Cette conception eurocentrée du monde s'emploie certes à conserver les formes physiques des continents, mais déforme fatalement leurs surfaces respectives. Il y a cependant d'autres projections, à l’instar de celle du cartographe allemand Arno Peters (1916-2002), qui, en revanche, tente de conserver les surfaces, mais néglige en parallèle les distances, entraînant à son tour des déformations sensibles des continents comme l’Afrique.
Dissemblances cartographiques
De fait, le cœur du problème est l’impossibilité de représenter avec une fidélité métrique la boule de la planète bleue, qui n’est ni idéalement ronde, ni entièrement plate. En effet, le globe terrestre, dans lequel vivent notamment les êtres humains et d'autres espèces connues, n’est pas une sphère scientifiquement parfaite, nonobstant sa rondeur apparente sur les photographies. Il est légèrement aplati aux pôles, avec une forme ellipsoïdale, en raison de la force exercée par sa rotation sur lui-même.
C’est de là que surgissent la plupart des dissemblances cartographiques. Par exemple, l’observation en perspective de la forme que prend un cercle est comparable à une ellipse, dont la distance entre le centre et chaque point de sa surface n’est pas égale. Aussi s’avère-t-il que « la distance entre le centre de la Terre et le niveau de la mer est plus longue de 21 kilomètres à l’équateur qu’aux pôles » (1). En d’autres termes, la Terre est plus large au niveau de l’équateur, à mi-chemin des pôles, marquant a fortiori la séparation entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud.
Intégrité imparfaite et discutable
L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) en déduit que la Terre n’est pas une ellipse invariable ou constante, mais un ellipsoïde de forme irrégulière, avec « des montagnes qui culminent à neuf kilomètres et des fosses océaniques qui se trouvent à 11 kilomètres par rapport au niveau de la mer » (2). Cette situation bien particulière s’explique par les variations du champ de gravité de la Terre et par les variations du niveau même de la mer, contribuant ainsi davantage aux déformations naturelles de la troisième planète du système solaire.
Ces déformations subtiles signifient-elles pour autant un rétrécissement ou un agrandissement de la taille physique des continents du globe ? Que nenni ! Toute projection cartographique est différente, non seulement par référence aux considérations géologiques et géodésiques qui la sous-tendent, mais également en fonction de l’optique adoptée par les auteurs qui la réalisent. Alors, quelle est la carte géographique idéale pour la planète bleue ? En réalité, elle n'existe pas ! Aucune représentation de la surface terrestre n'est à l'abri d’une intégrité imparfaite et discutable.
Continent africain
S'agissant précisément du continent africain, il est trois fois plus grand que l'Europe (10,5 millions de km2 jusqu'à l'Oural), deux fois plus vaste que la Russie (17,1 millions de km2) et quinze fois plus étendu que le Groenland (2,2 millions de km2 ). Il occupe le deuxième rang mondial sur la base du nombre d’habitants (1,4 milliard), derrière l'Asie (4,7 milliards), et le troisième rang par sa surface (30,4 millions de km2), après l'Asie (44,6 millions de km2) et l'Amérique continentale (42,6 millions de km2).
L’Alkebulan, nom d'origine arabe mais présumé originel de l’Afrique, peut éventuellement être considéré comme le biblique « Jardin d’Éden » ou l’historique « Berceau de l’humanité ». Il lui reste toutefois à se distinguer de façon autrement glorieuse sur le plan politico-socio-économique. En marge de cette trame non moins significative, il ne semble pas d’une importance absolue ou d’un intérêt inconditionnel que le continent africain soit de dimension plus grande ou plus petite dans les représentations cartographiques.
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
(1) Charles Q. Chou. « Strange but True: Earth Is Not Round », Scientific American, April 12, 2007.
(2) NOAA. « Is the Earth round? », National Ocean Service, April 10, 2023.