Interview de Norman Finkelstein, fils de survivants du ghetto de Varsovie et d'Auschwitz, et autorité internationale sur le conflit israélo-palestinien.
Youtube, 18 janvier 2025
Traduction Alain Marshal

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Question : Professeur Finkelstein, quelles sont vos réflexions sur le soi-disant accord de cessez-le-feu, alors que le cessez-le-feu est annoncé mais que le génocide continue ? Quel avenir envisagez-vous pour les innocents Palestiniens ? Et j'ai une deuxième question : Que pensez-vous qu'il se passera avec le changement de gouvernement aux États-Unis et l'arrivée d'un nouveau président ?
Norman Finkelstein : Je ne prétends pas être un expert des négociations en cours qui ont abouti à cet accord de cessez-le-feu. J’ai, bien sûr, lu le texte de l’accord et pris connaissance de certains commentaires à ce sujet, mais je ne l'ai pas suivi de près, car je travaillais à un livre sur Gaza, qui me préoccupait. Mon sentiment de base... Non, je ne veux pas parler de sentiment, mais de compréhension, qui est la suivante :
Premièrement, il existe une analogie intéressante avec ce qui vient de se passer avec le cessez-le-feu. Je suppose que personne parmi vos téléspectateurs et auditeurs ne le sait, mais le 17 janvier 2009, l’opération « Plomb durci » a pris fin. Il s'agissait de l'assaut israélien sur Gaza, qui à l'époque semblait être un assaut de grande envergure. Il a duré du 26 décembre (2008) au 17 janvier (2009). Amnesty International l’a qualifiée de « 22 jours de mort et de destruction ». Savez-vous pourquoi elle s'est terminée ? C’est une histoire intéressante qui a un rapport avec les récents développements à Gaza. Elle s’est terminée parce que le président Obama était sur le point d'être investi président et qu’il ne voulait pas que ce spectacle à Gaza détourne l'attention de son couronnement. Il a donc demandé à Israël de mettre fin à l'attaque, et Israël, obéissant au maître, l’a fait.
Dans la situation actuelle, vous vous souviendrez qu'il y a environ un mois, le président Trump a annoncé que si les otages n’étaient pas libérés avant son investiture, il y aurait un véritable enfer à payer. Le président Trump ne voulait pas commencer sa présidence en lançant un assaut sauvage contre Gaza, d'abord parce que la population de Gaza avait déjà vécu l’enfer au cours des 15 derniers mois, il n’y avait donc pas grand-chose de plus à faire, et ensuite parce qu’il ne voulait pas commencer sa présidence sur une note aussi impitoyable et sans cœur. Il a donc lancé un ultimatum – ou plutôt, son émissaire a lancé un ultimatum à Netanyahou, en lui disant : « Signe l'accord. » L'accord, qui ne diffère apparemment pas beaucoup de celui conclu en mai de l’année dernière, a mis fin à la violence.
La leçon à retenir est que lorsqu'un président américain dit « Arrêtez ça », cela s’arrête. Tout ce discours selon lequel les Américains n’ont aucun pouvoir, que Netanyahou n’écoute pas, etc., n’a aucun sens.
Cela dit, comme vous le savez, le cessez-le-feu comporte deux volets : le premier est l’échange mutuel d'otages, les milliers d'otages détenus par Israël contre la centaine ou moins détenue par le Hamas. Ensuite, il y a le deuxième aspect : la promesse d’admettre l’aide humanitaire à un niveau élevé, c'est-à-dire 600 camions par jour, ce qui permettrait la reconstruction de Gaza et tout le reste. Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, la levée du blocus de Gaza et l'autorisation de sa reconstruction ont été promises après l'opération Plomb durci [2008-2009], après l’assaut israélien contre la flottille humanitaire Mavi Marmara [2010], après l’opération Pilier de défense en 2012 et après l’opération Bordure protectrice en 2014. Et pourtant, rien n’a été fait.
