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Billet de blog 21 avril 2025

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Gaza : l'Occident ignore un rapport accablant de l'ONU sur les violences sexuelles

Les élites occidentales, y compris à gauche, ont docilement repris la propagande israélienne gratuite sur les « viols du Hamas » du 7 octobre, mais ont ignoré un rapport récent dénonçant les violences sexuelles systématiques des forces d’occupation israéliennes, preuve que les VSS peuvent servir de paravent au racisme et à l’islamophobie, socles du pro-sionisme. Nous le traduisons intégralement.

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Conseil des droits de l'homme

Cinquante-huitième session

« Plus que ce qu'un être humain peut endurer » : L'utilisation systématique par Israël de la violence sexuelle, reproductive et d'autres formes de violence fondée sur le genre depuis le 7 octobre 2023

Commission d'enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël

Source : Conseil des droits de l'homme de l'ONU, 13 mars 2025

Traduction et notes entre crochets Alain Marshal

[Note : Nous remplaçons systématiquement l'expression « forces de sécurité israéliennes (FSI) » par « forces d'occupation israéliennes (FOI) », conformément au point légal établi par le paragraphe 11 ci-dessous, à savoir que sur les territoires palestiniens, Israël est un occupant. Sur la partialité des instances internationales en faveur d'Israël, lire notamment la Lettre de démission de Craig Mokhiber, directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.]


Résumé

La Commission d'enquête internationale indépendante sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Israël, soumet au Conseil des droits de l'homme le présent document de salle de conférence sur l'utilisation systématique par les forces d'occupation israéliennes de la violence sexuelle, reproductive et d'autres formes de violence fondée sur le genre depuis le 7 octobre 2023.

Dans ce rapport, la Commission examine la destruction massive de Gaza par Israël et la violence disproportionnée exercée contre les femmes et les enfants en raison de sa méthode de guerre, incluant le ciblage d'immeubles résidentiels et l'utilisation aveugle d'explosifs lourds dans des zones densément peuplées. Elle décrit la destruction des Palestiniens à travers la violence reproductive et les préjudices causés par les attaques délibérées des forces d'occupation israéliennes contre les établissements de soins de santé sexuelle et reproductive, ainsi que la destruction de l'infrastructure sanitaire à Gaza.

La Commission analyse également la forte augmentation des violences sexuelles et fondées sur le genre perpétrées par des membres des forces d'occupation israéliennes et des colons, aussi bien en ligne qu'en personne, dans l'ensemble du territoire palestinien occupé, y compris des actes de viol et d'autres formes de violence sexuelle. Elle examine aussi la manière dont ces violences ont pris différentes formes selon qu'elles étaient commises contre des hommes ou des femmes de la communauté palestinienne, dans le but de dominer, d'opprimer et de détruire, en tout ou en partie, le peuple palestinien.


Table des matières

I. Vue d’ensemble et méthodologie

II. Droit applicable

III. Victimes de sexe féminin et effet disproportionné des explosifs lourds

IV. Ciblage des femmes et des filles par Israël

V. Destruction des Palestiniens par Israël à travers la violence et les préjudices reproductifs
A. Attaques directes contre les établissements de soins de santé sexuelle et reproductive
B. Blocage de l’accès et de la disponibilité des soins de santé reproductive
C. Famine et préjudices reproductifs
D. Préoccupations en matière de santé menstruelle et reproductive

VI. Utilisation systématique par Israël de la violence sexuelle et fondée sur le genre
A. Masculinité, nationalisme et militarisation
B. Harcèlement sexuel et humiliation publique des femmes palestiniennes
C. Enregistrement et diffusion d’actes de violence sexuelle contre des hommes et des garçons lors de leur arrestation
D. Violence sexuelle lors des opérations terrestres, y compris aux points de contrôle et lors des évacuations
E. Violences sexuelles, reproductives et autres violences basées sur le genre en détention

VII. Violences sexuelles et basées sur le genre commises par des colons et d’autres civils

VIII. Impacts différenciés des déplacements selon le genre

IX. Impunité et responsabilité

X. Analyse et conclusions juridiques
A. Extermination et homicide volontaire
B. Violations et crimes liés aux droits sexuels et reproductifs et à l’autonomie personnelle
C. Violence sexuelle et basée sur le genre
D. Persécution des hommes et des garçons
E. Violations commises par les colons et les soldats en Cisjordanie et en Israël

XI. Conclusions

XII. Recommandations

Les dernières sections de ce rapport, en italique ci-dessus, seront traduites dans un prochain billet.

Illustration 1

I. Vue d’ensemble et méthodologie

1. Ce document de séance de la Commission internationale indépendante d'enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Israël, se concentre sur les violences sexuelles, reproductives et autres formes de violences fondées sur le genre perpétrées depuis le 7 octobre 2023 par les Forces d’occupation israéliennes (FOI) et les colons israéliens. [1]

2. Ce document résume et approfondit les conclusions relatives aux violences fondées sur le genre figurant dans les rapports de la Commission publiés après le 7 octobre 2023. Dans ses rapports, la Commission a constaté que ces violences et préjudices ne sont pas des incidents isolés, mais s’inscrivent dans des schémas plus larges de violations et de crimes discriminatoires, perpétrés dans le cadre d’un système d’oppression et de domination imposé par Israël en tant que puissance occupante. La Commission estime que ces questions doivent être intégrées dans les futurs processus visant à ce que les responsables de ces actes rendent des comptes. Le présent rapport comprend des cas et des conclusions supplémentaires à la suite des enquêtes ultérieures menées par la Commission en 2024.

3. Les conclusions globales de la Commission sur les violations et abus commis par la branche militaire du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023 et depuis cette date ont été présentées dans les rapports de la Commission au Conseil des droits de l’homme en juin 2024 et à l’Assemblée générale en octobre 2024, ainsi que dans un document de séance distinct. [2] Dans ces rapports, la Commission a conclu que des violences sexuelles et fondées sur le genre ont été perpétrées en plusieurs endroits en Israël par plusieurs auteurs palestiniens.

Lire Norman Finkelstein : les accusations de crimes sexuels contre le Hamas sont infondées 

4. Entre le 7 octobre 2023 et le 30 novembre 2024, plusieurs demandes d’information et d’accès ont été adressées au gouvernement d’Israël, ainsi qu’à l’État de Palestine et au ministère de la Santé à Gaza. L’État de Palestine a fourni des informations détaillées et des commentaires approfondis sur le rapport présenté par la Commission devant le Conseil des droits de l’homme lors de sa 56ᵉ session. Le 15 janvier 2025, la Commission a soumis une demande d’information à Israël concernant les enquêtes en cours et les efforts visant à ce que les responsables de ces actes rendent des comptes (voir section Impunité et responsabilité, paragraphe 147). Aucune réponse n’a été reçue d’Israël. La Commission n’a pas non plus reçu d’informations d’Israël sur les violations et abus commis par la branche militaire du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023. Aucune information n’a été communiquée à la Commission concernant d’éventuelles poursuites engagées contre des membres du Hamas et d’autres groupes armés pour les crimes commis ce jour-là.

5. Les conclusions de la Commission sur les crimes fondés sur le genre s’appuient sur du contenu numérique vérifié ainsi que sur des témoignages de victimes et de témoins. La Commission a également rencontré des organisations de la société civile et des associations de défense des droits des femmes, qui lui ont fourni des informations.

6. Concernant la norme de preuve appliquée aux cas de violences sexuelles, la Commission considère que le critère des « motifs raisonnables de conclure » est rempli lorsque les informations sont corroborées par une ou plusieurs victimes ou témoins, ou étayées par des preuves numériques révélant des schémas et des descriptions similaires à ceux rapportés par les témoins. Les informations ne répondant pas à ce niveau de corroboration ont été exclues des conclusions de la Commission. Les lignes directrices du Haut-Commissariat aux droits de l’homme précisent que la méthode de vérification des violences sexuelles peut différer de celle employée pour d’autres violations. Alors que la corroboration d’autres violations exige l’obtention d’informations concordantes de la part de deux sources indépendantes et fiables, la vérification des violences sexuelles peut reposer sur une seule source primaire si celle-ci est jugée crédible et si le cas correspond à un schéma cohérent avec d’autres cas similaires. [3]

7. Une analyse de genre intégrée a été appliquée tout au long des enquêtes de la Commission afin d'examiner les conséquences différenciées des attaques sur les civils et les biens de caractère civil, et de rendre justice aux survivants.

8. La Commission considère que l'expression « violence fondée sur le genre », qui inclut la violence sexuelle et reproductive, est un terme général désignant les violences dirigées contre une personne ou l'affectant de manière disproportionnée en raison de son genre ou de son sexe. Le terme « violence sexuelle » recouvre un ensemble d'actes physiques et non physiques de nature sexuelle commis à l'encontre d'une personne ou la contraignant à accomplir un tel acte, par la force, la menace de la force ou la coercition. La « violence reproductive » constitue une forme distincte de violence fondée sur le genre, comprenant des actes ou omissions causant un préjudice en interférant avec l'autonomie et les droits en matière de procréation, ou des violences dirigées contre des personnes en raison de leur capacité reproductive réelle ou perçue. [4]

9. La Commission a examiné les actes de violence sexuelle dans le contexte dans lequel ils ont été perpétrés, comme l'obligation faite à une victime de se déshabiller dans un cadre où des codes vestimentaires religieux et culturels s'appliquent, en particulier pour les femmes et les filles musulmanes en ce qui concerne le retrait du voile. [5]

10. La Commission souligne que les survivants de violences sexuelles hésitent fréquemment à témoigner en raison du risque de stigmatisation et de retraumatisation pour eux-mêmes et leurs proches. Elle considère que le langage incendiaire, la désinformation et l'incrédulité entourant les violences sexuelles commises depuis le 7 octobre 2023 risquent d'aggraver ces difficultés et de réduire davantage les victimes au silence. Par ailleurs, l'exploitation de la violence sexuelle en période de conflit à des fins politiques risque de détourner l'attention de l'expérience et des besoins des survivants, tout en alimentant des tensions et une déshumanisation profondément enracinées.

II. Droit applicable

11. La Commission réaffirme que le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Gaza, ainsi que le Golan syrien occupé, sont actuellement sous occupation belligérante par Israël, à laquelle s'appliquent simultanément le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme. [6] Elle constate que Gaza demeure sous occupation israélienne en raison, entre autres, du contrôle exercé par Israël sur son espace aérien et ses eaux territoriales, ainsi que sur les points de passage terrestres. La Commission note également qu'à partir d'octobre 2023, Israël a rétabli sa présence militaire et son contrôle à l'intérieur de la bande de Gaza. [7] Cette situation a été confirmée par la Cour internationale de justice en juillet 2024. [8] Israël est donc tenu de respecter les obligations du droit international humanitaire qui incombent à une puissance occupante, telles qu'énoncées dans la Quatrième Convention de Genève et le droit international coutumier, y compris le Règlement de La Haye de 1907.

12. D’emblée, la Commission souligne que les lois régissant les conflits armés internationaux s’appliquent à la situation d’occupation. [9] Pendant un conflit armé international, le droit international humanitaire autorise l’internement des prisonniers de guerre (combattants) et, dans des circonstances limitées, des civils. [10] La Quatrième Convention de Genève prévoit qu’un civil ne peut être détenu que si « la sécurité de la puissance détentrice le rend absolument nécessaire ». [11] La norme applicable à l’internement des civils est extrêmement stricte : un État occupant ne peut les interner que si cette détention est absolument nécessaire ou impérative pour des raisons de sécurité. Lorsqu’un État interne un grand nombre de personnes protégées en même temps, il doit établir les motifs de l’internement pour chaque individu concerné. Ainsi, l’internement civil doit demeurer exceptionnel, limité et soumis à des conditions strictes appliquées au cas par cas. Les personnes protégées doivent être préservées en toutes circonstances, y compris durant leur internement. Cette protection inclut le respect de leur personne, de leur honneur et de leurs droits familiaux. Elles doivent être « traitées avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou menace de violence, ainsi que contre les insultes ». [12] En particulier, les femmes doivent être « spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, notamment contre le viol, la prostitution forcée ou toute forme d’atteinte à leur pudeur ». [13]

13. Pendant leur détention, les personnes protégées bénéficient des droits prévus par le droit international humanitaire. Notamment, un État ou un groupe armé qui détient des personnes protégées est tenu de subvenir à leurs besoins et de leur fournir les soins médicaux requis. [14] En outre, l’entité détentrice doit « prendre toutes les mesures nécessaires et possibles » pour s’assurer que les détenus sont hébergés dans des bâtiments ou quartiers offrant « toutes les garanties possibles en matière d’hygiène et de santé » et assurant une protection efficace contre les rigueurs du climat et les effets de la guerre. Lorsque cela est impossible, les détenus doivent être transférés vers un lieu plus approprié dès que les circonstances le permettent. De plus, les femmes internées doivent être séparées des hommes, sauf si elles sont hébergées avec les membres de leur famille. [15]

14. Les fouilles corporelles ne sont pas illégales en soi, mais elles doivent, y compris lorsqu’il s’agit de fouilles à nu, être effectuées dans le respect du droit international des droits de l’homme et, dans le contexte d’une occupation, du droit international humanitaire. S’agissant des fouilles pratiquées en détention, la Quatrième Convention de Genève stipule qu’« une femme internée ne sera fouillée que par une femme ». [16] Par ailleurs, la Commission se réfère aux directives de l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (« Règles Nelson Mandela »), qui précisent que les fouilles doivent être menées selon les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité. [17] À ce titre, elles ne peuvent être utilisées pour « harceler, intimider ou s’immiscer inutilement dans la vie privée d’un prisonnier ». [18] En particulier, les fouilles à nu ne doivent être effectuées que lorsqu’elles sont « absolument nécessaires ». [19]

15. La Commission réaffirme que l’application du droit international humanitaire ne dispense pas Israël de ses obligations existantes en vertu du droit international des droits de l’homme. Ces deux cadres juridiques se renforcent mutuellement dans la protection contre les crimes fondés sur le genre, la discrimination et la persécution. Le droit pénal international, tel qu’énoncé dans le Statut de Rome, codifie les crimes internationaux de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.

16. Le droit international coutumier reconnaît les besoins spécifiques des femmes et des filles en matière de protection, de santé et d’assistance. Une protection particulière est accordée aux femmes enceintes, aux mères de jeunes enfants et aux femmes allaitantes. Les États ont l’obligation de leur accorder une attention exceptionnelle en matière de fourniture de nourriture, de vêtements, d’assistance médicale, d’évacuation et de transport. Conformément au droit international humanitaire, les femmes enceintes doivent avoir accès aux services de santé sexuelle et reproductive.

17. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) interdit les violences sexuelles, reproductives et autres violences fondées sur le genre à l’encontre des femmes et des filles, considérées comme une forme de discrimination. [20] Le Conseil de sécurité des Nations unies a réaffirmé la nécessité pour toutes les parties à des conflits armés de prendre des mesures spécifiques pour protéger les femmes et les filles contre la violence fondée sur le genre en situation de conflit armé. [21]

18. Les femmes et les filles bénéficient d’une protection particulière, car elles continuent d’occuper une position inférieure dans la hiérarchie des sexes et subissent des discriminations qui engendrent et perpétuent la violence. Cela les expose davantage au risque de ne pas pouvoir jouir pleinement de leurs droits fondamentaux. Il est également essentiel de reconnaître que l’abus de pouvoir, au cœur même de l’inégalité entre les sexes, entraîne également des vulnérabilités spécifiques pour les hommes et les garçons face aux violences sexuelles et reproductives, en particulier en captivité, où elles sont utilisées comme moyen d’humiliation.

19. Les crimes liés aux violences sexuelles, reproductives et fondées sur le genre sont reconnus comme faisant partie des infractions les plus graves au regard du Statut de Rome. L’enquête et la poursuite de ces crimes constituent l’une des principales priorités de la Commission. [22] Dans son premier rapport au Conseil des droits de l’homme en mai 2022 (A/HRC/50/21, paragraphe 13), la Commission a souligné que son mandat l’oblige à prendre pleinement en compte la discrimination fondée sur le genre ainsi que les formes de discrimination croisées, en tant que moteurs et causes profondes des conflits.

20. Tous les crimes relevant du Statut de Rome peuvent potentiellement comporter des éléments liés au genre, que ce soit dans leur intention, leur commission ou leur exécution, et entraîner des préjudices spécifiques selon le genre. La persécution, en tant que crime contre l’humanité, est définie comme « la privation intentionnelle et grave de droits fondamentaux, en violation du droit international, en raison de l’identité d’un groupe ou d’une collectivité ». [23] La persécution fondée sur le genre inclut ainsi les actes commis à l’encontre d’hommes et de femmes ciblés séparément ou différemment en fonction de leur genre. L’intention discriminatoire peut être démontrée par l’usage disproportionné de comportements persécutoires envers un groupe en raison de son genre. Elle peut également être établie par l’application des mêmes actes de persécution contre plusieurs groupes, mais en les ciblant différemment en fonction du genre. [24]

III. Victimes de sexe féminin et effet disproportionné des explosifs lourds

« C’est une guerre contre les femmes. Des milliers de femmes ont été tuées, et des centaines de milliers vivent dans des conditions extrêmement précaires. Le nombre de femmes et de filles décédées des suites de complications liées à la grossesse et à l’accouchement reste inconnu. » Obstétricien à Gaza [25]

21. Les attaques israéliennes à Gaza se caractérisent par un taux de pertes civiles extrêmement élevé par rapport aux autres conflits armés des dernières décennies. En janvier 2025, après 15 mois d’attaques, plus de 46 000 personnes avaient été tuées par les forces israéliennes à Gaza. [26] Parmi les 40 717 victimes identifiées, environ 24 000 étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées, représentant près de 59 % des décès confirmés. En outre, 11 000 autres personnes sont portées disparues sous les décombres et présumées mortes. [27] Les frappes aériennes et les tirs d’artillerie sont responsables de la majorité des victimes.

22. Si les estimations du nombre de combattants tués par les forces d'occupation israéliennes varient, il ne fait aucun doute que les civils constituent la grande majorité des personnes tuées depuis le début des attaques israéliennes. Selon une évaluation des services de renseignement américains datant de mai 2024, les groupes armés palestiniens ont perdu entre 30 et 35 % de leurs combattants à Gaza depuis octobre 2023. [28] La Commission estime ainsi que le nombre de combattants du Hamas et d’autres groupes armés tués se situe entre 6 000 et 14 000, sur une force estimée à 20 000 à 40 000 militants avant octobre 2023. [29] Un rapport a évalué ce nombre à 8 500 combattants tués. [30] En octobre 2024, les FOI ont affirmé avoir tué environ 17 000 membres du Hamas et d’autres groupes armés. [31] Étant donné qu’environ 16 735 hommes adultes ont été tués depuis le 7 octobre 2023 [32], cela suggérerait que les FOI considèrent tous les Palestiniens adultes de sexe masculin à Gaza comme des membres de groupes armés, et donc comme des cibles légitimes.

23. Parmi les personnes dont la mort a été confirmée, environ 7 216 sont des femmes, soit environ 18 % de toutes les personnes tuées à Gaza depuis le 7 octobre 2023. [33] Au moins 1 213 femmes ont été tuées en octobre 2023, ce qui en fait le mois le plus meurtrier jamais enregistré pour les femmes palestiniennes à Gaza, selon certains experts. [34] La Commission souligne que, bien que le taux de femmes tuées ne puisse remplacer la confirmation de leur statut de civile, les femmes sont plus susceptibles d’expérimenter le conflit en tant que civiles plutôt que comme combattantes. Ces chiffres indiquent donc un nombre élevé de victimes civiles féminines. Les enfants représentent près de 33 % des victimes [35] et, selon les données du ministère de la Santé en septembre 2024, environ 15 % des personnes tuées sont des filles. [36] Depuis le 7 octobre, plus de 100 000 personnes ont été blessées, mais les données détaillées par catégorie ne sont pas disponibles. [37] Au total, environ 33 % des personnes tuées à Gaza depuis octobre 2023 étaient des femmes.

24. La proportion de femmes tuées depuis octobre 2023 est plus de deux fois supérieure à celle du conflit de 2008. En 2008-2009, les femmes représentaient 15 % des décès liés au conflit (8 % de femmes et 7 % de filles), et 22 % des décès en 2014 (13 % de femmes et 8 % de filles). [38] Cette augmentation du nombre de femmes tuées avait déjà été relevée par la Commission d’enquête indépendante des Nations Unies sur le conflit de Gaza en 2014, qui soulignait que les attaques contre les bâtiments résidentiels rendaient les femmes particulièrement vulnérables à la mort et aux blessures. [39]

25. Cette tendance à la hausse semble s’expliquer par plusieurs facteurs, le principal étant l’intensification des bombardements aériens massifs par les forces d’occupation israéliennes depuis le 7 octobre 2023. Des recherches menées par le Comité international de la Croix-Rouge montrent que les armes explosives lourdes à large rayon d’impact posent un risque distinct et exacerbé pour les femmes et les enfants, en raison de leur exposition à des déplacements constants dus aux ordres d’évacuation et à la surpopulation des logements, qui ont également été pris pour cibles. [40] Les mécanismes d’enquête précédents du Conseil des droits de l’homme ont également relevé l’impact différencié de ces armes dans les zones peuplées, où, en raison des rôles sociaux assignés aux genres, les femmes sont principalement responsables du foyer et des soins aux membres de leur famille. [41]

26. La Commission note que cette tendance peut aussi être liée à l’élargissement des critères de ciblage des FOI, qui incluent désormais un nombre bien plus important de maisons privées et d’immeubles résidentiels dans le but déclaré d’éliminer des militants, même en petit nombre [la réalité est que les femmes et les enfants palestiniens sont délibérément ciblés dans une politique de terreur assumée]. Cela entraîne inévitablement un nombre élevé de victimes civiles parmi les membres des familles, les voisins et la communauté au sens large. Concrètement, cela signifie que les FOI intègrent davantage de cibles non exclusivement militaires dans leur « banque de cibles » et autorisent plus largement des attaques contre les domiciles privés de responsables et membres du Hamas, en sachant que des membres de leur famille ou des civils à proximité risquent d’être blessés ou tués. [42]

27. La Commission a documenté plusieurs déclarations des FOI qui pourraient être interprétées comme une autorisation implicite donnée aux combattants israéliens de cibler sans restriction des lieux civils dans la bande de Gaza. [43] Par exemple, le 25 décembre 2023, les FOI ont publié une clarification sur leur approche du ciblage à Gaza, déclarant : « Alors que, lors des opérations ou guerres passées, Israël était plus sélectif ou “précis” quant aux types exacts de cibles du Hamas frappées, étant donné que l’objectif global d’Israël se limitait à réduire les capacités du Hamas, Israël se concentre désormais sur le démantèlement total des capacités du Hamas, c’est-à-dire à infliger un “maximum de dégâts” à ses capacités militaires dans leur ensemble. » [44] La Mission d’établissement des faits des Nations Unies, qui avait enquêté sur l’offensive menée à Gaza en 2008-2009, avait également relevé des stratégies similaires. [45]

28. La méthode de guerre israélienne, qui consiste à détruire intentionnellement et à infliger des souffrances à la population civile, a eu pour conséquence un impact accru sur les femmes et les enfants. [46] Des familles entières à Gaza ont été tuées ensemble dans leurs maisons, en nombre sans précédent. Les experts ont constaté qu’au cours du premier mois de la guerre, plus de neuf femmes et enfants tués sur dix l’ont été dans des bâtiments résidentiels, et 95 % des femmes ont été tuées en même temps qu’au moins un enfant. [47] Une consultante en lactation à Gaza a raconté à la Commission l’histoire d’une jeune mère tuée avec ses jumeaux en août 2024 : « Une de mes patientes venait d’accoucher de jumeaux lorsque son appartement a été attaqué. L’attaque a eu lieu alors que le père se trouvait dans un bureau du gouvernement local pour enregistrer la naissance. La femme et ses nouveau-nés ont été tués sur le coup. La douleur causée par sa mort a été d’autant plus forte qu’aucun militant n’était en vue. » Dans son rapport au Conseil des droits de l’homme en juin 2024, la Commission a documenté plusieurs incidents où des femmes et des filles ont été tuées lors de frappes aériennes sur des zones résidentielles. [48] Ce schéma persiste jusqu’à ce jour. [49]

IV. Le ciblage des femmes et des jeunes filles par Israël

« J’ai vu une femme enceinte qui a été abattue alors qu’elle s’approchait de l’hôpital. Elle est restée là, gisant dans son sang. Personne n’a pu lui venir en aide, car l’hôpital était assiégé par les forces israéliennes. Son corps a été retrouvé en état de décomposition environ vingt jours plus tard. » — Un témoin de l’hôpital al-Awda à Gaza

29. La Commission a vérifié des cas de ciblage délibéré et d’assassinats de femmes et de filles civiles par des membres des FOI à Gaza. Le 12 novembre 2023, Hala Abd Al-Ati, une femme âgée, a été abattue dans le quartier d’Al-Rimal, à Gaza, alors qu’elle tentait d’évacuer les lieux avec sa famille. Dans une vidéo visionnée et vérifiée par la Commission, on voit Al-Ati tenant la main de son jeune petit-fils, qui agite un drapeau blanc. Le groupe avance sur la route à travers une zone urbaine et atteint une intersection. Les membres de sa famille la suivent à quelques mètres derrière lorsque retentit un coup de feu, et elle s’effondre. Les preuves examinées par la Commission indiquent que Mme Al-Ati a été abattue par un tireur d’élite alors qu’elle ne représentait aucune menace. Une enquête de CNN a confirmé la présence des FOI à l’ouest et au sud de l’intersection où s’est produit l’incident. [50] Selon les FOI, la brigade Givati et la 162e division opéraient dans les quartiers d’Al-Rimal et d’Al-Shati au moment des faits. [51]

30. Le 16 décembre 2023, aux alentours de midi, Nahida et Samar Anton, une mère et sa fille adulte, ont été tuées par un tireur d’élite des FOI dans l’église catholique de la Sainte-Famille, à Gaza. Un témoin interrogé par la Commission a déclaré que les deux femmes ont été abattues alors qu’elles se rendaient aux toilettes, situées dans un autre bâtiment du même complexe. Selon ce témoin, des soldats israéliens étaient déployés dans la rue derrière l’enceinte de l’église et avaient crié en arabe qu’il était interdit de sortir. Les deux femmes ont quitté le bâtiment pour aller aux toilettes à l’intérieur du complexe de l’église lorsqu’elles ont été prises pour cible et abattues.

31. Selon le Patriarcat latin de Jérusalem, sept autres personnes ont été blessées par balle lors du même incident, alors qu’elles s’étaient précipitées dans la cour pour porter secours aux deux femmes. Le Patriarcat latin a précisé qu’aucun combattant ne se trouvait à l’intérieur de l’église au moment de la fusillade et qu’aucun avertissement n’avait été donné avant l’attaque. En outre, la liste des coordonnées du site avait été transmise à l’armée israélienne avant l’incident, mais celle-ci avait répondu qu’elle ne pouvait pas garantir la sécurité des civils à l’intérieur des bâtiments. Les forces d’occupation israéliennes ont nié avoir intentionnellement ciblé les deux femmes, affirmant qu’elles répondaient à une menace identifiée dans la zone de l’église. [52] Toutefois, un porte-parole du bureau du Premier ministre israélien a affirmé qu’« il n’y a pas eu de combats samedi dans le quartier de Rimal où se trouve cette église catholique », contredisant ainsi la déclaration des FOI selon laquelle elles opéraient à cet endroit et répondaient à une menace. [53] La Commission n’a trouvé aucune preuve que les femmes ou les occupants de l’église constituaient une menace pour les soldats des FOI. Elle n’a pas non plus trouvé d’indice indiquant un échange de tirs au moment où les femmes ont été abattues. Elle conclut que les femmes ont été abattues par un tireur d’élite des FOI, qui devait être en mesure d’identifier les personnes en mouvement comme étant des femmes. Selon les FOI, la 401e brigade de la 162e division, ainsi que les forces des unités Shaldag, Shayetet 13 et Yahalom, opéraient à Gaza au moment de l’incident. [54]

32. La Commission a documenté le cas d’une femme enceinte abattue par un tireur d’élite des FOI à l’extérieur de l’hôpital al-Awda lors du siège de l’établissement en décembre 2023. Des témoins ont rapporté à la Commission que la femme enceinte avait été tuée à proximité du bâtiment de l’hôpital alors qu’elle marchait en direction de celui-ci. À ce moment-là, la zone était occupée par les forces israéliennes, ce qui a empêché toute tentative de secours. Selon un témoin, personne n’a pu l’atteindre en raison de la présence des FOI, et elle est morte des suites de ses blessures. Certaines sources indiquent que son corps a été abandonné sur place et s’est décomposé. La Commission a également reçu des informations sur une autre femme abattue devant son fils à l’extérieur du même hôpital, mais elle n’a pas été en mesure de vérifier ces faits.

33. La Commission a enquêté sur le meurtre d’une femme et de quatre filles près de la station-service Faris, dans le quartier de Tel al-Hawa, à Gaza, le 29 janvier 2024. Lors de cet incident, Bashar Hamada Hamouda et Enaam Mohammad Hamada ont été tués alors qu’ils conduisaient une voiture transportant leurs cinq enfants (quatre filles et un garçon), dont leur fille Layan Hamada, âgée de 15 ans, et leur nièce Hind Rajab, âgée de 5 ans et demi. La Commission a établi que la voiture de la famille avait été délibérément prise pour cible aux premières heures du matin par des tirs vraisemblablement issus de canons montés sur des chars d’assaut, tuant les parents de Layan ainsi que trois de ses frères et sœurs, et laissant Layan et Hind blessées. Layan était encore en vie au moins jusqu’à 14h45, moment où elle a répondu à un appel du Croissant-Rouge palestinien (PRCS). Lors de cet appel, elle a signalé que Hind et elle étaient blessées et qu’un char d’assaut était à proximité. Layan a probablement été tuée peu après, des coups de feu ayant été entendus au cours de l’appel avant que la ligne ne soit brutalement coupée. Hind est restée en vie au moins jusqu’à 19h00 ce jour-là.

© Alain Marshal

34. Une ambulance a été envoyée sur place vers 17h40 avec à son bord deux ambulanciers, Yousef Zeino et Ahmed al-Madhoun, après que son itinéraire ait été autorisé et coordonné avec les FOI via le ministère de la Santé à Gaza et des tiers. Vers 18h00, l’ambulance a été touchée par un obus de char à environ 50 mètres de la voiture de la famille. La présence des FOI dans la zone a empêché toute tentative d’évacuation et de secours des victimes. En conséquence, les corps des membres de la famille n’ont pu être récupérés de leur voiture endommagée et criblée de balles que 12 jours après l’incident. L’ambulance a été retrouvée détruite à proximité, contenant des restes humains. La Commission conclut que ce ciblage par les FOI était délibéré et qu’ils auraient dû être en mesure de déterminer que les occupants du véhicule ne représentaient aucune menace.

35. Les cas évoqués ci-dessus illustrent la manière dont des femmes et des filles ont été prises pour cible et tuées à la suite de l’élargissement des critères de ciblage des FOI, en l’absence de toute tentative perceptible de leur part pour distinguer combattants et civils.

36. Dans son rapport de juin 2024 au Conseil des droits de l’homme, la Commission a signalé plusieurs déclarations, y compris celles de responsables israéliens et de membres de la Knesset, qui peuvent être perçues comme appelant à l’anéantissement de Gaza et incitant les forces israéliennes à ne pas faire la distinction entre militants et civils [55]. Ces déclarations documentées par la Commission affirmaient que l’ensemble de la population de Gaza devait être considérée comme responsable de l’attaque du 7 octobre 2023. Les Palestiniens de Gaza étaient assimilés à des complices, quel que soit leur âge, leur genre ou leur statut civil, et devaient être exterminés.

Voir Cour internationale de justice : les intentions génocidaires d’Israël à Gaza et Cour internationale de justice : le comportement génocidaire d’Israël à Gaza

37. Les femmes palestiniennes ont également été spécifiquement ciblées par cette incitation. L’ancien chef du Conseil national de sécurité, le général de division Giora Eiland, a fait des déclarations aux médias insistant sur la nécessité de traiter collectivement les Palestiniens de Gaza, en ciblant particulièrement les femmes et en plaidant pour une réduction de l’aide humanitaire : « Après tout, qui sont les femmes âgées de Gaza ? Ce sont les mères et grands-mères des combattants du Hamas qui ont commis les atrocités du 7 octobre. Dans cette situation, comment peut-on parler de considérations humanitaires, surtout alors qu’il reste encore des otages, dont Dieu seul sait ce qu’ils sont devenus ? » [56].

38. Autre exemple : Eliyahu Yosian, commentateur de l’Institut Misgav pour la sécurité nationale, a évoqué la situation dans la bande de Gaza lors d’une interview avec Yinon Magal. L’entretien a été diffusé sur la chaîne 14, une chaîne de télévision commerciale israélienne de droite, qui offre une plateforme constante aux commentateurs, journalistes et membres de l’armée pour tenir des propos incitant à la violence contre les Palestiniens. Lors de cette interview, Yosian a déclaré qu’Israël devait « raser Gaza, tuer autant de personnes que possible et n’épargner personne », en ciblant particulièrement les femmes : « La femme est un ennemi, le bébé est un ennemi, et la femme enceinte est un ennemi. » [57] La vidéo, publiée par la chaîne 14 News, comptait 1,6 million de vues au 3 janvier 2024 [58].

V. La destruction des Palestiniens par Israël au moyen de violences reproductives

A. Attaques directes contre les infrastructures de santé sexuelle et reproductive

« Les mesures imposées par Israël, associées aux bombardements répétés depuis octobre 2023, auront des effets à long terme sur la fertilité des femmes de Gaza. Nous ignorons encore l’ampleur des traumatismes subis par ces femmes, les répercussions sur leurs bébés à naître, ainsi que l’impact à long terme sur le peuple palestinien. » Directeur d’une agence de santé à Gaza

39. Les attaques directes contre les établissements de santé fournissant des soins de santé sexuelle et reproductive ont affecté environ 540 000 femmes et jeunes filles en âge de procréer à Gaza [59].

40. En avril 2024, seuls deux des 12 hôpitaux partiellement fonctionnels offrant auparavant des soins de santé sexuelle et reproductive étaient encore en mesure de le faire. Les attaques directes contre les principales maternités de Gaza, à l’hôpital al-Shifa et à l’hôpital al-Nasser, ont rendu ces services non opérationnels. Les établissements spécifiquement désignés pour fournir des soins de santé sexuelle et reproductive ont été directement ciblés ou contraints de cesser leurs activités, notamment la maternité al-Emirati, l’hôpital al-Awda, la maternité al-Mahdi et l’hôpital Sahaba, qui constituent les principales infrastructures de santé maternelle dans le sud et le nord de la bande de Gaza. Parallèlement, plusieurs maternités d’autres hôpitaux ont été forcées de fermer, notamment l’hôpital al-Aqsa en janvier 2024. La situation reste dramatique : en janvier 2025, selon l’OCHA, seuls sept des 18 hôpitaux partiellement fonctionnels de Gaza disposaient encore de soins obstétricaux et néonatals d’urgence, en plus de quatre des onze hôpitaux de campagne et d’un centre de santé communautaire [60].

41. Le centre de fécondation in vitro al-Basma, la plus grande clinique de fertilité de Gaza, a été bombardé en décembre 2023, détruisant environ 4 000 embryons, ainsi que 1 000 échantillons de sperme et ovules non fécondés. Selon les rapports, le centre al-Basma accueillait entre 2 000 et 3 000 patientes chaque mois et réalisait environ 70 à 100 procédures de FIV. Le siège imposé à Gaza et la pénurie d’azote liquide — utilisé pour maintenir les réservoirs de stockage au froid — ont considérablement entravé le fonctionnement de la clinique et la préservation du matériel reproductif durant les premiers mois de la guerre. Tout le matériel reproductif conservé a été totalement perdu lorsque la banque génétique a été attaquée au début du mois de décembre 2023. Au cours de cette attaque, le laboratoire d’embryologie a été directement touché, entraînant la destruction de l’ensemble du matériel reproductif stocké.

42. Après analyse visuelle des images du site, la Commission a conclu que les dommages considérables subis par l’extérieur et l’intérieur du bâtiment ont été causés par un projectile de gros calibre, très probablement un obus tiré par un char des FOI. L’imagerie satellitaire montre que la zone autour de la clinique a été fortement endommagée par les hostilités. Le Centre al-Basma était un bâtiment autonome, clairement identifié par son enseigne. Dans une déclaration à la chaîne américaine ABC News, un porte-parole des FOI a affirmé que l’armée israélienne n’avait pas connaissance de cette frappe spécifique. L’armée a également déclaré qu’elle prenait des mesures étendues pour limiter les dommages civils, qu’elle respectait les infrastructures nécessitant une protection spéciale et qu’elle ne ciblait pas délibérément les infrastructures civiles, y compris les cliniques de fécondation in vitro. La Commission n’a trouvé aucune information crédible indiquant que le bâtiment était utilisé à des fins militaires. Aucun service de procréation assistée opérationnel n’a été identifié dans la bande de Gaza (janvier 2025).

43. La Commission a également enquêté sur les attaques contre l'hôpital al-Awda, principal fournisseur de soins de santé reproductive dans le nord de Gaza, ciblé à plusieurs reprises par les FOI de novembre 2023 à janvier 2024, puis de nouveau en mai 2024. L'hôpital a été attaqué bien que les autorités israéliennes aient reçu ses coordonnées GPS de Médecins Sans Frontières (MSF), qui avait informé toutes les parties qu’il s’agissait d’un hôpital en activité. [61] Le 21 novembre 2023, une frappe a tué trois médecins, dont deux de MSF. En décembre 2023, l’hôpital a été assiégé, piégeant quelque 240 personnes confrontées à une grave pénurie de nourriture, d’eau et de médicaments. Pendant le siège, tous les hommes de plus de 15 ans ont été contraints de quitter l’hôpital en sous-vêtements, et plusieurs membres du personnel médical, dont le directeur de l’hôpital, ont été arrêtés. Plusieurs personnes, parmi lesquelles du personnel médical et une femme enceinte, auraient été tuées par des tireurs embusqués.

 44. Jusqu’à la fin février 2024, l’hôpital al-Awda, qui abritait l'une des rares maternités encore fonctionnelles dans le nord de Gaza, est resté partiellement opérationnel, accueillant bien plus de patientes qu’il ne pouvait en prendre en charge. Il aurait traité 15 577 patientes entre le 7 octobre et le 23 décembre 2023 avec seulement 75 lits. Le 27 février 2024, l’administration de l’hôpital a annoncé la cessation partielle de ses activités en raison du manque de carburant, d’électricité et de fournitures médicales, avec des conséquences désastreuses pour les soins de santé, en particulier pour les patientes en maternité.

45. Les routes menant à l’hôpital ont été détruites, obligeant certaines femmes enceintes à marcher jusqu’à quatre kilomètres pour y accéder. La Commission a reçu des informations selon lesquelles la qualité des soins à al-Awda s'était détériorée en raison du siège, et que des équipements défectueux ou endommagés, tels que les dispositifs de stérilisation et les couveuses, ne pouvaient être réparés faute de pièces de rechange.

46. Par ailleurs, les attaques israéliennes contre les infrastructures médicales ont entraîné des blessures et des décès parmi les patients, y compris des enfants et des filles, et ont eu des conséquences dévastatrices sur les soins pédiatriques et néonataux dans les hôpitaux de Gaza. Elles ont engendré un besoin critique et non satisfait en soins médicaux et chirurgicaux complexes pour les enfants, notamment les bébés prématurés.

B. Blocage de l'accès aux soins de santé reproductive

« Accoucher à Gaza, c’est comme accoucher au Moyen Âge. Il n’y a pas d’accès aux soins néonatals, prénatals ou post-partum. Le matériel de base pour l’accouchement, comme les forceps, est introuvable, tout comme des médicaments essentiels, notamment ceux contre l’hypertension pour traiter des affections graves comme la prééclampsie. En conséquence, la morbidité maternelle, les mortinaissances et les fausses couches ont augmenté. » Obstétricien à Gaza

47. La Commission a documenté des conditions extrêmement dangereuses pour les femmes accouchant dans les hôpitaux de Gaza, notamment le manque de personnel spécialisé, de médicaments et d’équipements. Des professionnels de santé ont témoigné des difficultés majeures rencontrées pour gérer la douleur des patientes et prévenir les infections, en raison d’un manque récurrent de péridurales, d’anesthésiques, d’antalgiques, de médicaments contre l’hypertension, d’immunoglobuline anti-D et d’antibiotiques. Un urgentiste ayant exercé à l’hôpital Nasser en janvier 2024 a décrit les défis considérables posés par l’absence d’analyses de laboratoire fiables et d’équipements adéquats, entraînant des complications évitables. Des obstétriciens ont signalé que les femmes de Gaza recevaient très peu de soins obstétriques et que nombre d’entre elles souffraient d’infections vaginales non traitées, susceptibles de provoquer des accouchements prématurés, des fausses couches ou une stérilité. Le personnel médical a rapporté que de nombreuses patientes arrivaient en maternité souffrant de malnutrition, de déshydratation, d’infections diverses et d’anémie.

48. Des femmes ont raconté avoir accouché dans des conditions extrêmement précaires, dans des hôpitaux affectés par la poursuite des hostilités, confrontées au manque de personnel spécialisé, de lits, d’antalgiques et d’installations adaptées. Le manque de médicaments contre la douleur a particulièrement affecté celles ayant subi une césarienne. Une femme a témoigné auprès de la Commission de son accouchement par césarienne à la maternité émiratie d’al-Rafah. Elle a dû marcher 30 minutes avant de trouver un véhicule pour l’emmener à l’hôpital, où elle a accouché dans un environnement surpeuplé. Après son opération, elle a dû partager un lit avec une autre femme et a été renvoyée chez elle dès le lendemain.

49. Le personnel médical a informé la Commission de l'augmentation de la morbidité maternelle ainsi que des décès néonataux et fœtaux intrapartum, probablement en raison des conditions extrêmement difficiles, notamment le manque d’espace, de médicaments et d’équipements.
La Commission a interrogé un obstétricien qui a évoqué la mort de patientes enceintes qu'il avait soignées, les qualifiant de « victimes indirectes de la guerre ». Plusieurs de ces décès étaient dus à l’absence de médicaments et de traitements appropriés. Il a également souligné que nombre de ses patientes, avant et après l’accouchement, souffraient de malnutrition ou étaient affaiblies par des maladies et des infections.
Dans un cas, une femme enceinte d’une trentaine d’années est décédée à l’hôpital émirati de Rafah des suites d’une infection (septicémie) après une césarienne compliquée. L’obstétricien a également évoqué une autre femme enceinte qu’il avait soignée à l’hôpital européen : diabétique, elle est décédée en raison du manque de médicaments et de traitements adaptés.

50. Selon l’OMS, 24 types de médicaments et d’équipements nécessaires aux soins prénataux, à l’accouchement et aux soins postnataux étaient en pénurie et nécessitaient une livraison urgente dès décembre 2024.

51. De plus en plus de femmes accouchent dans des conditions précaires, à domicile ou dans des abris, avec peu ou pas d’assistance médicale, ce qui accroît le risque de complications pouvant entraîner des séquelles à vie, voire la mort. La Commission a reçu des témoignages de femmes contraintes d’accoucher chez elles avec une assistance médicale insuffisante, faute de pouvoir se rendre à l’hôpital ou dans une clinique en raison de l’insécurité ou du manque de moyens de transport. Une femme a raconté à la Commission les difficultés qu’elle avait rencontrées pour accéder aux soins de santé reproductive à Khan Younis au début de la guerre, alors qu’elle était enceinte. Elle et son mari ont dû se préparer à un accouchement à domicile en regardant des vidéos en ligne : « Mon mari avait visionné des vidéos sur Internet pour apprendre à accoucher, se préparant à toute éventualité. Il était si inquiet pour ma sécurité qu’il avait même envisagé de me laisser chez quelqu’un d’autre pour s’assurer que l’on prendrait soin de moi. »

52. La Commission a reçu des rapports de professionnels de santé faisant état de femmes enceintes accouchant dans des conditions extrêmement précaires, vivant dans des abris avec très peu d’aide, de matériel médical ou d’équipement, et sans accès aux hôpitaux. Un médecin a expliqué que certaines femmes se rendaient à l’hôpital pour demander aux soignants d’établir des certificats de naissance pour leurs nouveau-nés mis au monde sous des tentes, dans des camps de personnes déplacées.

53. Les coupures d’électricité et de télécommunications ont encore accru les risques pour les femmes enceintes et les nouveau-nés. Un médecin a expliqué à la Commission que l’absence de communications avait empêché la coordination entre les hôpitaux et les ambulances, compromettant l’accès des femmes et des jeunes filles aux soins maternels. En outre, les lignes d’urgence pour les accouchements à domicile étaient inaccessibles. Le blocus et la poursuite des hostilités ont également entravé la distribution de « kits d’accouchement sécurisé à domicile » aux femmes enceintes.

54. L’augmentation massive des admissions en urgence a entraîné une dépriorisation des soins de santé reproductive dans les rares établissements encore fonctionnels. Face à des dizaines de milliers de blessés de guerre, l’obstétrique et la gynécologie n’étaient plus une priorité, et seuls les cas les plus graves recevaient ce qui était considéré comme des soins de base. Un pédiatre interrogé par la Commission a cité l’exemple des femmes ayant subi des césariennes : à l’hôpital Al Nasser, elles étaient renvoyées chez elles en moins de 24 heures après l’intervention, souvent sans suivi postnatal. Avant l’offensive, ces patientes restaient hospitalisées entre 24 et 48 heures, voire plus en cas de complications, afin de recevoir des soins adaptés. Dans certaines régions, les femmes et les jeunes filles n’avaient tout simplement plus accès aux soins maternels.

55. D’après les professionnels de santé interrogés par la Commission, les soins prénataux avaient été relégués au second plan et n’étaient plus assurés. Les mères en post-partum et leurs nouveau-nés ne disposaient pas du temps nécessaire pour récupérer après l’accouchement.
Les patientes étaient renvoyées chez elles seulement quelques heures après avoir accouché, alors qu’elles étaient encore mentalement et physiquement vulnérables, afin de libérer des lits pour d’autres patientes. Par ailleurs, les soins postnataux étaient indisponibles, ce qui a eu des conséquences sur quelque 60 000 patientes en maternité, privées d’un suivi et de soins adéquats. La Commission s’est entretenue avec une sage-femme qui a rapporté que des femmes devaient marcher des heures pour atteindre un centre de soins où faire changer le pansement de leur césarienne et qu’elles manquaient de protections hygiéniques pour gérer les saignements post-accouchement. L’absence de protections hygiéniques obligeait ces femmes à utiliser du tissu ou à conserver la même serviette trop longtemps, provoquant infections et complications.

56. Depuis le 7 octobre, Israël a suspendu la délivrance des autorisations de sortie de Gaza pour traitement médical, n'autorisant les évacuations médicales qu'à titre exceptionnel. Cette mesure a entraîné une réduction drastique du nombre de patients pouvant recevoir des soins hors de Gaza. À titre de comparaison, en 2022, les autorités israéliennes avaient approuvé environ 13 500 demandes de patients souhaitant se faire soigner à l'extérieur de Gaza. [62] Après le 7 octobre 2023, Israël n’a approuvé que 4 947 évacuations médicales, jusqu’à la fermeture du point de passage de Rafah le 7 mai 2024. [63] Depuis, ce nombre a encore chuté, atteignant seulement 458 patients entre le 8 mai 2024 et le 15 janvier 2025. [64]

57. En conséquence, les patients ont souffert physiquement et mentalement, et certains sont décédés faute de traitements adéquats contre le cancer. [65] Cela concerne notamment des patients atteints de cancers gynécologiques, tels que le cancer des ovaires, du col de l’utérus et du sein. La Commission s’est entretenue avec un médecin ayant soigné en décembre 2024 une patiente atteinte d’un cancer de la vulve. La tumeur de cette patiente s’était développée pendant huit mois, le temps qu’elle attende une autorisation pour quitter Gaza et bénéficier d’une radio-chimiothérapie. Aucun traitement non invasif n’étant disponible à Gaza, le médecin a dû procéder à une intervention chirurgicale. Une radio-chimiothérapie était pourtant nécessaire pour réduire la tumeur. Selon le médecin, la patiente a enduré des souffrances physiques et mentales immenses.

58. Les hostilités à Gaza ont eu un impact psychologique dévastateur sur les femmes enceintes, en post-partum et allaitantes, en raison de leur exposition directe au conflit armé, des déplacements forcés, de la famine et de l’accès limité à des soins de santé adéquats. Les urgences obstétricales et les naissances prématurées auraient fortement augmenté sous l’effet du stress et des traumatismes, tandis qu’une hausse allant jusqu’à 300 % des fausses couches a été signalée depuis le 7 octobre 2023. Les experts ont indiqué à la Commission que l’impact psychologique et physique à long terme de ces conditions précaires sur les femmes, les nouveau-nés et les familles restait inconnu.

C. La famine et ses effets sur la santé reproductive

« C'était trop pour moi, trop pour les femmes. C’est plus que ce qu’un être humain peut supporter. » Une jeune mère à Gaza

59. Dans son rapport 2024 au Conseil des droits de l’homme, la Commission a constaté que les autorités israéliennes utilisaient la famine comme méthode de guerre. [66] En outre, la famine a eu un impact gravement préjudiciable sur les femmes et les filles, en particulier les femmes enceintes et en post-partum. Les femmes enceintes et allaitantes ont été confrontées à des risques spécifiques pour leur propre santé et celle de leurs nouveau-nés en raison de la malnutrition. Dès novembre 2023, des milliers de femmes déplacées et de nourrissons vivant dans les installations de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) auraient eu besoin de soins médicaux en raison de l’augmentation de la malnutrition, de la déshydratation et des maladies hydriques. [67]

60. L’ONU a à plusieurs reprises mis en garde contre les risques auxquels sont exposées les femmes souffrant de famine. En novembre 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti qu’à mesure que l’accès à la nourriture et à l’eau se détériorait, le risque de décès augmenterait pour les mères et leurs bébés. [68] Mi-décembre, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a signalé que des femmes enceintes souffraient de la faim. [69] En janvier 2024, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a exprimé son inquiétude concernant la nutrition de plus de 155 000 femmes enceintes et mères allaitantes, compte tenu de leurs besoins nutritionnels spécifiques et de leur vulnérabilité. [70] D’après les informations disponibles, la diversité alimentaire essentielle aux femmes enceintes et allaitantes était gravement compromise, la plupart d’entre elles ne consommant que deux types d’aliments par jour. [71]

61. Selon les recommandations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur la diversité alimentaire minimale pour les femmes, celles-ci devraient consommer des aliments issus d’au moins cinq groupes alimentaires différents par jour. [72] Par ailleurs, la grossesse et l’allaitement augmentent les besoins en nutriments de qualité ainsi que les besoins énergétiques. La malnutrition avant et pendant la grossesse et l’allaitement peut entraîner une anémie, une prééclampsie, des hémorragies, la mort maternelle, la mort néonatale ou encore un accouchement prématuré. [73] Un apport insuffisant en nutriments chez les enfants entrave leur croissance physique et cérébrale.

62. En février 2024, le Global Nutrition Cluster a signalé que la diversité alimentaire des femmes enceintes et allaitantes dans le nord de Gaza, à Deir al-Balah, Khan Younès et Rafah était « extrêmement critique ». [74] Selon les rapports de la phase de classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) publiés en juin 2024, la situation restait désastreuse pour ces femmes, compromettant la survie, la croissance et le développement de leur enfant. [75] En juin 2024, ONU Femmes a rapporté que, parmi les ménages où les mères allaitent, 55 % déclaraient souffrir de problèmes de santé entravant l’allaitement, et 99 % signalaient des difficultés à produire suffisamment de lait maternel. [76]

63. Plus de 15 mois après le début des attaques sur Gaza, la situation est plus critique que jamais. Selon les rapports de l’UNFPA publiés en octobre 2024, 42 000 femmes enceintes étaient confrontées à des niveaux de faim de crise (IPC 3) et plus de 3 000 à des niveaux catastrophiques d'insécurité alimentaire (IPC 5), des chiffres qui, selon les prévisions, devraient encore augmenter au cours de l’hiver. [77] D’après une analyse de l’IPC publiée en octobre 2024, environ 60 000 cas de malnutrition aiguë ont été signalés parmi les jeunes enfants âgés de six à 59 mois, et 16 500 femmes enceintes et allaitantes auraient besoin d’un traitement contre la malnutrition aiguë. [78] Selon les rapports de l’OCHA de décembre 2024, 96 % des enfants âgés de 6 à 23 mois et des femmes ne parvenaient pas à couvrir leurs besoins nutritionnels en raison du manque de diversité alimentaire minimale. [79]

64. Un obstétricien interrogé par la Commission a souligné les conditions éprouvantes auxquelles sont confrontées les femmes et les filles en raison des effets de la famine, précisant que de nombreuses patientes prénatales et postnatales étaient mal nourries ou affaiblies par des maladies et des infections. La Commission s’est également entretenue avec des femmes ayant vécu la famine et la privation alimentaire durant leur grossesse ou leur allaitement. Elles ont évoqué le manque d’accès à la nourriture et à l’eau potable, combiné à des déplacements multiples et à la perte de membres de leur famille. Ces facteurs ont aggravé leur anxiété et leur stress, affectant à la fois leur propre bien-être et celui de leurs bébés. L’impact du stress et du manque de nourriture et d’eau sur la lactation a été confirmé par plusieurs professionnels de santé.

65. Ces difficultés sont souvent amplifiées par l’expérience du déplacement. Une femme, enceinte de sept mois lorsqu’elle a été contrainte de quitter la ville de Gaza pour Rafah en novembre 2023, a raconté à la Commission qu’elle avait dû marcher 14 heures d’affilée, portant ses affaires, avec très peu de nourriture et d’eau, malgré l’avancement de sa grossesse. Après la naissance de son bébé, elle n’a pas pu accéder à une alimentation adéquate et suffisante en raison de la rareté des denrées et de leurs prix élevés, la contraignant à se nourrir uniquement de conserves et de labna (yaourt épais). La Commission a également recueilli le témoignage d’une femme enceinte de huit mois, vivant sous une tente avec sa famille à l’extérieur d’un hôpital près de Khan Younis en novembre 2023. Elle a déclaré qu’il n’y avait ni farine pour faire du pain, ni lait, ni œufs, et qu’ils ne mangeaient que du thon en conserve. Elle attribue le manque de nutrition adéquate et son état psychologique à des complications durant sa grossesse.

66. Plusieurs femmes ont confié à la Commission qu’elles n’avaient plus pu produire de lait maternel en raison du manque de nourriture et de l’impact psychologique des opérations militaires et du blocus. Ce constat a été confirmé par des professionnels de santé. Une femme allaitante réfugiée dans une école à Rafah a expliqué que son corps était incapable de produire du lait, en raison du stress accumulé depuis le début des attaques israéliennes et du manque d’accès aux aliments frais, qui a entraîné une perte de poids substantielle. Une autre femme a déclaré qu’elle ne produisait plus de lait maternel à cause du stress et de l’anxiété provoqués par les hostilités.

67. La Commission souligne que cette situation est particulièrement préoccupante en raison du manque de lait maternisé et d’eau propre nécessaire à sa préparation. Depuis le 7 octobre 2023, un nombre croissant de nourrissons ont dû compter sur le lait maternisé pour survivre. La Commission relève le rapport du Global Nutrition Cluster, qui avertit que « la rareté de l’eau potable nécessaire à la préparation du lait maternisé augmentera le risque d’infection des jeunes enfants et, par conséquent, la malnutrition ». [80] En décembre 2023, l’UNICEF a rapporté que 130 000 enfants de moins de deux ans ne recevaient pas « l’allaitement maternel essentiel et une alimentation complémentaire adaptée à leur âge. » [81]

68. La Commission a interrogé une femme déplacée atteinte d’un cancer du sein, qui a dû reporter sa césarienne de 12 jours en raison du manque d’anesthésie à l’hôpital Al-Awda de Nuseirat. Le lendemain de son accouchement, on lui a demandé de quitter l’hôpital faute de lits disponibles. Elle a décrit son retour au refuge, où elle vivait dans des conditions extrêmement précaires, se sentant étourdie et épuisée. Elle a confié à la Commission : « Avant l’accouchement, je me demandais comment j’allais pouvoir payer les soins prénataux et l’accouchement lui-même. Il en va de même pour le lait maternisé destiné à mon enfant, car je ne peux pas l’allaiter à cause de mon cancer. »

D. Problèmes de santé menstruelle et reproductive

« Il n’y a aucune dignité pour les mères à Gaza. Il n’y a aucune dignité à accoucher sans soulagement de la douleur, à saigner pendant des semaines après l’accouchement sans accès à des serviettes hygiéniques et à de l’eau propre, ou à allaiter son enfant dans un abri surpeuplé où l’on partage sa chambre avec des hommes inconnus. » Pédiatre à Gaza

69. La Commission a documenté les besoins spécifiques des femmes en matière de santé menstruelle et reproductive après avoir interrogé plusieurs d’entre elles sur les conditions insalubres résultant de la surpopulation et du manque d’eau.

70. Les femmes et les filles, en particulier celles vivant dans des foyers dirigés par des femmes, ont rencontré de grandes difficultés pour accéder à l’eau potable et aux installations sanitaires, surtout lorsque celles-ci étaient éloignées de leur lieu de déplacement. La Commission a reçu des rapports indiquant que des femmes et des filles tentaient de réduire leur besoin d’aller aux toilettes, par exemple en évitant de manger et de boire, principalement en raison des conditions insalubres, du fait qu’elles devaient utiliser des toilettes proches des hommes ou parce que la seule option possible était d’aller à des toilettes situées loin de leur lieu de vie.

71. Les femmes enceintes ou allaitantes ont des besoins particuliers et sont exposées à des risques accrus pour leur santé dans des conditions insalubres, notamment en raison de leur besoin plus fréquent d’utiliser les toilettes. Une femme enceinte, déplacée et vivant sous une tente près de Khan Younis, a déclaré à la Commission qu’il lui était particulièrement difficile d’accéder aux toilettes, surtout la nuit.

72. L’accès limité à l’eau pour l’hygiène personnelle et le lavage des vêtements a entraîné la propagation de maladies parmi les personnes déplacées, ainsi qu’une augmentation des infections vaginales et urinaires chez les femmes et les filles. Selon un rapport publié par ONU Femmes en septembre 2024, plus de 90 % des femmes interrogées souffraient d’infections urinaires. [82] Une sage-femme interrogée par la Commission a expliqué que ces infections vaginales et urinaires étaient devenues courantes en raison des mauvaises conditions sanitaires, du manque d’accès à l’eau et à des sous-vêtements propres, et de l’obligation pour les femmes de faire la queue pendant des heures pour accéder aux toilettes. Un autre problème lié au manque d’hygiène est l’infection des seins chez les mères allaitantes (mastite).

73. La Commission a interrogé une femme résidant à l’hôpital Al Shifa qui souffrait d’infections en raison du manque d’accès à l’eau pour se laver. Elle a déclaré qu’il y avait des ordures partout à l’intérieur de l’hôpital, car il n’était pas sûr de les sortir à l’extérieur. Une autre femme interrogée par la Commission a indiqué que l’impossibilité de se doucher lui avait causé plusieurs infections vaginales. Elle et sa famille n’avaient ni les moyens ni la possibilité de laver leurs sous-vêtements. Une femme a témoigné auprès de la Commission : « Nous avons monté une tente à l’extérieur de l’hôpital européen et nous y sommes restés, sans nourriture ni eau. Je devais marcher loin pour aller chercher de l’eau et laver notre linge. J’ai dû rester 17 jours sans me doucher et je dormais à même le sol, qui était très sale. J’étais enceinte et devais fréquemment utiliser les toilettes de l’hôpital, mais j’essayais d’éviter autant que possible, car elles étaient bondées, sales et difficiles d’accès. J’ai souffert de plusieurs infections vaginales à cause de cela. »

74. Des femmes déplacées ont rapporté à la Commission que leurs cycles menstruels étaient devenus une source de stress. Le manque d’accès à l’eau et aux infrastructures sanitaires, combiné à l’absence de protections menstruelles et de moyens pour les jeter, affecte également le sentiment de dignité ainsi que le bien-être physique et psychologique des femmes et des jeunes filles. La Commission a reçu des informations concernant des femmes et des filles ayant recours à des solutions de fortune, fabriquées artisanalement, pour remplacer les serviettes hygiéniques. Ces alternatives les exposent aussi à un risque accru d’infections des voies reproductives et urinaires, pouvant entraîner l’infertilité, des complications à l’accouchement et un risque accru d’infections sexuellement transmissibles. Un professionnel de santé a expliqué à la Commission que, dans des conditions d’hygiène précaires et en l’absence d’accès aux antibiotiques, les infections vaginales et urinaires sont à la fois douloureuses et graves. Les infections externes peuvent évoluer en infections internes et, sans prise en charge médicale adéquate, entraîner une fausse couche, une perte de fertilité et, dans le pire des cas, la mort.

75. Une sage-femme interrogée par la Commission a expliqué que la pénurie de protections menstruelles était une préoccupation majeure pour les femmes et que les organisations ne parvenaient pas à répondre à la demande croissante. « Vous imaginez, seulement 30 paquets ! Nous ne savions pas à qui les donner, qui prioriser, et comment rendre justice à ces femmes. » Elle a également souligné que les femmes ayant accouché avaient elles aussi besoin de serviettes hygiéniques et que l’utilisation d’alternatives non hygiéniques entraînait de graves infections. Une femme a témoigné auprès de la Commission qu’après avoir accouché en mai 2024, elle avait dû porter la même serviette pendant deux jours, faute de disponibilité.

76. La Commission a interrogé une femme qui avait séjourné dans un abri à Rafah. Elle a expliqué que son père lui avait acheté des serviettes hygiéniques parce qu’ils avaient un peu d’argent. Elle a ajouté qu’elle n’osait même pas imaginer la situation de celles qui n’avaient pas les moyens d’en acheter. Une autre femme a confié à la Commission les difficultés rencontrées pour se procurer des protections menstruelles : « Nous n’avons pas les moyens d’acheter des serviettes hygiéniques. Si nous avons de l’argent, la priorité est d’acheter de la nourriture pour que la famille survive, plutôt que des serviettes hygiéniques pour quelque chose de temporaire. Nous devons équilibrer nos priorités et, malheureusement, la gestion des menstruations n’en fait pas partie. »

77. Une autre femme a témoigné qu’en raison du manque de serviettes hygiéniques, elle avait dû, à un moment donné, utiliser des couches pour enfants ou un morceau de tissu. La Commission a connaissance d’autres témoignages similaires, y compris des femmes qui, faute d’alternative, ont été contraintes d’utiliser des vêtements sales pendant leurs règles. Sans eau ni intimité, elles n’avaient aucun moyen de se laver ni de laver leurs sous-vêtements.

[A suivre]

NOTES

1. Voir A/HRC/56/26, C/56/CRP.4 et A/79/232.

2. Voir A/HRC/56/26, A/79/232 et A/HRC/56/CRP.3. Officiellement appelées Brigades Izz al-Din al-Qassam, la Commission utilise les termes « aile militaire du Hamas » ou « militants du Hamas ».

3. Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), Commissions d’enquête et missions d’établissement des faits sur le droit international des droits de l’homme et le droit humanitaire – Orientations et pratiques, 2015, p. 60 ; HCDH, Intégrer une perspective de genre dans les enquêtes sur les droits humains – Orientations et pratiques, 2018, p. 18.

4. https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2024/09/research-paper-documentingreproductive-violence-unveiling-opportunities-challenges-and-legal-pathways-for-un-investigativemechanisms, p. 7.

5. La Politique sur les crimes fondés sur le genre du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale souligne la nécessité de contextualiser les crimes et de comprendre le point de vue des survivants, précisant que le retrait forcé d’un voile peut être vécu comme une « nudité forcée » et être considéré comme une forme de violence sexuelle. https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/2023-12/2023-policy-gender-enweb.pdf, paragraphe 62.

