Le cancer du corps de l’utérus n’est pas à confondre avec le cancer du col de l’utérus. La tumeur maligne envahissante se développe au sein même de l’appareil reproducteur féminin et peut se propager vers des foyers secondaires. On parle généralement de carcinomes de l’endomètre et, plutôt rarement, de sarcomes de l’utérus, avec leurs diverses variantes respectives. Quel lien étroit y aurait-il alors entre le cancer du corps de l’utérus et la multitude de substances capillaires défrisantes ou lissantes ?
Étude américaine
L’étude américaine repose sur les données d’une trentaine de milliers de femmes âgées de 35 à 74 ans, recrutées entre 2003 et 2009 pour être suivies sur 11 ans environ. Il en résulte que 378 d’entre elles ont développé un cancer du corps de l’utérus. Pour celles qui n’ont jamais utilisé de produits de lissage capillaire, le risque de présenter ce cancer avant l’âge de 70 ans est de 1.6% contre 4.1% pour les usagères fréquentes.
Les parabènes, le méthanal ou le formaldéhyde sont certes classés parmi les produits cancérogènes possibles et les perturbateurs endocriniens potentiels aux effets délétères sur l’organisme, mais il n’y a aucune raison déterminante de s’affoler. Le principe scientifique de circonspection s’impose afin d’éviter des généralisations abusives ou hâtives.
En effet, la prudence est nécessaire lorsque les preuves scientifiques, inhérentes notamment à la protection de la santé humaine, semblent manifestement partielles ou incertaines, alors que les enjeux multiples y afférents paraissent décidément élevés ou moins douteux. Dans ces conditions, des interrogations cruciales ont tendance à troubler l’esprit.
Relation de cause à effet
Par rapport à l’échantillon, comment les 60% de femmes noires affectées, qui avouent le défrisage, ont-elles été incluses dans cette étude (personnes volontaires, survivantes ou saines) ? Quelle est la variabilité des paramètres lors du recueil des données pour des comparaisons transversales avec d’autres groupes qui ne défrisent pas les cheveux ?
Par ailleurs, n’y a-t-il pas de tiers-facteurs concomitamment associés au cancer du corps de l’utérus des sujets non exposés ? Autrement dit, s’il y a association significative entre ce cancer et les produits défrisants ou lissants, quelles substances composantes sont-elles spécifiquement responsables de la survenue majoritaire du cancer précité chez les femmes noires ? À défaut d'un échantillon aléatoire, que penser de l’implication éventuelle des produits chimiques de blanchissage de la peau qui accompagnent souvent le défrisage des cheveux crépus ?
Eu égard à ce qui précède, espérons plus éclairants les résultats de recherches additionnelles à l’étude américaine. La question fondamentale est de savoir s’il y a réellement une relation de cause à effet entre des produits chimiques imprécis ou vaguement dénoncés et le cancer du corps de l’utérus, sans biais épidémiologiques de sélection, de classement et de confusion. Aussi devons-nous retenir que la corrélation statistique de variables ne mène pas forcément à la causalité scientifique !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne