Quatre bébés meurent d’hypothermie à Gaza alors que la guerre d’Israël pousse les Palestiniens dans des camps de tentes
Par Tareq El Hilou, Eyad Kourdi, Ibrahim Dahman, Abeer Salman et Sana Noor Haq
CNN, jeudi 26 décembre 2024
Traduction, iconographie et notes entre crochets Alain Marshal
03:47 - Source: CNN
CNN — Un nouveau-né est mort de froid dans un camp de tentes à Al-Mawasi, dans le sud de la bande de Gaza, a déclaré mercredi un responsable de la santé, mettant en lumière les terribles défis auxquels sont confrontés les enfants palestiniens déplacés de leurs foyers en raison de l’assaut israélien en cours.
Sela Mahmoud Al-Fasih est « morte de froid » à Al-Mawasi, a annoncé mercredi sur X le Dr Munir Al-Bursh, directeur général du ministère de la Santé à Gaza.
Si ces bébés morts de froid n'étaient pas Palestiniens mais Ukrainiens, cette photo ferait la première page de tous les journaux du monde.#GazaGenocide pic.twitter.com/1kAE2LuVPj
— Alain Marshal (@AlainMarshal2) December 29, 2024
Au cours de la dernière semaine, au moins quatre nourrissons sont morts d’hypothermie en raison des basses températures et du manque d’accès à des sources de chaleur alors qu’ils vivaient sous des tentes, a rapporté jeudi le Dr Ahmed Al-Farra, chef des services de pédiatrie et d’obstétrique de l’hôpital Nasser, à Khan Younès. Parmi eux, un bébé de trois jours et un autre d’un mois, également décédés à Al-Mawasi, a-t-il précisé.
Le personnel de l’unité néonatale intensive traite au moins cinq cas d’hypothermie par jour, a ajouté le Dr Al-Farra. La réduction de l’allaitement maternel et la disponibilité limitée du lait infantile exacerbent gravement les risques pour les bébés, a-t-il expliqué à CNN. Pendant ce temps, les agents de santé luttent pour soigner les jeunes patients face aux pénuries d’électricité, de diesel et d’autres carburants.
« C’est l’un des résultats désastreux de cette guerre criminelle », a déclaré Al-Farra.
Al-Mawasi, une région côtière à l’ouest de Rafah désignée auparavant par Israël comme « zone humanitaire », a été frappée à plusieurs reprises par des attaques israéliennes. Des milliers de Palestiniens déplacés s’y sont réfugiés, vivant depuis des mois sous des tentes de fortune faites de tissu et de nylon.
Le froid, la pluie et le vent terrible qui fait voler les tentes de la population épuisée, affamée, bombardée, assassinée, blessée, traumatisée... pic.twitter.com/gtY0pKVkDz
— Meriem Laribi مريم (@Meriem_Laribi) December 28, 2024
Des images prises par CNN dans une cour d’Al-Mawasi montrent le petit corps de Sela enveloppé dans un linceul blanc, tenu par son père de 31 ans, Mahmoud Al-Fasih. Sur une autre photo, un groupe de jeunes Palestiniens, hommes et garçons, est accroupi près de sa tombe.
« [Sela] est morte de froid », a raconté sa mère, Nariman Al-Fasih, à CNN mercredi. « Je la réchauffais et la tenais dans mes bras. Mais… [nous] n’avions pas de vêtements supplémentaires pour réchauffer cette fille. » Une vidéo montre que le visage du bébé de trois semaines avait viré au bleu.
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Mahmoud Al-Fasih tient le corps de sa fille de trois semaines, Sela, avant de l'enterrer. CNN
L’assaut israélien, déclenché après l’attaque du Hamas le 7 octobre, a dévasté les quartiers autrefois animés de Gaza, anéanti des familles entières et provoqué une crise humanitaire marquée par la faim, les déplacements et les maladies. Plus de 45 000 Palestiniens ont été tués et 107 000 blessés, selon les déclarations du ministère de la Santé lundi.
Une guerre contre les enfants
Des défenseurs des droits de l’Homme avertissent que les enfants palestiniens sont les premières victimes des bombardements et du siège israéliens.
Plus de 17 600 enfants ont été tués depuis le début du conflit, a déclaré mercredi Al-Bursh. Un enfant de Gaza meurt toutes les heures, a déclaré mardi Philippe Lazzarini, chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, citant des données onusiennes.
