Pendant que des représentants de l’Église catholique apostolique appellent à l’alternance (1), d'autres dignitaires religieux, à l’instar de l'imam central de Douala, Mouhamad Malik Farouk, insistent sur « la nécessaire stabilité des institutions ». Pour le pasteur Nestor Nzetou, les évêques ont leur part de responsabilité dans la zizanie effervescente : « Ils peuvent certainement influencer, à travers leurs sorties, mais ils ne décident pas du choix du peuple [souverain] » (2).
Politicardie alimentaire
Les religieux ont le droit de s’exprimer et le devoir d'être réceptifs aux souffrances de leurs concitoyens. Mais au lieu des paroles de foi contre les débordements fâcheux de la politicardie alimentaire, une partie d’entre eux s’est illustrée par d'homilétiques propos clivants sur l'alternance présidentielle, récemment dilués par le « Message de paix des Évêques » depuis le « Séminaire Annuel » de Buea. Pour les fidèles, « Les églises doivent d’abord relever leurs défis […]. Si Dieu veut que Paul Biya ne soit plus président, il ne le sera plus » (3).
Dans ce Triangle des tumultes, certains militants du parti RDPC qui se déclarent « libres », souhaitent « interpeller la conscience du Prince sur ses faiblesses humaines actuelles », tout en restant « convaincus de sa volonté de s’éterniser au pouvoir ». Quel résultat peuvent-ils alors espérer en apostrophant une « conscience » qu'ils prétendent « déficiente » ? Et cela d’autant plus que, selon eux-mêmes, « un changement par les urnes [...] demeure une utopie » (4), indépendamment de celui qui émergerait du lot successoral.
Sursaut collectif
Dans un tel contexte discordant, représentatif du syndrome de Calimero, voter serait-il un luxe qui ne sert à rien, nonobstant les nombreuses initiatives agitées du moment ? En fait, l’absence éventuelle d'élection constituerait une option éculée qui ne restitue aucun raisonnement disjonctif valable (modus tollendo-ponens), ni alternative crédible à l’appréciation des conséquences positives ou négatives qui en résulteraient (argumentum ad consequentiam).
Le « Prince » évoqué n’est pourtant pas aujourd’hui un candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle. Et même s’il décide de le devenir demain, son rôle dans la politique camerounaise relève du jugement de l’histoire, et non des spéculations manichéennes sur l’avenir d’un chef d’État encore en fonction. Avec ou sans lui-même, préjugé impotent ou présumé omnipotent, le défi capital est un sursaut collectif pour donner de l’espoir à un peuple inapaisé.
Apport attendu de vertueuses forces vives
Il ne s'agit point du job individuel ou solitaire d’un président de la République, quel qu’il soit, mais de l'apport attendu de vertueuses forces vives. L’embastillement thérapeutique d'élites véreuses et prévaricatrices n’a rien amélioré jusqu'ici, la « pénitencemycine » n’ayant finalement plus d’effet bactéricide sur les tenaces infections criminelles endémiques. Hélas, un landerneau réputé frauduleux et une rétive malgouvernance subordonnée ne peuvent qu'atterrer !
Il y a des chefs d’État dans le monde qui règnent soit à la fleur de l'âge, soit à l'âge avancé. Le président camerounais a la latitude de prendre ou non sa retraite, à l'abri de vaines geigneries. En réalité, le progrès d’une nation ne se décrète pas par un magistrat suprême. Il est composé d'efforts endogènes polymorphes qui ne valent que ce que valent les ambitions et les advertances en présence. Aussi n’y a-t-il de mal des dirigeants que ce qu’en permet l’infirmité de la conscience des dirigés défaillants. Le reste n’est que pipi de chat !
Alain Boutat
Épidémiologiste,
économiste et politiste
Lausanne
(1) Boutat A. « Cameroun : l’église catholique et l’élection présidentielle », Mediapart, 08/01/2025.
(2) Asen E. « La candidature de Paul Biya divise les religieux camerounais », DW Global Media Forum, 08/01/2025.
(3) Essomba P. « Présidentielle au Cameroun : les prises de position contre une candidature de Paul Biya divisent des fidèles catholiques », RFI, 06/01/2025.
(4) Forum « Le futur c’est maintenant », 09/01/2025.