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Billet de blog 8 janvier 2025

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CAMEROUN : L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

À une dizaine de mois de l’élection présidentielle au Cameroun, des prêtres et des évêques catholiques se sont prononcés publiquement pour l’alternance politique, en exprimant leur opposition à une candidature éventuelle de Paul Biya, né le 13 février 1933, qui dirige ce pays d’Afrique centrale depuis le 6 novembre 1982.

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C'est de la plus grande agglomération urbaine qu'est parti le vent des récriminations en décembre 2024. Samuel Kléda, archevêque de Douala et ancien président de la Conférence épiscopale nationale, déclare dans un média étranger qu'une nouvelle candidature en 2025 du chef d’État camerounais « n'est pas réaliste », car, prévient-il, évoquant son âge et son état de santé, « À un moment donné, nous quittons ce monde, nous ne pouvons pas faire de miracle. » (1).

Homélies de Nouvel an

Il s’en est suivi, à l’occasion du sermon du 1er janvier 2025, des propos acerbes de l’évêque du diocèse de Yagoua, dans la région de l’Extrême-Nord, Barthélemy Yaouda Hourgo, selon lequel « On ne va pas souffrir plus que ça encore […]. Le pire ne viendra pas. Même le diable, qu'il prenne d'abord le pouvoir au Cameroun, et on verra après. » (2). Le prélat s’éloignera aussitôt de sa chaire, avant de conclure par un vibrant « Amen » à l’intention de ses ouailles. 

D’autres curieuses allusions seront lancées ici et là, à l’instar des interrogations de l’évêque de Ngaoundéré, dans la région de l'Adamaoua, Emmanuel Abbo : « Qu'est-ce que les Camerounais n'ont pas encore enduré ? Comment est-il possible que le mal-être ne pousse pas les responsables de ce pays à mettre fin aux trop nombreuses souffrances ? ». Pour l’archevêque de Yaoundé, Jean Mbarga, l'État doit « tout faire pour que la voix des Camerounais soit entendue », lors des prochaines échéances électorales.

Tohu-bohu fougueux d’affirmations manichéennes

À ces homélies de Nouvel an vont succéder des relais de seconds couteaux, en l’occurrence certains prêtres et diacres. On apprend alors que les évêques ont « l’obligation de s’exprimer et d’enseigner la doctrine sociale, les principes de solidarité, le respect de la dignité humaine et du bien commun ». Ils auraient ainsi « versé un peu d’eau bénite sur le Cameroun et, en le faisant, les démons de la malgouvernance et de la corruption sont en train de s’agiter ».

Les évêques et leurs subordonnés ont sans conteste le droit (et non l’obligation) de s’exprimer. Mais au lieu des paroles de foi et de paix contre les débordements de la politicardie alimentaire, il est plutôt servi un tohu-bohu fougueux d’affirmations manichéennes, qui ne restitue aucun éclairage substantiel quant au « choix religieux » d’un leadership alternatif. Ils n’en parlent d’ailleurs guère, mais préfèrent réserver des piques contre celui qui n’est pas jusqu'ici un candidat déclaré et qu’ils ont longtemps adulé, cajolé ou flagorné.

Nul n'est irréprochable

Imaginons un instant que le président sortant veuille se représenter devant le peuple camerounais, n’appartient-il pas à ce peuple d’accepter ou de rejeter une telle éventualité dans le secret des urnes ? L’âge avancé est-il proscrit par la Constitution pour le renouvellement casuel de la confiance de ses compatriotes ? Que nenni ! Si la débilité n’est pas attestée, l’asthénie soutenable n’est pas prohibitive, sauf en cas d’illégal coup de force militaire.

En ce bas monde, nul n’est irréprochable, à la fleur de l’âge comme à l’âge de la vieillesse, y compris les ecclésiastiques dont la piété n’est pas toujours exemplaire. Ne se trouvent-ils pas parfois au pied du mur, avec la contrainte de diverses dénonciations, pour admettre des dérives gardées sous le coude ou sous la soutane et des attitudes contraires à l'éthique sociale ou à la morale théologique ? Hélas, l’inutile hypocrisie est aveugle et la futile passion est sourde !

Alain Boutat
Épidémiologiste,
économiste et politiste
Lausanne

(1) Ponchelet A. « Une nouvelle candidature du président Biya en 2025 ''n'est pas réaliste'' selon l'archevêque de Douala », RFI, 25/12/2024.
(2) Mouko Boudombo A. « Présidentielle 2025 au Cameroun : ''On ne va pas souffrir plus que ça encore'' », BBC News Afrique, 02/01/2025.

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