personne ne m’a demandé de passer à l’antenne.

J’ai payé — selon les normes conventionnelles. Nelson Mandela a passé 28 ans en prison. Martin Luther King a été assassiné à 39 ans. Malcolm X a été assassiné à 39 ans. Et on peut continuer la liste. Je n’ai donc pas connu le martyre — et je n’oublie pas ce fait. J’ai un toit au-dessus de ma tête. J’ai de la nourriture dans mon réfrigérateur. Je ne crains pas — généralement — pour ma vie. Donc je n’ai pas payé ce prix-là. Mais j’ai dit que, selon les critères conventionnels, j’ai payé un prix élevé.

J’ai un doctorat. Je ne cherche pas à me vanter, je parle objectivement. J’ai un doctorat de l’université de Princeton. Je n’ai jamais pu trouver de poste. Je ne parle pas d’une grande université. Je ne parle même pas d’une université de second rang. J’ai postulé dans des universités reculées du Sud, parce que je pensais qu’il serait agréable d’y enseigner.

J’ai déjà parlé des bons côtés du web. Le mauvais côté, c’est qu’on ne demande plus de lettres de recommandation. Plus aucune université ne demande de références. Elles se contentent de taper votre nom sur Google. Et si vous tapez mon nom, vous tomberez sur 30 000 sites qui disent que je suis un négationniste de la Shoah. Vous trouverez 30 000 sites disant que je soutiens le terrorisme. Et c’est fini. Fini.

Même si — même si — quelqu’un prenait la peine de vérifier ces sites pour voir si c’est vrai — qui aurait envie de s’encombrer d’un type comme moi dans sa faculté ? Personne. Donc oui, j’ai payé un prix, selon les standards habituels.

Et si j’ai l’air omniprésent, si j’ai un visage désormais reconnu, c’est une illusion d’optique. Ce sont deux ou trois interviews qui ont été découpées en 10 000 morceaux et qui circulent partout sur internet.

Pour vous donner un exemple : j’ai participé à une émission avec Lex Fridman, j’ai débattu avec le professeur Benny Morris d’Israël, et avec un streamer surnommé Destiny, d’accord ? Et Destiny, ça a surtout tourné à l’invective — parce que c’est un tocard. vous savez, je ne peux rien y faire. C’est dans son ADN. Le débat a duré environ trois heures. Trois ou cinq — je ne me souviens plus très bien. Trois ou cinq. Quoi qu’il en soit, il existe aujourd’hui 10 000 vidéos dans lesquelles je traite Destiny de tocard. Et chaque vidéo — chacune — a un million de vues. Tout le monde : « Je t’ai vu avec Destiny ! C’était trop drôle ! Trop drôle ! » Ça m’a donné une notoriété.

L’autre vidéo célèbre a été tournée à Waterloo, au Canada — en 2003, je crois — où une femme pleurnichait en disant que je les mets mal à l’aise quand je dis que les Israéliens se comportent comme des nazis. Et j’ai dit : « S’il vous plaît, arrêtez avec vos larmes de crocodile (crocodile tears). » Depuis, chaque fois que je suis dans un pays arabe — je peux marcher dans les rues d’Amman, en Jordanie — 10 000 personnes accourent vers moi en criant : « Crocodile tears ! Crocodile tears ! » Et je me dis : j’ai passé toute ma vie plongé dans les livres, dans les rapports, à essayer d’accumuler tous ces faits avec précision. Et la seule chose dont les gens se souviennent de moi — la seule chose pour laquelle on se souviendra de moi — c’est « Crocodile tears ».

Journaliste : Eh bien, professeur, je vous remercie d’avoir été aussi généreux avec votre temps aujourd’hui. Il n’y aura pas 10 000 extraits — j’espère du moins qu’il n’y en aura pas autant — mais j’ai été ravi d’avoir la chance de vous voir en personne et de m’entretenir à nouveau avec vous. J’attends avec impatience notre prochaine rencontre.

Norman Finkelstein : Merci.

***

Pour me soutenir dans mon travail et mon combat, vous pouvez faire un don et vous abonner à mon blog par e-mail afin de recevoir automatiquement mes nouvelles publications. Suivez-moi également sur Twitter et Bluesky

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.