Chère Christiane,
Lorsqu'au mois d'aout le président Macron a prononcé ces mots infâmes de « flux migratoires irréguliers » pour qualifier la situation à venir de milliers de femmes et d'hommes d'Afghanistan, j'ai eu honte pour notre pays. Encore une fois.
Là où le premier message venant de France aurait dû être la promesse d'une solidarité en direction de celles et ceux qui sont ou vont être victimes d'un régime obscurantiste, nous avons entendu des paroles indignes qui salissent ce que nous sommes ou plus précisément ce que nous devrions êtres : un pays d'accueil qui tend la main, qui offre asile aux victimes des droits de la femme et de l'homme.
En tournant le dos à l'humanisme, la France s'est déshonorée. Encore une fois.
Dans votre livre Nous habitons la Terre (2017), vous écrivez qu' « il est temps de prétendre à nouveau ne pas s'accommoder d'un monde qui crache le mépris en même temps qu'il propage la misère, qui traite les injustices comme une variable de prospérité, fait de l'exclusion un quotient du progrès et du profit, de l'exploitation humaine un critère d'opportunité ».
Si ces mots s'adressaient à ceux qui, à gauche, ont renoncé à vouloir changer l'ordre dominant, ils demeurent plus que jamais d'actualité concernant ceux qui gouvernent aujourd'hui.
Le cynisme permanent conjugué au mépris de ceux qui souffrent, là bas comme ici, ne peuvent plus servir de ligne directrice au pays qui fut longtemps un phare pour tous les « damnés de la terre », pour tous les peuples épris de justice, de liberté et de fraternité.
Notre « commune humanité », fondée sur la « dignité humaine » et inspirée par la « conscience humaine », - ce sont vos expressions - nous rappelle à nos devoirs d'égale considération de l'humanité, de toutes les femmes et de tous les hommes, où qu'elles et ils se trouvent.
C'est pourquoi aujourd'hui, nous avons besoin d'une voix qui porte loin, au-delà de nos frontières, en fidélité à nos valeurs humaines, pour que la France, sans prétention ni arrogance, retrouve un peu de son universalisme, cette fois au service de la justice et de la paix dans le monde.
De même, ici chez nous, nous avons besoin d'une voix qui inspire, qui redonne confiance, qui mobilise, qui enthousiasme pour relever les défis colossaux auxquels nous sommes confrontés : injustices sociales, crise écologique, démocratie dévoyée, institutions inadaptées, culture maltraitée, école en souffrance, services publics délaissés..., la liste n'est pas exhaustive.
Face aux démagogues et aux extrêmes qui prospèrent sur la misère et la colère dans de nombreux territoires oubliés de la République, il est temps qu'une personne d'audace et de courage se lève et s'impose pour montrer qu'un autre chemin est possible pour notre pays. Un chemin vers une République écologiste, sociale et démocratique.
Ma conviction profonde, chère Christiane Taubira, est que vous êtes cette personne.
Vous avez l'étoffe pour offrir un nouvel espoir et une nouvelle direction à notre pays. Vos engagements et vos combats de toujours, les responsabilités que vous avez exercées, vos saines ruptures en fidélité à vos convictions, votre persévérance, tout comme vos paroles et vos écrits éclairés par la pensée raisonnée, vous désignent pour être celle qui peut prétendre aux plus hautes fonctions et impulser la transformation écologique, sociale et démocratique dont nous avons besoin.
C'est une supplique, une prière, une exhortation, peu importe... Déclarez-vous, présentez-vous à l'élection présidentielle, osez mettre en musique l'espérance en rassemblant toutes les forces vives et de progrès du pays, toutes les forces de gauche et écologistes, toutes les forces de la jeunesse, toutes les forces du monde associatif et de la société civile en mouvement. Vous avez la capacité à convaincre, vous avez l'autorité pour fédérer et vous avez la force pour gagner.
Amoureuse et virtuose de la langue française, vous êtes celle qui a certainement les mots les plus justes pour affronter les maux qui gangrènent notre société.
Il vous revient maintenant de « tenir le gouvernail ». Votre conscience, j'en suis persuadé, vous le dicte, vous qui avez écrit : « Je suis sûre de ne jamais trouver la paix si je m'avisais de bâillonner ma conscience » (Murmures à la jeunessse, 2016).
Soyez-en convaincue, votre candidature, tout comme votre accession à la présidence de la République serait un formidable symbole aux répercussions insoupçonnées, y compris hors de nos frontières.
Elle est à même de créer un électro-choc et de déjouer tous les pronostics et tous les scénarios qui annoncent, encore une fois, l'effacement de la gauche progressiste, citoyenne et écologique au second tour de l'élection présidentielle.
Présidente, vous rendrez leur fierté à de nombreux français qui désespèrent depuis trop longtemps d'un pays qui a renoncé à ses idéaux. Présidente, vous aurez à coeur de bâtir une nouvelle République, fraternelle, pacifique et solidaire.
Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l'exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. (Victor Hugo, Les Misérables)
Il est temps, chère Christiane, de rallumer les étoiles et de raviver la flamme de l'espérance.
Alain Refalo,
écologiste de toujours, ancien conseiller municipal écologiste, soutien de Y. Jadot, électeur de J.L. Mélenchon en 2017 et toujours sensible à sa fibre sociale et écologiste, soutien de L. Jospin (1995-1998), défenseur des animaux, militant pour la paix et contre le nucléaire civil et militaire.