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Billet de blog 18 novembre 2025

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Le plan Trump prévoit la partition de Gaza, sinistre écho au partage de l'ONU de 1947

Gaza serait divisée en une « zone verte » sous contrôle israélo-américain et une « zone rouge » qui serait laissée en ruines, et où survivent la majorité des Palestiniens déplacés. L'adoption par le Conseil de sécurité de ce projet colonial, aux contours flous et sans contrôle de l'ONU ni voix au chapitre pour les Palestiniens, est une réédition honteuse du plan de partage de la Palestine de 1947.

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L’armée américaine prévoit la division de Gaza avec une « zone verte » sécurisée par des troupes internationales et israéliennes

Exclusif : presque tous les Palestiniens ont été déplacés vers la « zone rouge », où aucune reconstruction n’est prévue.

The Guardian, 14 novembre 2025

Traduction et notes entre crochets Alain Marshal

Illustration 1

Début des travaux d'installation d'un campement pour les Palestiniens déplacés dans la région de Netzarim, au centre de Gaza. Photo : Moiz Salhi/Anadolu/Getty Images

Les États-Unis envisagent de diviser Gaza de manière durable entre une « zone verte » placée sous contrôle militaire israélien et international, où la reconstruction pourrait débuter, et une « zone rouge » destinée à rester en ruines.

Selon des documents de planification militaire américains consultés par le Guardian et des sources informées des projets américains, des forces étrangères se déploieront d’abord aux côtés des soldats israéliens dans l’est de Gaza, laissant la bande dévastée coupée en deux par l’actuelle « ligne jaune », sous contrôle d’Israël.

« Idéalement, on voudrait tout remettre en état, n’est-ce pas ? Mais ce n’est qu’un vœu pieux », a déclaré un responsable américain sous couvert d’anonymat. « Cela va prendre du temps. Ce ne sera pas facile. »

Illustration 2

Les plans militaires américains soulèvent de sérieuses questions quant à la volonté de Washington de transformer le cessez-le-feu annoncé le mois dernier en un règlement politique durable, sous autorité palestinienne à Gaza, comme l’avait promis Donald Trump.

Les projets pour l’avenir de Gaza ont évolué à un rythme vertigineux, reflétant une approche chaotique et improvisée pour tenter de résoudre l’un des conflits les plus complexes [sur le plan légal et moral, il s'agirait plutôt du plus simple] et les plus inextricables au monde, et pour fournir une aide, notamment alimentaire et en matière de logement, à 2 millions de Palestiniens.

Après des semaines durant lesquelles les États-Unis ont promu une reconstruction sous forme de camps clôturés pour de petits groupes de Palestiniens, qualifiés de « communautés sûres alternatives » (ASC), ces plans ont été abandonnés cette semaine, a indiqué le responsable américain.

« C’était le cliché instantané d’un concept proposé à un moment donné », a déclaré le responsable. « Ils y ont déjà renoncé. »

Les organisations humanitaires, qui avaient à plusieurs reprises exprimé de vives inquiétudes face au modèle ASC, ont déclaré vendredi qu’elles n’avaient pas encore été informées de ce changement de cap.

Faute d’un plan viable pour une force internationale de maintien de la paix, le retrait des troupes israéliennes et une reconstruction à grande échelle, Gaza risque de sombrer dans une situation d’incertitude après deux années d’une guerre dévastatrice [un rapport récent de l'ONU a récusé la terminologie même de guerre au profit de celle de génocide et d'extermination].

Illustration 3

Des engins de chantier travaillent à côté d’un véhicule de la Croix-Rouge dans une zone située à l’intérieur de la « ligne jaune », vers laquelle les troupes israéliennes se sont retirées dans le cadre du cessez-le-feu. Photo : Dawoud Abu Alkas/Reuters

Des médiateurs ont mis en garde contre un scénario « ni guerre ni paix » dans une Gaza divisée, avec des attaques israéliennes régulières, une occupation enracinée, aucune autonomie palestinienne et une reconstruction limitée des habitations et communautés palestiniennes.

