L’éminente philosophe mourra de la tuberculose une année plus tard, à l’âge de 34 ans, au sanatorium d’Ashford en Angleterre, trois ans avant le début de la première utilisation de l'antibiothérapie (streptomycine), en 1946, pour traiter la maladie qui l'a emportée. Ses manuscrits sont essentiellement connus après sa mort, dont les publications majeures comme « L'enracinement », « La condition ouvrière » et « La connaissance surnaturelle », dans lesquelles elle analyse la détresse et la déshumanisation des sociétés modernes (1).
Incisif article succinct
L’essai « Note sur la suppression générale des partis politiques » est pareillement publié à titre posthume dans la revue La Table Ronde en février 1950 (2). Elle y considère qu'un parti politique est « une machine à fabriquer de la passion collective », qui compromet la liberté de penser, mène au mensonge et constitue une entrave à l'autonomie individuelle. Aucun parti ne devrait donc jouer le rôle d'intermédiaire entre le peuple et le pouvoir exécutif de l'État.
Brillamment rédigé, cet incisif article succinct tente de démontrer comment la démocratie représentative est un moyen enclin à être détourné. Mais cela ne semblerait surtout valable que là où il y a des convictions idéologiques exacerbées, voire totalitaires. Dès lors, est-ce forcément le cas dans les formations où les militants peuvent facilement retourner leur veste et où les acteurs n’ont à cœur que des intérêts personnels ou simplement alimentaires ? Dans un pays comme la Suisse, la démocratie directe exercée par les citoyen(ne)s n'est-elle pas complémentaire de la démocratie représentative ?
Pensée à la fois originale et incertaine
À la faveur d'une indépendance d’esprit, les idées de Simone Weil paraissent radicales, fragmentées et amphibologiques, eu égard à un itinéraire auto-contradictoire empruntant, dans un élan éclectique revisité, les contributions sélectives de l'anarchisme proudhonien, du marxisme antistalinien, du mysticisme chrétien, de l'humanisme critique des droits humains et de l'anti-étatisme libertaire. Aussi fustigeait-elle toutes les formes d’organisation du pouvoir et de l'incarnation populaire, assimilées à des « forces maléfiques ».
En somme, figure philosophique marquante prônant « l’accès à la vérité » et « l’épanouissement de la justice », Simone Weil est influencée notamment par les polymathes Pythagore, Platon et René Descartes. Elle se distingue ainsi par une pensée à la fois originale et incertaine, qui reste cependant une réflexion active dans l’approche des enjeux sociaux et politiques contemporains.
Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
(1) Weil S. La condition ouvrière et autres textes, Payot, 2022.
(2) Weil S. « Note sur la suppression générale des partis politiques », La Table Ronde, Février 1950.