Pathologie chronique, elle touche une masse significative de la population mondiale adulte. Assassin discret, il progresse sans symptômes notables, en rendant son diagnostic hermétique et sa dangerosité malaisément détectable par le patient lui-même. Non contrôlée ou maîtrisée, la HTA est un facteur de risque majeur pour moult affections, telles les maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC), rénales (insuffisance chronique, néphosclérose artériolaire hautement tensionnelle) et cérébrales (maladie d'Alzheimer, sévère encéphalopathie). Attendu que l'adversaire en présence endommage méthodiquement sans frein les petits vaisseaux sanguins des reins et du cerveau, il provoque l'obstruction ou la rupture des artères (1).
Doublement d'hypertendus dans les pays en développement
En Suisse, par exemple, l’un des pays qui a aujourd’hui le plus faible taux de prévalence avec le Canada et le Royaume-Uni, une personne sur quatre est pourtant touchée. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on observe un doublement d'hypertendus dans les pays en développement, avec une prévalence désormais massive. L'Afrique subsaharienne, l'Asie du Sud et l'Océanie ont ainsi donné lieu à une augmentation inquiétante au terme des 30 dernières années (2). Nombre de ces personnes ont inéluctablement besoin d'un traitement de longue durée dans un contexte plus ou moins anémié du financement requis des mesures de santé publique.
Il en résulte une kyrielle de questions cruciales en lien avec la médecine préventive et le traitement thérapeutique. Comment savoir si l’on a l’hypertension artérielle ? Quelles sont ses causes et ses conséquences ? La pression du sang sur les artères est-elle toujours identique ou subit-elle des variations ? Quel est le meilleur moment pour la mesurer avec un brassard au bras ou un appareil au poignet ? Que peut-on faire pour garder une tension basse ? Et cela peut-il permettre d’éviter les médicaments ou de les substituer s’ils ne sont pas supportables ? Quand les patients hypertendus ont-ils besoin d’un contrôle chez un médecin clinicien ? Arrive-t-il aussi que la baisse provoquée de la tension artérielle soit dangereuse ?
Modification des modes de vie
Sachant que les symptômes caractéristiques sont rares, il convient à boule vue de mesurer régulièrement l'hypertension artérielle. Ainsi, avec une pression de 140/90 millimètres de mercure (mmHg) ou 14/9 centimètres de mercure (cmHg), les dés sont jetés (Alea jacta est), comme l’aurait dit Jules César en franchissant le Rubicon en 49 av. J.-C. Pour environ 10 % des personnes qui débordent le « fleuve », il est possible de trouver une cause, à l’instar de maladies des glandes surrénales porteuses d’une surproduction hormonale. Mais dans 90 % des cas, la cause est le plus souvent indéterminée. Hélas ! Le coeur doit pomper plus fort pour résister à l’effort de la pression, en s’épaississant et en perdant sa souplesse ; ce qui est enclin à favoriser l’apparition d’une insuffisance cardiaque ou à porter atteinte aux vaisseaux sanguins, augmentant fatalement le risque d’infarctus du myocarde et d’attaque cérébrale. Il y a une limite qui est idéalement inférieure à 120/80 mmHg au repos. À domicile, elle est considérée normale si elle est inférieure à 135/85 mmHg, et, en présence d’une blouse médicale, le seuil OMS est de 140/90 mmHg.
Comment mesurer cette foutue tension, dont les crimes font invariablement penser à la « sorcellerie » dans certains pays de la planète bleue ? Le matin après être passé aux toilettes, avant de s’empoisonner soi-même avec un simple médicament ingurgité ou une vulgaire cigarette nicotinée... Restez assis cinq minutes détendu au calme, puis faites la première mesure. Attendez ensuite deux minutes pour la seconde. Si les deux résultats sont très distincts, faites une troisième mesure. C’est alors la moyenne entre les deux dernières qui est probante. Une activité physique régulière est utile pour éliminer le stress. S’il y a des kilos en trop, essayez de les perdre. Un autre conseil est une alimentation équilibrée avec des fruits, des légumes et une boustifaille peu salée. Avec l’âge, les individus réagissent différemment à la surconsommation de sodium. Mais il est opportun de savoir que les modifications du mode de vie permettent de retarder l'absorption médicamenteuse.
Stabilité du monstre hypertensif
Concernant le traitement, il est essentiel de contrôler plusieurs fois la pression artérielle durant un ou deux mois après l’initiation thérapeutique. En cas de stabilité du monstre hypertensif, un contrôle médical par an est suffisant. L’art clinique est de trouver les remèdes qui conviennent aux patient(e)s, en essayant au mieux différentes substances actives. Deux à trois ingrédients moléculaires sont généralement combinés à faible dose. Cela accroît l’efficacité tout en réduisant les effets secondaires au cours d'une quotidienne consommation durable. Si les patient(e)s cessent de s’en accoutumer, la pression exercée par le sang sur la paroi des artères recommencera rapidement à grimper. Et si le poison souvent bienfaiteur est irrégulièrement avalé, la tension artérielle aura des variations, manifestant à son tour une alerte pour la santé cardio-vasculaire et cérébrale.
La prise des médicaments s’effectue de préférence le matin. Mais là aussi, il y a des exceptions : les individus qui ont de l’hypertension la nuit prendront plutôt leur traitement en journée ou le soir. Encore faudrait-il savoir que les personnes âgées présentent un risque de vertiges qu’il importe d’évaluer pour juguler les accidents. Si de tels vertiges sont confirmés, il sied de modifier le traitement thérapeutique. Et si les artères coronaires sont en mauvais état, une tension artérielle trop basse peut entraver l’irrigation sanguine du cœur. En somme, la prévention, la détection, la thérapie et le suivi post-traitement doivent rester au rendez-vous jusqu'au bout !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
(1) Boutat A. « Hypertension artérielle : le meurtrier discret », Mediapart, 13/10/2023.
(2) OMS. « Plus de 700 millions de personnes hypertendues ne sont pas traitées », WHO, Communiqué consulté le 25/08/2025.