Jusqu’à 17 000 enfants ont été laissés seuls ou séparés de leurs parents et tuteurs, a indiqué l’International Rescue Committee en octobre. D’autres peinent à trouver suffisamment de nourriture, d’eau et de chaleur, le siège israélien ayant épuisé les stocks.
Non @libe, personne ne meurt simplement de froid. Que ce soit en France ou à Gaza. On meurt d'un système éco. qui crée des êtres superflus. On meurt d'une armée coloniale qui détruit les infrastructures d'une société. Euphémiser la violence empêche d'en comprendre les ressorts. https://t.co/m34bd4SnWV
— Rafik Chekkat (@r_chekkat) December 29, 2024
Les enfants ne peuvent recevoir des soins adéquats dans un système médical paralysé par les attaques israéliennes, ont confié des médecins à CNN. Seulement 20 % des unités néonatales sont encore fonctionnelles à Gaza, selon Al-Farra. Des bébés prématurés meurent faute d’équipements médicaux, notamment de ventilateurs, tandis que les médecins sont contraints de trier les patients pour tenter de sauver des vies.
L’agence des Nations unies pour l’enfance, l’UNICEF, a averti que de nombreux enfants déplacés à Gaza ne portent que les vêtements qu’ils avaient sur eux lorsqu’ils ont fui les bombardements israéliens, souvent des tenues d’été.
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Nariman Al-Fasih parle à CNN de la mort de sa fille. CNN
« À Gaza, plus d’un million d’enfants vivent dans la peur, le dénuement total et des souffrances inimaginables », a déclaré Rosalia Bollen, spécialiste en communication à l’UNICEF, dans un communiqué du 20 décembre.
« La guerre contre les enfants à Gaza nous rappelle brutalement notre responsabilité collective. Une génération entière subit la violation brutale de ses droits et la destruction de son avenir. »
CNN a sollicité les Forces de défense israéliennes [même si c'est la manière dont se désigne l'armée génocidaire, reprendre cet élément de langage relève de l'indécence voire de la complicité] pour commenter la mort des trois enfants à Al-Mawasi.
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Les chiens errants dévorent les morts dans les rues du nord de Gaza, selon le chef des services d’urgence
Par Kareem Khadder, Sana Noor Haq et Eyad Kourdi
CNN, mercredi 16 octobre 2024
Traduction, iconographie et notes entre crochets Alain Marshal
Note de la rédaction : Cette histoire contient des descriptions et des images susceptibles de choquer certains lecteurs.
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Gaza, CNN – Des corps jonchant les rues poussiéreuses, des routes entières détruites par des frappes israéliennes, des habitants affamés : tel est le tableau dressé par le chef des services d’urgence de Jabalya, dans le nord de la bande de Gaza.
« Les signes de la faim sont visibles sur les habitants du nord de Gaza », a déclaré Fares Afana, chef des services d’urgence de la région, à CNN lundi lors d’un entretien téléphonique. « Les forces israéliennes détruisent tout ce qui incarne ou représente la vie. »
Afana a expliqué que lui et ses collègues avaient reçu les corps de Palestiniens tués dans le nord de Gaza, certains portant des marques de morsures d’animaux, ce qui complique l’identification des victimes.
« Les chiens errants, affamés, dévorent ces corps dans les rues… Cela rend l’identification des défunts très difficile », a-t-il confié.
Il a partagé avec CNN une photo montrant les restes d’un jeune garçon dont le corps, selon lui, a été attaqué par des chiens errants.
Noël à Gaza. Les corps en décomposition de femmes et d'enfants dévorés par des chiens et chats errants.
— Alain Marshal (@AlainMarshal2) December 28, 2024
La nouvelle "normalité" en Occident. Celle qu'Aaron Bushnell n'a pas acceptée, s'immolant par le feu face à une telle banalité du mal à l'état pur. https://t.co/UHEl2MoUas
Afana a ajouté que « des milliers d’enfants » et de femmes enceintes sont coincés dans la zone assiégée, où l’armée israélienne a mené des attaques aériennes et terrestres dans trois quartiers ces douze derniers jours.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont affirmé cibler une présence renouvelée du Hamas dans la région.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, au moins 50 000 personnes ont été déplacées de la région de Jabalya. Les 400 000 habitants restants du nord de Gaza subissent la faim et des bombardements incessants.
Les Nations unies ont accusé l’armée israélienne de forcer les habitants du nord de Gaza à choisir entre la famine et la relocalisation.
« Les civils n’ont pas d’autre choix que mourir de faim ou fuir », a déclaré Philippe Lazzarini, directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dans un communiqué lundi. « À Gaza, trop de lignes rouges ont été franchies. Ce qui pourrait constituer des crimes de guerre peut encore être évité. »
L’agence israélienne chargée de superviser l’acheminement de l’aide à Gaza a indiqué que 30 camions avaient été autorisés à entrer dans le nord lundi, en affirmant qu’Israël « ne bloque pas l’entrée de l’aide humanitaire » [quelle ignominie que de présenter ce mensonge abject sans le remettre en cause].
Cependant, Afana a rapporté que les forces israéliennes avaient tiré lundi sur des habitants affamés qui cherchaient de la nourriture dans un entrepôt d’aide géré par l’UNRWA. « La situation se dégrade », a-t-il ajouté.
⚠️ Contenu graphique ⚠️
— Alain Marshal (@AlainMarshal2) December 29, 2024
Des images montrent des chiens errants en train de dévorer les corps des victimes palestiniennes dans le nord de la bande de Gaza, alors que l'armée israélienne continue de bloquer l'accès de la zone aux ambulances et aux équipes de défense civile. https://t.co/InRp3CSAO0
Selon l’UNRWA, une attaque d’artillerie contre son centre de distribution alimentaire de Jabalya aurait fait lundi au moins 10 morts et 40 blessés.
CNN a sollicité un commentaire des FDI concernant ces allégations [ces mots qui mettent en doute l'évidence sont écrits avec du sang].
« Pour les secouristes, il est extrêmement dangereux d’intervenir dans cette zone… Les routes sont détruites et nos véhicules subissent des tirs directs de l’armée israélienne », a précisé Afana.
Il a également signalé que des ambulances avaient été endommagées par des éclats d’obus près de l’hôpital Yemen al-Sa’eed à Jabalya, et a partagé une vidéo montrant une ambulance aux pneus écrasés et marquée par des impacts de balles.
« Ce qui se passe dans le nord de Gaza est un véritable génocide », a-t-il conclu. « Nous ne pouvons pas travailler normalement. »
CNN a également demandé aux FDI de répondre aux allégations d'Afana selon lesquelles des véhicules d’urgence auraient été pris pour cible par leurs tirs.
Au moins 342 Palestiniens ont été tués dans le nord de Gaza depuis le début des opérations israéliennes plus tôt ce mois-ci, selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza. Des centaines de civils, dont des femmes et des enfants, ont également été blessés. Mardi, au moins 17 personnes ont été tuées dans le nord de Gaza, a rapporté la défense civile locale.
«Notre rôle n'est pas de commenter un génocide. Mais de l'empêcher» @RimaHas
— Au Poste (@AuPoste1) December 25, 2024
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« Le camp n’est plus que cendres »
À Jabalya, des bulldozers israéliens ont transformé des pans entiers de ce camp de réfugiés autrefois animé en un labyrinthe de rues dévastées, selon un habitant [même les images les plus explicites doivent être présentées comme une vérité subjective].
« Les scènes, les sons et les odeurs de l’invasion sont extrêmement violents », a déclaré Abdul Karim Al-Zuwaidi, journaliste pour Al Ghad TV, dans un message vocal à CNN mardi. Au loin, on entendait les bombardements rugir dans l’un des nombreux enregistrements partagés avec CNN.
« La question est : où et comment les gens peuvent-ils partir ? » s’est interrogé ce Palestinien de 23 ans. « Ceux qui restent, malgré les destructions, se réfugient sous de simples tentes qu’ils ont fabriquées avec les débris de leurs maisons. Où iraient-ils ? »
Al-Zuwaidi a accusé l’armée israélienne d’avoir tiré sur des civils tentant de fuir la zone au rond-point Abu Sharkh, comme CNN et d'autres l’ont précédemment rapporté. CNN a sollicité un commentaire des FDI sur ces affirmations.
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Des Palestiniens se rassemblent devant un bâtiment rasé par une frappe israélienne à Jabalya, dans le nord de la bande de Gaza, mardi, alors qu'ils tentent de récupérer un homme sous les décombres. Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images
Avant la guerre, les enfants jouaient dans les ruelles du camp de Jabalya, et les familles se réunissaient pour célébrer des fêtes islamiques comme le Ramadan, se souvient Al-Zuwaidi.
« Le camp de Jabalya était magnifique, plein de marchés locaux et animé. Il était paisible et sûr », a-t-il dit. « Aujourd’hui, il n’en reste que des cendres.
« Nous nous asseyions dans les ruelles, jouions avec les enfants, organisions des activités et des festivals pour eux… Ce sont des souvenirs que nous ne pourrons jamais revivre. »
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