La création d’une force internationale de stabilisation (ISF) constitue l’ossature du « plan de paix » en 20 points de Trump. Les États-Unis espèrent qu’un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, offrant un mandat officiel à cette force, sera adopté en début de semaine prochaine, et s’attendent à ce que les engagements de troupes soient ensuite précisés.

Au sujet de l'adoption du plan Trump pour Gaza, lire 'Un jour noir pour l'ONU' : la Russie et la Chine dénoncent le projet Trump pour Gaza 

« La première étape consiste à obtenir la [résolution] », a rappelé le responsable américain. « Les pays ne prendront pas d’engagements fermes tant qu’ils n’auront pas vu le texte qui aura été adopté. »

Trump a exclu l’envoi de soldats américains sur le terrain pour faciliter le retrait israélien ou pour financer la reconstruction. « Les États-Unis ont été très clairs : ils veulent définir la vision sans en payer le prix », a indiqué une source diplomatique.

Illustration 4

Au début du mois, le commandement régional Centcom de l’armée américaine avait élaboré des plans visant à placer les forces européennes – dont plusieurs centaines de soldats britanniques, français et allemands – au cœur de l’ISF, selon des documents consultés par le Guardian.

Ces plans incluaient jusqu’à 1 500 soldats d’infanterie britanniques, spécialisés notamment dans le déminage et les soins médicaux militaires, ainsi qu’un millier de soldats français chargés du déminage des routes et de la sécurité.

Les États-Unis comptaient également sur des troupes allemandes, néerlandaises et des pays nordiques pour gérer les hôpitaux de campagne, la logistique et le renseignement.

Une source a qualifié ces plans de « délirants ». Après de longues missions en Irak et en Afghanistan, très peu de dirigeants européens accepteraient de risquer la vie de leurs soldats à Gaza, même si d’autres formes de soutien ont été promises. Seule l’Italie a proposé une éventuelle contribution en troupes.

Illustration 5

Des travailleurs sur les ruines du musée du palais du Pacha à Gaza. Photo : Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

Les documents étaient classés « non confidentiels », ce qui laisse penser que les États-Unis ne considéraient pas ces plans militaires comme hautement sensibles ; ils ont d’ailleurs semblé se heurter à la réalité en quelques jours seulement.

Un responsable américain a affirmé que les chiffres présentés dans les documents comportaient « de nombreuses inexactitudes » et que Washington ne s’attendait pas à ce que des troupes européennes constituent le noyau de l’ISF, ajoutant que la planification pour Gaza progressait rapidement.

« C’est très dynamique. C’est très fluide », a reconnu le responsable américain. « Seules quelques personnes comprennent réellement la situation et ont véritablement la main sur le volant. »

La Jordanie a été citée comme pouvant fournir plusieurs centaines de soldats d’infanterie légère et jusqu’à 3 000 policiers, même si le roi Abdallah a explicitement exclu l’envoi de troupes, son pays étant « trop proche politiquement » de Gaza.

Illustration 6

Yvette Cooper (à gauche), ministre britannique des Affaires étrangères, lors d’une visite la semaine dernière dans un entrepôt du Programme alimentaire mondial à Amman, en Jordanie, où 4 000 tonnes d’aide attendaient d’être livrées à Gaza. Photo : Stefan Rousseau/PA

Plus de la moitié des Jordaniens sont d’origine palestinienne, et accepter de surveiller les ruines du territoire en coordination avec les forces israéliennes constituerait une menace extrêmement impopulaire pour la sécurité nationale de la Jordanie.

Jeudi, l’armée américaine attendait des contributions importantes d’un groupe très large décrit comme « l’OTAN et ses partenaires », incluant des pays d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient.

Le « concept d’opération » américain pour les ISF précise que les troupes ne serviront que dans la « zone verte ». Les États-Unis envisagent un déploiement « à petite échelle », limité dans un premier temps à quelques centaines de soldats, avant une montée en puissance progressive jusqu’à atteindre un effectif total de 20 000 hommes sur l’ensemble de la zone.

La force n’opérerait pas à l’ouest de la « ligne jaune », où le Hamas réaffirme son contrôle. « Vous ne quitterez pas [la zone verte] », a déclaré le responsable américain.

Un autre document présente des plans prévoyant que des soldats étrangers gardent les points de passage le long de la ligne de contrôle après s’être « intégrés » aux forces israéliennes qui y sont stationnées, une mission susceptible d’inquiéter les pays pressentis pour fournir des troupes.

Ils redoutent d’être pris entre deux feux, entre le Hamas et les soldats israéliens, et les frontières constituent généralement des points chauds potentiels. Ils craignent également d’ouvrir la voie à des accusations selon lesquelles les ISF soutiendraient l’occupation israélienne en cours à Gaza.

Illustration 7

Une soldate israélienne observe les bâtiments détruits depuis un poste situé sur la ligne jaune dans la partie est de la ville de Gaza. Photo : Nir Elias/Reuters

L’armée israélienne « examinera les conditions d’un retrait » à un stade ultérieur, lorsque la sécurité internationale sera assurée, indique le plan, sans fournir de calendrier.

La réunification de Gaza s’inscrit dans un processus visant à « la stabiliser, instaurer une paix durable et assurer la transition vers un gouvernement civil », a déclaré le responsable américain, tout en ajoutant qu’il était impossible de fixer une date pour l’aboutissement de cet objectif.

Le plan en 20 points de Trump décrit une nouvelle force de police palestinienne comme « la solution à long terme pour la sécurité intérieure » de Gaza, mais les planificateurs américains ne lui ont attribué qu’un rôle limité. Le plan prévoit le recrutement initial de 200 agents, qui passerait à 3 000 ou 4 000 au cours de l’année, soit seulement un cinquième des effectifs prévus pour le déploiement sécuritaire.

Reconstruction

Les responsables militaires américains considèrent également la reconstruction à l’intérieur de la « zone verte » comme une étape floue vers la réunification de Gaza, destinée à convaincre les civils palestiniens de franchir la ligne de contrôle israélienne.

« À mesure que les choses progresseront et que seront réunies les conditions nécessaires à des avancées significatives en matière de reconstruction, des civils gazaouis commenceront à s’y installer et à prospérer », a déclaré le responsable américain. « Les gens diront : “Hé, c’est ce que nous voulons”, et les choses évolueront dans cette direction. Personne ne parle d’une opération militaire pour imposer cela. »

Pourtant, même la simple idée de délimiter une « zone verte » à Gaza risque d’évoquer des parallèles avec l’Irak et l’Afghanistan, où l’expression était devenue synonyme d’échecs militaires américains.

À Bagdad et à Kaboul, les zones vertes étaient des enclaves entourées de barrières anti-explosion en béton, où les forces occidentales et leurs alliés locaux se repliaient pour échapper à la violence que leur mission avait déclenchée dans les communautés environnantes.

Illustration 8

Un enseignant donne une leçon lors de l’ouverture d’une école de fortune à la mosquée Sayed Hashem, dans la ville de Gaza. Photo : Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

Le projet consistant à utiliser l’aide pour inciter la population de Gaza à se rendre dans une zone sous contrôle israélien, après deux ans d’une guerre qualifiée de génocidaire par une commission de l’ONU, rappelle d’autres politiques désastreuses menées par les États-Unis au cours de ces conflits.

Une dizaine d’années avant la prise de Kaboul par les talibans, les États-Unis affirmaient vouloir instaurer un « gouvernement prêt à l’emploi » dans le sud de la province de Helmand afin de gagner la population civile. La province est toutefois restée un bastion insurgé.