6. A/77/328, par. 7 ; A/HRC/50/21, par. 16, 20 ; https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/131/131-20040709-ADV-01-00-EN.pdf, par. 106.

7. Ibid., par. 93.

8. Cour internationale de justice, Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, avis consultatif (19 juillet 2024), par. 78, 92-94. https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/186/186-20240719-adv-01-00-en.pdf. La Cour internationale de justice a précisé que, pour déterminer si un territoire est occupé en vertu du droit international, « le critère décisif n’est pas de savoir si la puissance occupante maintient en permanence sa présence militaire physique sur le territoire, mais plutôt si son autorité “a été établie et peut être exercée” » (paragraphe 92, citant l’article 42 du Règlement de La Haye).

9. GCIV, art. 2.

10. Voir GCIV, arts. 27, 78.

11. GCIV, art. 42 ; TPIY, Le Procureur c. Dario Kordić et al., IT-95-14/2-A, Jugement, 17 décembre 2004, par. 70 ; TPIY, Le Procureur c. Zejnil Delalić et al. (Čelebići), IT-96-21-A, Jugement (Chambre d’appel), 20 février 2001, par. 320 ; CICR, Document d’opinion, L’internement dans les conflits armés : règles de base et défis, novembre 2014, p. 4, disponible à l’adresse :
https://www.icrc.org/sites/default/files/document/file_list/security-detention-position-paper-icrc-11-2014_0.pdf.

12. GCIV, art. 27.

13. GCIV, art. 27.

14. GCIV, art. 81.

15. Droit international humanitaire coutumier du CICR, Volume I : Règles, règle 119 ; GCIV, art. 76 ; API, art. 75 ; APII, art. 5(2)(a).

16. GCIV, art. 97.

17. Règles Nelson Mandela, règle 50.

18. Règles Nelson Mandela, règle 51.

19. Règles Nelson Mandela, règle 52(1).

20. Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Recommandation générale n° 30 sur les femmes dans les situations de prévention des conflits, de conflit et d’après-conflit (CEDAW/C/GC/30), par. 34 ; Recommandation générale n° 35 sur la violence à l’égard des femmes, mise à jour de la recommandation générale n° 19 (CEDAW/C/GC/35), par. 21.

21. Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2011).

22. Cour pénale internationale, Politique relative aux crimes fondés sur le sexe ; crimes impliquant des violences sexuelles, reproductives et autres violences fondées sur le sexe, décembre 2023, par. 100, et Résolution 2467 (2019) du Conseil de sécurité des Nations Unies, par. 15.

23. Statut de Rome, art. 7(2)(g).

24. https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/2022-12/2022-12-07-Policy-on-the-Crime-of-Gender-Persecution.pdf, par. 50.

25. Quotes from witnesses and victims that have been included in the report are either direct quotes or have been paraphrased.

26. https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-17-december-2024

27. https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-14-january-2025

28. https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/hamas-weakened-prolonged-guerrilla-conflictlooms)

29. https://www.cia.gov/the-world-factbook/references/terrorist-organizations/)

30. https://acleddata.com/2024/10/06/after-a-year-of-war-hamas-is-militarily-weakened-but-far-fromeliminated.

31. https://www.idf.il/223776.

32. https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-17-december-2024

33. https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-17-december-2024

34. https://gaza-patterns-harm.airwars.org.

35. https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-17-december-2024.

36. https://t.me/MOHMediaGaza/5823r.

37. https://t.me/MOHMediaGaza/6217 t.

38. For comparative data see https://statistics.btselem.org/en/stats/during-cast-lead/by-date-ofincident/pal-by-israel-sec/gaza-strip?section=overall&tab=overview, and https://statistics.btselem.org/en/stats/since-cast-lead/by-date-of-incident/pal-by-israel-sec/gazastrip?
operationSensor=%5B%22protective-edge%22%5D&section=overall&tab=overview. See also A/HRC/12/48 and A/HRC/29/52, and Statement on Gaza by UN Women Executive Director Sima Bahous | UN Women – Headquarters

39. A/HRC/29/52, para 37

40. https://www.icrc.org/en/document/civilians-protected-against-explosive-weapons%20; https://www.icrc.org/en/download/file/229018/ewipa_explosive_weapons_with_wide_area_effect_final.pdf.

41. A/HRC/29/CRP.4, para. 527. See also Gender and International Criminal Law, Oxford University Press, 2022, p.376.

42. A/HRC/56/CRP.4, paras 153-172.

43. A/HRC/56/CRP.4, paras 153-172.

44. https://www.idf.il/en/mini-sites/hamas-israel-war-24/war-on-hamas-2023-resources/idfpress-releaseclarification/.

45. See the ‘Dahiya doctrine’, A/HRC/12/48.

46. See A/HRC/56/26, and A/HRC/56/CRP.4.

47. https://gaza-patterns-harm.airwars.org.

48. See A/HRC/56/CRP.4.

49. https://gaza-patterns-harm.airwars.org.

50. https://edition.cnn.com/2024/01/26/middleeast/hala-khreis-white-flag-shooting-gaza-cmdintl/index.html;

51. [1] November 9, 2023 Operations in Hamas' Military Quarter in Gaza City, Over 50 Terrorists Eliminated | IDF; [2] ap-hamas-israel-war-november-12th-2023-day-37/srael-war-november-12th-2023-day-37/.

52. https://www.haaretz.co.il/news/politics/2023-12-18/ty-article/0000018c-7d95-d301-a3acffd594360000.

53. https://www.washingtonpost.com/world/2023/12/16/women-killed-at-holy-family-parish-gaza-israel/.

54. [1] https://www.idf.il/en/mini-sites/idf-press-releases-israel-at-war/december-23-pr/tunnel-networkused-by-hamas-senior-leadership-in-gaza-s-elite-quarter-revealed/.

55. See A/HRC/56/CRP.4.

56. Maj. Gen. (Res.) Giora Eiland: No Humanitarian Aid to the Enemy | Channel 7; https://www.globes.co.il/news/article.aspx?did=1001462900.

57. https://x.com/MiddleEastEye/status/1741069437518680399; Israeli analyst Eliyahu Yossian says Israel should level the ground in Gaza, kill as many as possible & spare no one. Over 21,500 Palestinians in Gaza have been killed, including 8,500 children.

58. See ICTR, Prosecutor v. Ferdinand Nahimana et al., ICTR-99-52-A, Judgement (Appeals Chamber), 28 November 2007, paras. 755-758; ICTR, Prosecutor v. Ferdinand Nahimana et al., ICTR-99-52-T, Judgement and Sentence, 3 December 2003, paras. 481-488.

59. https://www.usaforunfpa.org/unfpa-statement-on-the-crisis-in-gaza/.

60. https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-situation-update-255-gaza-strip.

61. https://www.doctorswithoutborders.org/latest/gaza-msf-doctors-killed-strike-al-awda-hospital;

62. https://www.emro.who.int/images/stories/palestine/Gaza-Health-Access-2022.pdf?ua=1.

63. https://www.emro.who.int/images/stories/Medevac_15Jan25.pdf?ua=1.

64. https://www.emro.who.int/images/stories/Medevac_15Jan25.pdf?ua=1.

65. https://www.emro.who.int/images/stories/Medevac_4Dec.pdf?ua=1.

66. A/HRC/56/CRP.4.

67. https://www.unrwa.org/newsroom/official-statements/women-and-newborns-bearing-brunt-conflictgaza-un-agencies-warn.

68. https://www.who.int/news/item/03-11-2023-women-and-newborns-bearing-the-brunt-of-the-conflictin-gaza-un-agencies-warn.

69. https://www.instagram.com/unfpa/p/C0z3Qj4v_Nv/.

70. https://www.unicef.org/press-releases/intensifying-conflict-malnutrition-and-disease-gaza-stripcreates-deadly-cycle.

71. https://www.unicef.org/press-releases/intensifying-conflict-malnutrition-and-disease-gaza-stripcreates-deadly-cycle.

72. https://www.unicef.org/media/114561/file/Maternal%20Nutrition%20Programming%20Guidance.pdf ; https://openknowledge.fao.org/server/api/core/bitstreams/c949ea1a-bd5d-4788-87fa-2917f1a2ecdf/content

73. https://www.unicef.org/media/114561/file/Maternal%20Nutrition%20Programming%20Guidance.pdf

74. https://www.nutritioncluster.net/news/nutrition-vulnerability-and-situation-analysis-gaza.

75. https://www.ipcinfo.org/fileadmin/user_upload/ipcinfo/docs/IPC_Famine_Review_Committee_Report_Gaza_June2024.pdf).

76. https://www.un.org/unispal/document/at-least-557000-women-in-gaza-unwomen-270624/

77. https://www.un.org/unispal/document/unfpa-sitrep-01nov2024/#:~:text=Situation%20Overview%3A

78. IPC_Gaza_Strip_Acute_Food_Insecurity_Malnutrition_Sep2024_Apr2025_Special_Snapshot.pdf

79. https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-17-december-2024.

80. https://www.nutritioncluster.net/news/nutrition-vulnerability-and-situation-analysis-gaza

81. https://palestine.un.org/en/256251-%E2%80%98ten-weeks-hell%E2%80%99-children-gaza-unicef

82. https://www.unwomen.org/sites/default/files/2024-09/gender-alert-gaza-a-war-on-womens-healthen.pdf

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