Comme lors de l’opération Pilier de défense, le ministre de la Défense de l’époque, Ehoud Barak, avait déclaré qu'ils étaient en train de signer un accord pour mettre fin à l’opération. Ces massacres de haute technologie, disait-il, signaient un accord qui incluait un cessez-le-feu et la levée ou l’assouplissement du blocus. À l’époque, M. Barak avait dit à d'autres responsables israéliens, qui se demandaient s’il fallait signer le cessez-le-feu et l’allègement du blocus : « Un jour après le cessez-le-feu, personne ne se souviendra de ce qui est écrit dans cet accord. » Je pense que c’est tout à fait exact. Je pense qu’après le cessez-le-feu et l’échange mutuel d'otages entre Israël et le Hamas, toutes les promesses concernant l’admission de l’aide humanitaire et la reconstruction de Gaza – rien de tout cela ne se produira. Elles s’évanouiront comme la neige sous le soleil du printemps. Cela ne se produira pas.
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Si ce n’est déjà fait, je vous invite à signer et à faire largement circuler cette pétition sur change.org, qui appelle à ma réintégration à la CGT, d’où j’ai été exclu le 12 avril 2024 pour avoir initié une pétition dénonçant les positions ambigües de la Confédération suite au 7 octobre et demandant un soutien authentique à la cause palestinienne (que vous pouvez également lire et signer ici). L’UNSEN (Union Nationale des Syndicats de l’Education Nationale de la CGT) a confirmé mon exclusion après une audience d’appel tenue le 21 juin (lire Quand la CGT Educ’action banalise les idées d’extrême droite). Un pourvoi auprès de la Confédération est en cours. La totalité des pièces du dossier, tant les miennes que celles de la partie adverse, est accessible sur ce lien.
En particulier, voici le message, adressé sur le groupe Whatsapp des membres de la CGT Educ’action du Puy-de-Dôme le 5 novembre 2023, qui a déclenché le processus d’éviction (lire la totalité de l’échange en question sur ce lien) :
« Je viens de lire le dossier Gaza de la revue nationale de la CGT, et je suis vraiment consterné.
L’histoire se souviendra de tous ces ‘amis’ de la Palestine qui rivalisent de zèle pour répandre la propagande de l’armée israélienne sur les massacres du Hamas qui ont tué des centaines de femmes et d’enfants, alors même que les données disponibles le réfutent, et lui servent de couverture dans son génocide bien réel, tout en répandant insidieusement le cliché raciste selon lequel les Palestiniens, comme tous les Arabes, sont juste des assassins et des violeurs. Après les couveuses du Koweït, les armes de destruction massive de Saddam et le viagra de Kaddhafi, il y en a encore pour tomber massivement dans le panneau.
Le 7 octobre n’était pas un massacre mais une opération militaire qui a anéanti l’équivalent d’un bataillon de la Brigade de Gaza voire davantage, comme le montrent les seuls chiffres existants publiés à ce jour (par le journal israélien Haaretz), qui indiquent bien qu’au moins la moitié des tués Israéliens étaient des soldats (dont de nombreuses femmes, qui servent obligatoirement dans l’armée, et moins de 20 enfants).
De courageux Israéliens dénoncent les mensonges de l’armée israélienne qui font un amalgame délibéré entre militaires, colons/miliciens surarmés et civils, et accusent Tsahal d’avoir délibérément sacrifié ses civils en masse plutôt que de les laisser tomber vivants entre les mains du Hamas (doctrine Hannibal, officielle et bien connue). En voici un exemple parmi tant d’autres.
Je compte écrire un courrier à la CGT nationale pour dénoncer leur position honteuse. »
En lisant tous les passages surlignés en vert de la retranscription d’une réunion de Bureau du 10 novembre, où on a essayé de me forcer à démissionner à 9 contre 1, on se rend compte du caractère central de mes positions sur la Palestine dans cette volonté d’exclusion. Et ces échanges Whatsapp sont la seule pièce distribuée par le Bureau de la CGT Educ'action en Commission Exécutive le 17 novembre pour justifier la tenue improvisée de nouvelles élections et m'en évincer.
Pour rappel, Sophie BINET elle-même avait colporté l’accusation de « crimes sexuels » du Hamas, largement réfutée, notamment par cet article de Norman Finkelstein.
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