En comptant sur la formation et le déploiement des 300 000 recrues récemment mobilisées, le commandement de l'ancien pays des tsars semble avoir établi des lignes défensives sur les rives du fleuve Dniepr. Et selon les images satellitaires, des tranchées seraient creusées à la frontière de la péninsule de Crimée, aux avant-postes de contrôle institués après l’annexion de cet isthme qui s’avance dans la mer Noire.
Recul des héritiers de l'Armée rouge
Conformément aux prescriptions usuelles des écoles de guerre, le Dniepr devrait constituer une barrière malaisément franchissable pour pouvoir réaffecter des unités engagées dans d’autres zones militaires.
Sachant que les pertes humaines de chacun des belligérants pourraient s’élever à plusieurs centaines de morts, il est hasardeux aujourd’hui d'indiquer lequel des deux camps, pour mener des offensives décisives, aura l’aptitude différentielle de redéployer avantageusement ses forces.
En somme, même si le recul des héritiers de l’Armée rouge semble se confirmer de jour en jour, les combats devraient persister durant de longues semaines. Alors faudra-t-il préalablement, du côté russe comme du côté ukrainien, assurer la sauvegarde sécuritaire des espaces situés en bordure du nouveau front réciproquement embarrassant.
Paix honorable des braves
Au-delà de cette lecture des positions militaires, des interrogations s’imposent à l’esprit : S’agit-il encore d’une «opération spéciale» qui visait à écraser rapidement le pouvoir de Kiev et ses «bras tentaculaires de l’OTAN» ? N’assiste-t-on pas plutôt à une guerre de suprématie ordinaire, renforcée par le souvenir de la catastrophe politique, sociale et économique de la dislocation de l’Union soviétique en 1991 ?
Dans la perspective des négociations constructives, en vue de mettre fin à cette guerre aux ravages cruellement directs et diversement collatéraux, la meilleure bataille est celle d’une paix honorable des braves, qui inviterait les deux protagonistes slaves à privilégier les charmes de la conciliation au détriment des armes de la confrontation.
Aussi convient-il de trouver une formule intermédiaire entre la «finlandisation» et «l’helvétisation» de l’Ukraine. Pour y parvenir, le plus vaste État de la planète devrait cesser de convoiter les régions russophones de son proche voisin. En contrepartie, ce dernier aurait à renoncer à ses velléités d’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne.
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne