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Billet de blog 3 septembre 2025

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ISSA TCHIROMA BAKARY ET LA RUSE DE TARTUFFE

Candidat à la présidentielle camerounaise du 12 octobre 2025, Issa Tchiroma Bakary a adressé une lettre ouverte acerbe à Cavayé Yeguié Djibril, président de l’Assemblée nationale (PAN) et membre influent du parti au pouvoir. Il y dénonce notamment la « misère » du territoire multirégional du Grand Nord, non sans insinuer une crise majeure dans le pays dirigé par le chef d’État sortant Paul Biya.

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Avec causticité et acrimonie, Issa Tchiroma Bakary, alias ITBakary, évoque d’emblée « une piqûre de conscience lancinante, devenue pratiquement un cauchemar dans [son] esprit, qui [le] pousse d'aller vers [le PAN] et faire de [lui] un exutoire qui pourra soulager [sa] peine ». Ministre démissionnaire, en juin dernier, pour se présenter au concours d’accès à la magistrature suprême contre son ancien patron du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le natif de Garoua serait de cette façon « bouleversé, peiné et chagriné, à la veille d'une consultation électorale capitale, de constater [plus tard] le délabrement généralisé du Septentrion » (1).

Politicardie alimentaire

Après tant d’années passées aux gouvernements de la République, d’abord comme ministre des transports (1992-1996), puis comme ministre de la communication et porte-parole du gouvernement (2009-2019), et enfin comme ministre de l’emploi et de la formation professionnelle de 2019 jusqu'à sa récente démission, ITBakary peut-il se permettre, à moins de deux mois de la présidentielle, d’accuser nûment des tiers d’un casuel « abandon-trahison » des populations régionales, alors qu’il a étroitement participé à la gouvernance du pays pendant plus d’une douzaine d’années ? Et quel est ce culot incivique de sommer des élites étatiques de privilégier leur contrée natale commune dans le cadre des attributions de la République ?

Bon Dieu de politicardie alimentaire ! Si l’ondoyant leader du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) n’était pas énormément pétri d’hypocrisie, le diagnostic ad hoc aurait été la pathologie de l’amnésie rétrograde. En effet, avec une ardeur morbide qui aurait réussi à mystifier le personnage Orgon de Molière, il continue de faire duplication de la fourberie qui caractérise inlassablement ses considérations antinomiques, ses volte-faces persistantes et ses déclarations à la mords-moi le noeud (2). Or, la niaise supercherie excessive qui concourt manifestement à enfler de fâcheux auspices, recèle chroniquement et incurablement la fameuse ruse de Tartuffe.

VAR de l’arbitrage électoral

En réalité, la ficelle est si grosse qu'elle ne trahit guère quelque double tartufferie pernicieuse. La première tartufferie consiste à s'ériger en candidat des désespérés du Septentrion, tandis que le fortuné arriviste qui s’en prévaut sans scrupules, respire fort dans l’atmosphère ouatée d’un système qu’il feint de flageller. Le second volet de la tartufferie est la vision autoproclamée, à grand renfort de formules de faux dévot et d’encens de piètre bigot, pour ne pas obvier à prétendre se transformer en porte-parole des « populations abandonnées », lui qui est cependant lourdement soupçonné de diverses indélicatesses contraires à une « mission sacerdotale ».

Comprenons-nous bien ! Il n'est pas question ici de signaler que ITBakary est pire que d'autres candidats de la symbolique cohorte présumée opposante. Il s’agit simplement de faire remarquer que les postulats de son pseudo-engagement présidentiel sont bâtis sur des caricatures fréquentes dans le Triangle des tumultes (3). Aussi le capitan est-il moralement illégitime, en raison de l'entêtement buté à l’exonération systématique de ses propres responsabilités et à la stigmatisation déloyale de ses involontaires adversaires auxquels il est plutôt redevable. Une pareille escroquerie contribue néanmoins à épuiser l’ordre sociopolitique par des accusations cauteleuses, ne tendant à rien moins qu’à faire du scrutin présidentiel d'octobre 2025 une sorte de foire d’infidélités et de duplicités. Heureusement que la VAR de l’arbitrage électoral est entre les mains du peuple !

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne

(1) Nassourou M. « Présidentielle 2025. Lettre ouverte d’Issa Tchiroma : le cri de colère du septentrion camerounais à Cavaye Yeguié Djibril », Cameroun 24, 02/09/2025.
(2) Babena G, Adamou N. « L’homme politique face à ses dires : peut-on ravaler la salive crachée ? », TIPA, Université de Maroua, 2016.
(3) Boutat A. « Issa Tchiroma Bakary et le tribunal de l’histoire », Mediapart, 28/06/2025.

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