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Billet de blog 7 septembre 2025

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SURVEILLANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE DES EAUX PATHOGÈNES

La surveillance épidémiologique des eaux pathogènes est un outil complémentaire de santé publique en pleine évolution, qui permet notamment de suivre les charges virales, bactériennes et parasitaires, afin d’alerter les parties intéressées sur les risques de pathologies infectieuses. Elle s’est particulièrement fait connaître dans plusieurs pays de la planète durant l'épidémie de la Covid-19.

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Au-delà du coronavirus SARS-CoV-2 dont l’origine demeure opaque (1), y aurait-il des agents pathogènes susceptibles de se propager au sein des populations ? Concernent-ils des variants de virus connus comme celui de la grippe saisonnière ou plutôt des virus émergents tels que celui de l’orthopoxvirose simienne (mpox) ? Le monitoring des eaux usées peut contribuer à répondre à ces types de questions, en vue de prévenir les communautés de l’éventualité de certaines épidémies et d’aviser les autorités sur les mesures à prendre.

Intéressante étude épidémiologique

L’Afrique n’est pas en reste. En guise d’illustration, une intéressante étude épidémiologique reposant sur les eaux usées, menée par le Centre de Recherche sur les Maladies Émergentes et Réémergentes (CREMER) de l'Institut de Recherches Médicales et d'Etudes des Plantes Médicinales (IMPM), corrobore le vagabondage discret du virus de l’hépatite E (HEV) au sein de l'agglomération de Yaoundé.

Selon les auteurs de l'étude précitée, « Entre janvier et décembre 2023, des échantillons d’eaux usées ont été prélevés chaque mois dans différents sites de la capitale camerounaise : hôpitaux, quartiers résidentiels, marchés et points d’irrigation pour les cultures […]. Il en ressort que plus d’un quart (26,4 %) de ces échantillons étaient contaminés par le virus de l’hépatite E. Les zones résidentielles se sont révélées particulièrement touchées, avec près de 42 % des échantillons positifs. Le virus a également été retrouvé dans l’eau servant à l’arrosage des plantes, ce qui pose un risque direct pour les cultures et donc pour l’alimentation des populations » (2). La sonnette d’alarme est ainsi tirée sur la prompte nécessité d’assainir les quartiers de l'agglomération, de protéger les sources d’eau urbaines et d’améliorer la sanité des espaces agricoles. Il importe, par surcroît, de favoriser le monitoring épidémiologique des eaux usées dans un cadre urgent des actions de santé publique à mettre en œuvre et des options nationales de médecine préventive.

Virus à ARN simple brin

À l’instar de tous les agents viraux nus qui se multiplient dans l’appareil digestif (virus entériques sans membrane lipidique ou protéique), le virus à ARN simple brin de l'hépatite E appartient à la famille des Hepeviridae de polarité positive et peut effectivement survivre dans les eaux usées. Il infecte les êtres humains, la famille des Porcins et d’autres espèces de mammifères comme les rongeurs. Dans certains groupes à risque, spécialement les femmes enceintes et les individus immunodéprimés, l’infection peut entraîner une hépatite fulminante mortelle. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le HEV est responsable, chaque année, de 44 000 décès et d’environ 20 millions d’infections aiguës dans le globe (3).

Le virus est excrété dans les selles des personnes infectées et se propage par voie féco-orale (génotypes 1 et 2), souventes fois par le biais de l’eau et des mains souillées. C'est une voie principale de transmission interhumaine dans les pays en développement où l'hygiène et le traitement des eaux usées sont lacuneux. Il existe également le mode de transmission zoonotique (génotypes 3 et 4), associé à la contamination des animaux ou à l'ingestion de produits carnés insuffisamment cuits pour la consommation recommandée.

Enjeu majeur de l'hépatite E

Le virus de l'hépatite E provoque une inflammation du foie, voire de rares atteintes neurologiques et auto-immunes comme le syndrome de Guillain-Barré (SGB) ou le syndrome de Parsonage-Turner (SPT). Sur une période d’incubation de deux à 10 semaines en moyenne, les symptômes variables et incertains peuvent inclure une perte d'appétit, une envie répétée de vomir, une douleur abdominale, une sensation de fébrilité morbide, une pâleur excrémentale, une urine foncée ou une coloration jaune de la peau et des yeux du patient (4).

Faute de traitement spécifique de cette pathologie virale, qui peut d’ailleurs guérir sans soins particuliers ou connaître une évolution spontanément résolutive, la prévention s’effectue généralement par l’hygiène alimentaire, le lavage des mains au savon, la désinfection de l’eau souillée et la cuisson suffisante des aliments. Peu répandu, le vaccin HEV 239 ou Hecolin® est, par ailleurs, homologué en Chine depuis 2011. Il a été administré au Soudan du Sud en 2022 comme mesure de riposte contre l’épidémie. L’enjeu majeur de l’hépatite E réside dans la prévalence sous-estimée des cas asymptomatiques et les formes potentielles de la mortalité afférente à l’infection virale.

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste 
Lausanne

(1) Boutat A. « Coronavirus et psychovirus », Mediapart, 29/03/2020.
(2) Meta-Djomsi D, Atsama-Amougou M, Ngamaleu MR, Godwe C, Maidadi-Foudi M, Tongo M, et al. « Molecular surveillance of hepatitis E virus in wastewater in Yaoundé, Cameroon. » PLoS One 20,  August 13, 2025.
(3) OMS. « Hépatite E », Organisation mondiale de la santé, 10/04/2025.
(4)  León-Janampa N, Brand D et Marlet J. « Hépatite E : au cœur de la maladie et de la prévention », Médecine/Sciences, Numéro 4, Avril 2025.

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