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Billet de blog 29 septembre 2025

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A la CGT, le racisme et l'islamophobie sont couverts jusqu'au sommet

Ce courrier a été adressé par mon avocat aux instances de la CGT pour dénoncer mon exclusion discriminatoire de la CGT Éduc’action 63, confirmée par l’UNSEN-CGT. Il proposait une issue honorable pour toutes les parties, mais il est resté lettre morte. Certains préjugés sont-ils trop enracinés pour être confrontés sans mettre en péril la cohésion de tout le syndicat ?

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À mes yeux, cette absence de réponse, même formelle, au courrier courtois et constructif d'un avocat de renom engagé dans la lutte contre les discriminations, révèle trois choses :

  1. la CGT a pleinement conscience de la prégnance dans ses rangs du racisme et de l’islamophobie, dont la question palestinienne est le catalyseur par excellence, Gaza ayant fait tomber bien des masques ;
  2. la CGT n’a aucune volonté d’agir en interne sur ces problématiques, qui ne sont brandies que pour se donner une légitimité auprès du grand public ;
  3. plus soucieuse de cohésion que de cohérence, de justice ou d’égalité, la CGT couvrira toutes les mesures prises par ses représentants pour exclure des élus « minoritaires », l'essentiel étant de « protéger le syndicat », ses « valeurs » et son « ADN », un vocabulaire identitaire récurrent. Dans Au Royaume de la CGT (2020), Jean-Bernard Gervais dénonçait déjà le « racisme au quotidien » et « l'omerta » à ce sujet au sein du siège confédéral.

La pétition pour ma réintégration, qui va dépasser les 16 000 signatures, parmi lesquelles celles de plusieurs personnalités (voir notamment la Lettre de soutien de Norman Finkelstein), n'est pas de nature à changer la donne. La lutte, dès lors, se poursuivra. Quiconque peut y prendre part est invité à le faire selon les modalités indiquées ci-après.

Les liens hypertexte, qui renvoient aux documents et extraits d'enregistrements attestant des faits évoqués, ainsi que les notes entre crochets et illustrations, ne faisaient pas partie du courrier original, accessible sur ce lien.

Alain Marshal

Illustration 1

Maître ***

Commission Exécutive confédérale de la CGT

Copie : CE de l’UNSEN-CGT — CE de la CGT Educ’action 63

Le 16 mai 2025

Objet : Dossier M. LAMRANI — Recours gracieux

Courrier recommandé avec A/R

Mesdames, Messieurs les membres de la Commission exécutive,

Mon client, M. LAMRANI, a été exclu de la CGT à la suite d’une procédure houleuse démarrée à l’automne 2023 et achevée à l’été 2024.

Rappel des faits

Pour rappel, le 10 novembre 2023, invoquant un « conflit de valeurs » lié à ses opinions « minoritaires », 9 membres du Bureau de la CGT Educ’action 63 ont exercé des pressions sur M. LAMRANI pour le contraindre à démissionner de l’instance, sans succès. Le 11 novembre, mon client a saisi la Commission Exécutive (CE) pour se plaindre de discriminations à son encontre. Le 12 novembre, Mmes Sophie BRUTUS, Marie CHASSAIGNE et Marie CARLE, co-secrétaires, ont annoncé à la CE de nouvelles élections du Bureau, tenues le 17 novembre avant tout examen du différend. M. LAMRANI a été évincé du Bureau sans procédure contradictoire.

Le 13 février 2024, à l’issue d’une conciliation qui a refusé toute confrontation des parties, une procédure d’exclusion du syndicat a été proposée par M. Mérovée DELOIRE, porte-parole de la Commission de conciliation, au motif que « Salah ne se reconnaît pas dans les valeurs du syndicat ». Cette proposition de sanction a été validée par la CE, et M. LAMRANI en a été suspendu avec effet immédiat, sans notification écrite. Ce n’est que par une lettre recommandée datée du 22 février 2024 que M. LAMRANI a été informé des raisons « officielles » de son exclusion programmée, à savoir :

  1. Avoir « diffamé » les membres du Bureau par sa saisine interne visant à faire valoir ses droits d’élu et de syndiqué ;
  2. Avoir menacé de rendre publics ses « propos diffamatoires » en annonçant comme dernier recours la dénonciation de cette affaire ; et
  3. Avoir demandé, en réaction à l’affirmation du Bureau selon laquelle il n’en serait pas « le seul arabo-musulman », une précision jugée « stigmatisante » quant aux origines d’une autre élue [Sabrina G., qui m’avait notamment dit : « Tu salis ma religion»].

Les motifs invoqués dans ce courrier pour justifier l’exclusion apparaissent de pure forme :

  • Les délits d’opinion reprochés à M. LAMRANI antérieurement, notamment sa position sur les écoles confessionnelles ou sur des questions sociétales, n’étaient plus évoqués, alors qu’ils avaient été présentés comme centraux ;
  • Ce sont trois autres motifs, ajoutés le 26 mars 2024 et basés sur des faits datant du 7 mars (« utilisation à des fins personnelles du fichier adhérent.es du syndicat » [pour leur adresser la totalité des pièces du dossier, y compris celles de la partie adverse], « enregistrement illicite d’une réunion de Bureau » et « diffusion de cet enregistrement posté sur YouTube »), qui ont été avancés comme déterminants, justifiant rétroactivement la procédure d’exclusion ; et
  • Ce sont bien les critiques formulées par M. LAMRANI à l’endroit des positions de la CGT sur la situation à Gaza après le 7 octobre 2023, et son annonce le 5 novembre d’un projet de lettre de protestation interne à la Confédération à ce sujet (devenue une lettre ouverte signée par 7 sections CGT et des centaines de cadres, adhérents et sympathisants du syndicat), qui constituent le « point saillant» et le grief « le plus grave » ayant motivé le processus d’éviction, comme l’ont reconnu en toutes lettres M. Frédéric CAMPGUILHEM, Secrétaire académique de la CGT Educ’action 63, et M. David ALIGUEN, trésorier.

Ces fluctuations témoignent d’une recherche constante du fondement le plus favorable pour légitimer a posteriori une décision prise bien avant.

Exclu de la CGT Educ’action 63 le 12 avril 2024 à l’issue d’un Conseil Syndical Départemental, M. LAMRANI a fait appel auprès de l’Union Nationale des Syndicats CGT de l’Education Nationale (UNSEN). Celle-ci a confirmé son exclusion à l’issue d’une audience tenue le 21 juin 2024, présidée par Mme Isabelle VUILLET et M. Michaël MARCILLOUX, co-secrétaires de l’UNSEN.

Illustration 2

[Isabelle VUILLET et Michaël MARCILLOUX. Au sujet de l'audience à l'UNSEN, lire Quand la CGT Educ’action banalise les idées d’extrême droite.]

Par courriel et courrier recommandé, M. LAMRANI a formulé début juillet 2024 un dernier recours auprès du Bureau confédéral de la CGT, auquel il avait déjà vainement fait appel le 10 mars. Suite à une relance de M. LAMRANI par courriel le 13 septembre, Boris PLAZZI, membre du Bureau confédéral, lui a répondu le 16 septembre 2024 qu’une suite lui serait donnée. Il n’en a rien été et mon client est sans nouvelles de la CGT depuis cette date.

Une calomnie islamophobe

Par la présente, mon client souhaite « sortir par le haut » d’une procédure au cours de laquelle il a notamment fait l’objet d’accusations indignes d’un syndicat qui porte les valeurs proclamées par la CGT.

Le 17 novembre 2023, M. LAMRANI a été diffamé en ces termes par M. François-Xavier DEBACKER, membre du Bureau : « Tu m’as traité de ‘mécréant’, et je suis en train de regarder si je peux pas porter plainte contre toi ». Cette imputation calomnieuse, qui renvoie M. LAMRANI à son appartenance religieuse et l’enferme dans l’archétype du musulman intolérant, extrémiste et rétrograde, a été réitérée le 13 février 2024. Une accusation qui plus est absurde eu égard au profil intellectuel de M. LAMRANI. Mais elle le fragilisait au quotidien, M. DEBACKER étant son collègue de travail direct durant l’année scolaire 2023-2024. A ce sujet, M. ALIGUEN a prédit que M. LAMRANI ne pourrait pas résister à la pression : « Tu tiendras pas », lui affirme-t-il ce 17 novembre, suggérant une manœuvre déloyale concertée pour forcer M. LAMRANI à se mettre en retrait.

Or, l’enregistrement et la retranscription intégrale de la réunion du 10 novembre 2023, durant laquelle M. LAMRANI aurait traité son collègue de « mécréant », démontrent qu’il n’a à aucun moment prononcé ce terme. Au contraire, il s’est lui-même qualifié d’« hérétique » (terme dont M. DEBACKER semblait ignorer la signification), s’estimant victime d’un « procès en sorcellerie » visant à l’ « excommunier ».

Ainsi, non seulement la CGT a échoué à faire valoir les droits de mon client en interne, mais elle lui a en outre porté préjudice en externe. Une organisation syndicale a pourtant vocation à protéger les salariés, surtout s’ils sont élus syndicaux, non à les mettre en danger en leur attribuant faussement des propos insensés, susceptibles de nuire pour longtemps à leurs intérêts matériels et moraux.

Demande d’enquête interne

Les efforts de M. LAMRANI pour faire la lumière sur cette accusation — qui n’a jamais été formulée par écrit, et n’a été confirmée ou infirmée par aucun des 8 témoins présents le 10 novembre 2023 — ayant été vains, nous formulons cet ultime recours amiable.

Dans le climat actuel, même dénuée de fondement, une telle accusation est infâmante, surtout pour un enseignant arabo-musulman du secondaire. Elle pourrait peser lourdement dans une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’à la révocation de M. LAMRANI. Mon client restera constamment exposé à ces menaces du fait de son militantisme. [Durant l’année scolaire 2015-2016, sous l’état d’urgence consécutif aux attentats du 13 novembre, mon activisme syndical et mes activités de blogueur en soutien à la cause palestinienne avaient déjà entrainé de telles procédures à mon encontre, dont la presse s’était fait l’écho ; en particulier, 4 articles du Parisien avaient été consacrés à mon affaire ; à ce sujet, lire De « terroriste » à « mécréant » : à la CGT, l'intimidation et la calomnie comme méthodes.]

Seul un écrit dans lequel est expressément reconnu le fait que M. LAMRANI n’a jamais qualifié quiconque de « mécréant » pourrait remédier aux dangers que lui fait encourir cette imputation diffamatoire, et lui permettre de « tourner la page ».

Si les Statuts de la CGT, à ce stade, ne donnent pas à la Confédération les moyens d’engager la réintégration à laquelle appellent plus de 15 000 signataires d’une pétition de soutien à mon client, cette réhabilitation toute symbolique, qui ne nécessiterait qu’une simple enquête interne, mettrait fin à un contentieux qui a porté atteinte aux valeurs et à l’image même de la CGT, à défaut de réparer tous les préjudices causés à M. LAMRANI.

Une organisation syndicale qui s’est mobilisée pour faire barrage à l’extrême droite lors des derniers scrutins législatifs, et affirme agir contre le racisme et l’islamophobie, ne saurait cautionner en son sein de tels amalgames infamants, si lourds de conséquences.

Illustration 3

[Sondage sur le vote aux élections européennes 2024 par proximité syndicale selon lequel 24% de ceux qui s’identifient à la CGT ont voté pour la liste Rassemblement National, et 1% pour Reconquête. Voir Lettre ouverte à Sophie Binet : la CGT doit se purger des idées d’extrême droite]

Avec la conviction qu’une réponse positive sera faite à la présente requête, veuillez recevoir, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes sincères salutations.

Maître ***

***

Si vous êtes en mesure de participer à une action antiraciste au prochain Congrès de la CGT à Tours et/ou au prochain Congrès de la CGT Educ'action 63 à Clermont-Ferrand, qui se tiendront en juin 2026, voire à d'autres actions dans le Puy-de-Dôme ou en région parisienne, dont le but sera d'attirer l'attention des médias, veuillez me contacter par email (alainmarshal2@gmail.com). Vous pouvez également contribuer à briser l'omerta en témoignant d'autres expériences similaires au sein de la CGT, comme l'exemple d'Alex (signez la pétition pour le soutenir) ou celui d'Abdelatif. Voir la dernière action menée pour les 130 ans de la CGT : Les 130 ans de la CGT, les syndicalistes et les « fouteurs de merde ».

Pour me soutenir dans mon travail et mon combat, vous pouvez signer cette pétition qui appelle à ma réintégration et dénonce les discriminations et la répression des voix pro-palestiniennes. Vous pouvez également faire un don et vous abonner à mon blog par e-mail afin de recevoir automatiquement mes nouvelles publications. Suivez-moi également sur Twitter et Bluesky.

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