De manière générale, la confrontation authentique des opinions discordantes est rarement conflictuelle, lorsque les principes disciplinés de la conviction et de la bienséance sont appliqués sur les plateaux de télévision ou dans d'autres médias accessibles (y compris les plateformes numériques). Il importe alors aux intervenants d’être cash sans se complaire dans le clash, sachant qu'ils sont censés apporter leur contribution éclairée à un débat sensé d’idées.
Échange constructif
En revanche, est-il indispensable de laisser s'envoler, notamment dans le cadre des joutes verbales d'orateurs belliqueux, des paroles de mépris destinées à humilier ou à heurter la dignité d'autres participants ? Aussi faudrait-il que les animateurs ou administrateurs de débats veillent, en dépit des signes éventuels de sous-développement mental, à la modération intègre des excès de langage, à la régularité stricte des temps oratoires et à la synthèse instructive des points de vue conciliables ou incompatibles.
Quelle est cependant la raison de la tendance obscure qui consiste, chez certains universitaires, à s’affubler du masque exclusif de la supériorité cérébrale ? Pour un regard sans complaisance, il est connu mouches en lait que l’intellectuel n’est pas réductible à un diplômé académique, aussi expansif soit-il en arguties, sans valeur comportementale ni reconnaissance sociétale. N’est-ce pas plutôt de l’échange constructif des idées et de l’opposition saine des raisonnements que jaillissent les perceptions enrichissantes des capacités réflexives de l’esprit ? On ne le répètera jamais assez : le faire-semblant pathologique est fatalement contagieux !
Liberté d'expression
Dans le cas des tensions exacerbées entre les contradicteurs qui ne rêvent que plaies et bosses, les médias ne sauraient devenir des enceintes appropriées de l’échange de coups. Pour chaque protagoniste, l’essentiel n’est pas d’être invariablement d’accord avec l’interlocuteur opposé, mais de pouvoir présenter, avec courtoisie et considération, son explicable désaccord casuel, à l’abri des postures manichéennes. Dans un contexte de rationalité relative, le respect serein de l’autre est un gage confortable d’imperturbabilité psychologique. Rappelons-nous toujours que la pédanterie têtue peut rendre sourd et aveugle à la valeur majeure des arguments contraires aux nôtres.
Cette valeur majeure ne serait-elle pas d'ailleurs désolément perdue en raison de son origine adverse, sous le rude effet de divergences faussement exagérées ou de convergences fallacieusement abhorrées ? Hélas, l’extinction apaisante des antagonismes n’est jamais garantie en milieu tumultueux ! Bien qu’elle mérite nûment un encadrement, la faculté de communiquer avantageusement de tels antagonismes coule de source. La liberté d’expression ne nous est-elle pas donnée pour libérer aussi l’expression des idées qui nous déplaisent ? Il en est évidemment autrement de la confrontation des idées… sans idées.
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne