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Billet de blog 3 février 2025

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CAMEROUN : QUI POUR SUCCÉDER AU PRÉSIDENT PAUL BIYA ?

Les débats sur l’élection présidentielle prévue au Cameroun en 2025 paraissent accrochés à la possible candidature du chef d’État sortant Paul Biya. Dans l'attente de sa libre décision de briguer ou non un huitième mandat, après plus de 42 ans de pouvoir, il y a lieu de se demander si les forces fiévreuses déjà en lice sont à même d’assurer l'éventuelle relève au cours des sept prochaines années.

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Plusieurs visages des candidats déclarés ne sont pas connus par la population camerounaise. Mais ce qui crève les yeux, à l’approche du scrutin d’octobre 2025, c’est l'émiettement aigu de l’opposition, chacun des leaders ayant à cœur de développer une règle exclusive de sa mince suffisance pour vouloir succéder au locataire actuel du Palais de l'Unité (1). Parmi les prétendants en vue, Maurice Kamto, arrivé en deuxième position à la dernière élection de 2018, appelle en vain certains concurrents à l’adouber, pendant qu’il est considéré par d’autres comme « un zozo escorté par des totos ». En boycottant les élections nationales de 2020, qui auraient pu nettement faciliter sa candidature (aujourd'hui incertaine) à la magistrature suprême, ne serait-il pas devenu un célèbre « toto » suivi par des « zozos » ? 

Triangle des tumultes

Encore que le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) ressemble à bien des égards aux autres leaders de la rivalité têtue, qui tentent distinctement de faire cavalier seul dans un scrutin à un tour, reflétant les fringales pressantes et les discordes incessantes au sein d'une joyeuse cohorte présumée opposante. Si la « candidature hypothétique » du patron du MRC débouche sur une validation par le Conseil constitutionnel (2), elle ne serait pas isolée dans une course à la mangeoire où les promesses intenables sont légion et où l’exercice frêle de l'art politique est assimilé à un moyen d’enrichissement au même titre qu’une simple activité mercantile de marchés publics. Ces pratiques qui épuisent l’ordre social par des abus perfides et dévorent des ressources utiles contre la pauvreté du pays profond, ne tendent à rien moins qu’à faire de l'élection présidentielle un vaste comptoir marchand.

En réalité, au cœur du Triangle des tumultes, le landerneau est si frauduleux qu’il semble douteux de savoir à quel prétendant sérieux au trône le suffrage devrait être accordé, tant l’escobarderie civique et la supercherie déontologique tracassent une nation énergique et fracassent les principes démocratiques. Nonobstant un système électoral rôdé, il n’est pas rare d’entendre des échos malsains du « marchandage » d’alliances dissonantes et déchirantes (3). Certains candidats sans domicile fixe partisan vont jusqu’à louer, emprunter ou arracher la légalité d’autres formations politiques pour acquérir un semblant de virginité et se présenter devant un peuple ébahi (4).

Prochain scrutin présidentiel 

Dans ces ruses crasses, qui ne font que couvrir les plaies et infecter le mal in situ au lieu de le guérir, la vanité égocentrique casse les ressorts de la faculté éthique et la corruption gastrique harasse l’essor de la félicité politique. Les candidats déclarés espèrent ainsi voir surgir en chacun d’eux le héros de l’heure ou le héraut du bonheur. Mais qui pourrait bien y parvenir dans ce capharnaüm d'appétences ? Aussi n’est-il pas donné à tout le monde de pouvoir arpenter Étoudi pour séjourner allègrement au Palais de l'Unité. 

Dans de telles conditions implacables, qui serait vraiment apte à remplacer le président sortant ? Si celui-ci décide de se représenter, aurait-il en face de lui un adversaire crédible ? Qui serait le héros pour lequel une majorité des votants n’oseraient pas reculer ? Le héraut qui saurait exprimer avec force, au conditionnel présent, un futur à améliorer sur la base d’un passé imparfait ? Y aurait-il enfin, parmi les prétendants du moment à la haute fonction de chef d'État, une sorte de flèche ardente sur un mur de soleil qui ferait rêver un peuple inapaisé ? Voilà des questions auxquelles il va falloir répondre dans la perspective du prochain scrutin présidentiel !

Triangle du vivre-ensemble 

Il ne s’agit nullement de conquérir un paradis sur Terre, mais de dompter un précieux triangle du vivre-ensemble dans le Golfe de Guinée, que les tumultes de la diversité guident traditionnellement cahin-caha dans des tourbillons maîtrisables clopinclopant. Vouloir sanctionner à tout prix le pouvoir en place ou rejeter de plein saut un parti d’opposition, sans égard aux projets politiques respectifs, serait une perversion électorale, une erreur morale et un contresens cérébral qui font litière de l’intérêt général. Le choix sage gagnerait plutôt à s’opérer entre les programmes proposés sur l’avenir. Ne décide-t-on pas judicieusement que par comparaison des variantes ?

En dépit des contraintes inhérentes à toute politicardie alimentaire, il importe d'étudier attentivement ces variantes programmatiques, en s'abstenant de tomber dans les filets de l'altérité divisionnelle. Les sacro-saints préceptes de l’unité nationale et de la paix civile sont inviolables. Tous ceux qui auraient tendance à s’en éloigner pour caresser la bête de la haine dans le sens naturel du poil épais, devraient simplement être sanctionnés par la voie des urnes, avec une sévérité quasi exemplaire. Il resterait alors à cicatriser les plaies exacerbées dans un esprit d’apaisement révéré et de feu sacré.

Alain Boutat
Épidémiologiste,
économiste et politiste 
Lausanne

(1) Balla A. « Au Cameroun, l’opposition se déchire déjà sur la désignation d’un candidat unique pour la présidentielle d’octobre 2025 », Le Monde, 26/02/2024.
(2) Ougock A. « Cameroun : Présidentielle 2025, le casse-tête de Maurice Kamto », Koaci, 27/01/2025.
(3) Mouko Boudombo A. « Présidentielle 2025 au Cameroun : Paul Biya déblaie-t-il son chemin ? », BBC, 09/07/2024.
(4) Foute F. « Présidentielle au Cameroun : l’avocat Akere Muna se lance une nouvelle fois », Jeune Afrique, 30/09/2024.

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