Pathologie chronique, elle concerne une masse significative de la population mondiale adulte. Assassin silencieux, il progresse sans symptômes notables, en rendant son diagnostic hermétique et sa dangerosité détectable à grand-peine par le patient lui-même. Non contrôlée ou mal maîtrisée, l'HTA est un facteur de risque majeur pour moult affections, telles les maladies cardiovasculaires (AVC, infarctus), rénales (néphosclérose artériolaire hypertensive, IRC), cérébrales (maladie d'Alzheimer, encéphalopathie sévère) et érectiles (réduction du flux sanguin vers le pénis, impact antihypertenseur). Attendu que l'adversaire endommage méthodiquement sans frein les petits vaisseaux sanguins des reins et du cerveau humain, il peut alors provoquer à la fois l'obstruction et la rupture des artères (1).
Kyrielle de questions cruciales
En Suisse, par exemple, le pays qui a aujourd’hui le plus faible taux de prévalence, suivi par le Pérou et le Canada, une individualité sur quatre est pourtant touchée. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre total de personnes souffrant d'hypertension sur la planète a doublé entre 1990 et 2019, atteignant 1,28 milliard d’individus, que l’on peut notamment expliquer par la croissance et le vieillissement démographiques. Environ 720 millions des cas ne sont pas traités. La situation est particulièrement alarmante dans les pays en voie de développement où se trouvent concentrés 82 % d’hypertendus. L'Afrique subsaharienne, l'Asie du Sud et l'Océanie ont donné lieu à une augmentation inquiétante au passage des 30 dernières années (2). On pourrait se demander pourquoi les peuples des nations défavorisées s'avèrent-ils plus vulnérables aux calamités mondiales ? Alors que la multitude de ces humbles êtres humains ont inévitablement besoin de traitements continus de longue durée, le financement de la santé publique y est fâcheusement déficient.
Il en résulte une kyrielle de questions cruciales liées à la médecine épidémio-préventive et à la médecine clinico-thérapeutique. Peut-on savoir si l’on a l’hypertension artérielle ? Quelles sont ses causes et ses conséquences ? La pression sanguine sur la paroi des artères est-elle toujours identique ou subit-elle des variations ? Quelle est la meilleure façon de la mesurer avec un brassard au bras ou un casuel appareil au poignet de la main ? Comment garder une tension basse ? Et permet-elle d’éviter les médicaments ou de les substituer s’ils ne sont pas supportables ? Quand les patients hypertendus ont-ils besoin d’un contrôle chez un médecin clinicien ? Arrive-t-il aussi que la baisse provoquée de la tension artérielle soit périlleuse ?
Modifications du mode de vie
Sachant que les symptômes caractéristiques sont rares, il convient à boule vue de mesurer régulièrement l'hypertension artérielle. Ainsi, avec une pression de plus 140/90 millimètres de mercure (mmHg) ou 14/9 centimètres de mercure (cmHg), les dés sont jetés (Alea jacta est), comme l’aurait dit Jules César en franchissant le Rubicon en 49 av. J.-C. Pour environ 10 % des personnes qui traversent le « fleuve sacré », il est possible de trouver une cause, à l’instar des maladies de glandes surrénales porteuses d’une surproduction hormonale. Mais dans 90 % des cas, la cause est le plus souvent indéterminée. Hélas ! Le cœur doit pomper plus fort pour résister à l’effort de la pression sanguine, en s’épaississant et en perdant sa souplesse ; ce qui est enclin à favoriser l’apparition d’une insuffisance cardiaque ou à porter atteinte aux vaisseaux, augmentant fatalement le risque d’infarctus du myocarde et d’attaque cérébrale. Il y a une limite qui est idéalement inférieure à 120/80 mmHg au repos. À domicile, elle est considérée normale si elle reste inférieure à 135/85 mmHg, et, en présence d’une blouse médicale, le seuil OMS est de 140/90 mmHg.
Comment mesurer cette foutue pression, dont les crimes abhorrés font invariablement penser à la « sorcellerie » dans certains pays de la planète bleue ? Le matin après être passé aux toilettes, avant de s’empoisonner soi-même avec un habituel médicament ingurgité ou une usuelle cigarette nicotinée. Restez assis pendant cinq minutes, détendu au calme, puis faites la première mesure. Attendez ensuite deux minutes pour la seconde mesure. Si les deux résultats sont très distincts, faites une troisième mesure. C’est alors la moyenne entre les deux dernières qui est probante. Une activité physique régulière est utile pour éliminer le stress. S’il y a des kilos en trop, essayez de les ôter. Un autre conseil est une alimentation équilibrée avec des fruits, des légumes et une boustifaille pauvrement salée. Avec l’âge, les êtres réagissent différemment à la surconsommation de sodium. Mais il est opportun de savoir que les modifications du mode de vie antérieur concourent à retarder l'absorption médicamenteuse.
Stabilité du phénomène hypertensif
Concernant précisément le traitement, il est essentiel de surveiller la pression artérielle durant un ou deux mois après l’initiation de la thérapie. En cas de stabilité du phénomène hypertensif, un contrôle médical par an est plutôt suffisant. L’art clinique est de trouver les remèdes qui conviennent aux patient(e)s, en essayant tout au mieux différentes substances actives. Deux à trois ingrédients moléculaires sont simplement combinés à faible dose. Cela accroît leur efficacité tout en réduisant les effets secondaires au cours d'une quotidienne consommation durable. Si les patient(e)s cessent de s’en habituer, la pression exercée par le sang sur la paroi des artères recommencera rapidement à survoler. Et si le poison provisoirement bienfaiteur est irrégulièrement avalé, la tension artérielle se manifestera à son tour par une alerte contrariante à la santé cardio-vasculaire et cérébrale.
La prise des médicaments s’effectue de préférence le matin. Mais là aussi, il y a des exceptions : les individus subissant l’hypertension nocturne auront leur utile dose en journée ou au crépuscule tombé. Encore faudrait-il admettre que les personnes âgées présentent un risque de vertiges qu’il importe d’évaluer pour juguler les accidents. Si de tels vertiges sont confirmés, il sied de modifier le traitement thérapeutique. Et si les artères coronaires sont en mauvais état, une tension artérielle trop basse peut entraver l’irrigation sanguine du cœur. Au final, la prévention, la thérapie et le suivi post-traitement doivent rester au rendez-vous jusqu'au bout du déclin irréversible !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
(1) Boutat A. « Hypertension artérielle : le meurtrier discret », Mediapart, 13/10/2023.
(2) OMS. « Plus de 700 millions de personnes hypertendues ne sont pas traitées », WHO, 25/08/2021.