Le plan en 20 points de Trump s’engage à démilitariser les factions palestiniennes à Gaza et à retirer Israël vers un « périmètre de sécurité » taillé dans le territoire palestinien. Cette démarche serait facilitée par les ISF et permettrait d’entamer la reconstruction « au profit de la population [de Gaza] ».

La reconstruction est urgente, car, selon les données de l’ONU, plus de 80% des structures de Gaza ont été endommagées ou détruites pendant la guerre, y compris la quasi-totalité des écoles et des hôpitaux.

Plus d’un mois après le cessez-le-feu, Israël continue de limiter les livraisons d’aide à Gaza, interdisant notamment des articles de base, tels que les piquets de tente, qu’il classe comme « à double usage » au motif qu’ils pourraient être utilisés à des fins militaires [ne mentionnez surtout pas le lait infantile, le chocolat, etc., afin de ne pas montrer qu'il s'agit de cruauté à l'état pur].

Près de 1,5 million de Palestiniens attendent des articles de première nécessité pour s’abriter et des centaines de milliers d’autres vivent dans des tentes sans accès aux services fondamentaux tels que l’eau potable. La quasi-totalité de la population — plus de 2 millions de personnes — est entassée dans la zone rouge, une bande côtière qui couvre moins de la moitié de la superficie de Gaza.


Réactions de Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (voir sa Lettre de démission)

Illustration 9

Si le Conseil de sécurité de l'ONU adopte aujourd'hui la proposition coloniale de Trump, comme il semble prêt à le faire, ce sera la plus grande trahison du peuple palestinien, des règles du droit international et des principes d'autodétermination et de décolonisation, depuis l'adoption par l'ONU du plan de partage en 1947 contre la volonté du peuple autochtone, préparant ainsi le terrain pour 80 ans de Nakba. Ce sera le coup de grâce porté à la légitimité de l'ONU. Mais cette manœuvre échouera. Et l'histoire se souviendra des collaborateurs qui se sont soumis à l'empire pour permettre cela.

© Craig Mokhiber

Le Conseil de sécurité de l'ONU vient d'adopter la résolution américaine scandaleuse par 13 voix pour et 2 abstentions. Pas un seul membre du Conseil n'a eu le courage, le principe ou le respect du droit international de voter contre cette atteinte à la souveraineté palestinienne, fruit d'une dictature américano-israélienne. Cette proposition a été rejetée par la société civile palestinienne, les factions palestiniennes et les défenseurs des droits humains et du droit international du monde entier. Le 17 novembre 2025 sera un jour de honte pour les Nations Unies et pour les gouvernements du monde entier, à genoux devant l'empire américain et son allié israélien. Mais la lutte pour la liberté des Palestiniens se poursuivra sans relâche, avec ou sans eux.

© Craig Mokhiber

Le Conseil de sécurité de l'ONU, lorsqu'il n'est pas contraint par le droit international, est un instrument de répression et d'injustice. C'est ce dont nous avons été témoins hier, lorsque le Conseil a ignoré les conclusions de la CIJ et a livré la population de Gaza aux co-auteurs du génocide. Le droit de veto a été utilisé à maintes reprises au sein du Conseil pour bafouer les droits des Palestiniens. Hier, alors qu'il aurait pu servir à les protéger, il était aux abonnés absents. Le Conseil de sécurité a perdu toute légitimité.

© Craig Mokhiber

Rendez-vous compte : les États-Unis, co-perpétrateurs du génocide en cours contre le peuple palestinien et principaux soutiens du régime israélien, viennent de se voir confier le contrôle des survivants à Gaza par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Les quatorze autres membres ont bafoué le droit international pour se soumettre servilement à l'axe américano-israélien. Le Conseil s'est révélé être une menace pour la paix et la sécurité internationales, ainsi que pour le respect du droit international – et ce n'est pas la première fois. Dans un monde sensé, la majorité des États se seraient unis pour s'y opposer. Au lieu de cela, ils sont à genoux, rivalisant de servilité pour attirer l'attention du pouvoir suprême.


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