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Billet de blog 10 novembre 2020

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MASLOW À LA RESCOUSSE DE BALIVERNES

Un extrait viral d’une émission de télévision circule sur les réseaux sociaux, accusant étonnamment les dirigeants du Cameroun de s’être organisés, depuis 1960, pour pérenniser un état d’incapacité réflexive et maintenir les élites nationales « dans la famine, dans la misère, dans les besoins strictement biologiques [...], c’est-à-dire au bas-fond de la pyramide de Maslow ».

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À quels « besoins strictement biologiques » fait allusion la personnalité qui s'exprime supra ? L'universitaire veut-il plutôt parler des besoins physiologiques, à la base de la célèbre pyramide d'Abraham Harold Maslow (1908-1970), dont la satisfaction est diversement essentielle au maintien de l’équilibre biologique ?

Accusation chargée d'impudence

Dans l’affirmative, il s’agirait manifestement des « besoins de premier niveau » de Maslow (respiration, soif, faim, sommeil, sexualité, élimination). Quel serait alors le rapport abrupt entre ces besoins et la rémunération modeste des fonctionnaires de la République, qui, jusqu’ici, respirent tout de même, ne sont pas réputés assoiffés ou affamés, ni dépourvus fatalement d'appartenance ou d'estime ?

Nonobstant l’évidence selon laquelle les dérives du pouvoir ne sont guère exclues dans n’importe quel pays de la planète, l’accusation est chargée d’impudence. Elle semble caractéristique des fibres souffrantes d’âmes aux desseins décidément contrariés. La jactance exaspérante qui l’accompagne, par surcroît, est un levier pour célébrer désespérément des déceptions et des animosités latentes.

Pyramide des besoins

Certes, les salaires évoqués peuvent se révéler parcimonieux pour l’allocation équitable des moyens financiers aux « enseignants » et aux « médecins », après une longue période de formation et de privation. Mais ces salaires de façade sont-ils équivalents aux revenus, par exemple, des paysans et des retraités qui, eux, se situent majoritairement au ras des pâquerettes et sont confrontés véritablement à certaines nécessités maslowiennes de survie ?

De fait, la pyramide des besoins du psychologue américain présente à la fois la particularité d’être frappante et la singularité d'entretenir de remarquables confusions : satisfaire les besoins physiologiques, excepté celui de respirer en priorité, n’est ni systématique ni universel, avant les quatre types de besoins graduellement supérieurs sur l’échelle des appétences (sécurité, appartenance, estime, accomplissement de soi).

Allégations faciles

En effet, la hiérarchie est variable d’une personne à l’autre et d’une société à l’autre, en fonction des ressources accessibles, des modes de vie en cours et des réalités sociales en présence. Aussi faudrait-il se résigner à admettre que plus le gâteau du pouvoir et de l’avoir est petit dans une nation, plus devrait-il s’ajuster aux petitesses !

Les autorités camerounaises, fussent-elles reprochables pour certaines insuffisances de gouvernance, n’ont nullement la pyramide de Maslow comme trépied d’Apollon pour faire l'oracle ou comme bâillon pour taire l’intelligence. Il y a sûrement moult freins irréductibles aux allégations faciles, qui empêchent les élites de « travailler [la] matière grise », d’œuvrer résolument dans l’intérêt bien compris de leur pays et d'accroître les ressources partageables !

Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste 
Lausanne

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